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Nº 3066 du vendredi 12 août 2016

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POLITIQUE

Entre Doha et aujourd’hui. Les deux visages d’une même crise

Pour la première fois peut-être dans son long parcours, le président de la Chambre, Nabih Berry, semble avoir perdu tout contrôle sur le cours des événements.

Après trois jours de dialogue, alors que le pays traverse l’une de ses plus graves crises, celui qu’on appelle «Magic Berry» et qu’on qualifie de chef d’orchestre constate son impuissance. Il lui plaisait bien de répéter que cette conférence de dialogue était un «Doha libanais», appelant à trouver un compromis politique, à l’instar de l’accord de Doha. Le président Berry œuvrait pour l’adoption d’un «compromis global», sans lequel il était impossible de procéder à l’élection d’un président de la République et sans chef d’Etat, il n’y a aucune possibilité de régler la crise actuelle avec toutes ses complications et ses ramifications. L’élection d’un président est une priorité sans qu’elle ne soit à elle seule la solution, la vacance présidentielle n’étant pas l’unique problème.
Le président de la Chambre était très soucieux de rassurer les inquiets, en particulier le Courant du futur, en affirmant que le compromis global ne portait pas atteinte à l’accord de Taëf et ne menait pas à une nouvelle constituante. En revanche, il assurait que ce dialogue national était un second Doha, mais tenu cette fois au Liban et qui aboutirait à un accord transitoire, similaire à celui de Doha en 2008.
Entre 2008 et 2016, il existe un grand nombre de similitudes dans la nature de la crise locale, aussi bien au niveau de la vacance présidentielle qu’à celui de la paralysie du gouvernement et des institutions de l’Etat, ainsi que de la nécessité d’une nouvelle loi électorale. Pourtant, malgré les similitudes, il existe de grandes différences dans les circonstances qui ont accompagné la naissance de l’accord de Doha et celles qui concernent aujourd’hui le «Doha libanais».
L’accord de Doha a été précédé par une entente sur un président consensuel, qui était en l’occurrence Michel Sleiman. L’entente sur le nom du président s’était produite, mais son élection nécessitait un accord sur le gouvernement et la loi électorale. En revanche, la conférence du dialogue national s’est ouverte la semaine dernière sans un accord sur le nom ou la personne du président, alors que trois options sont en cours, chacune d’entre elles ayant ses chances. Celles-ci tournent autour de trois noms: le général Michel Aoun, le député Sleiman Frangié et un troisième président consensuel. Tant qu’il n’existe pas d’entente sur le nom du président, il est difficile de se mettre d’accord sur les autres sujets.
L’accord de Doha a été conclu «à chaud» et avait été précédé par deux incidents sécuritaires majeurs: la guerre de Nahr el-Bared et les événements du 7 mai. Aujourd’hui, malgré les inquiétudes sécuritaires sur la frontière et la recrudescence de la menace terroriste qui plane sur le pays, il manque le catalyseur qui fera exploser la situation et poussera vers un compromis sous la pression de la survenance d’un effondrement total de la situation. Mais les forces politiques ne manifestent aucune crainte de ce genre et ne semblent pas prendre la situation au sérieux.
 

Equilibre «positif» et «négatif»
Les deux forces principales qui étaient à l’origine de l’accord de Doha, le Futur et le Hezbollah, sont toujours les mêmes aujourd’hui. Un accord entre ces deux parties serait le premier pas vers un accord national global. Mais en raison des liens et des ramifications régionaux, le fossé qui les sépare aujourd’hui ne peut être comblé par une conférence de dialogue. Ceci nécessite désormais un accord direct entre sayyed Hassan Nasrallah et Saad Hariri, alors que les conditions d’une éventuelle rencontre entre les deux hommes ne sont pas encore mûres. Ce qui diffère en 2016, c’est qu’en 2008 il existait un équilibre «positif» entre une force qui avait mis la main sur le pouvoir et une autre qui tenait le terrain. Il y avait alors une volonté réelle chez les deux parties de trouver un accord. Actuellement, l’équilibre est «négatif» et aucune des deux forces en présence n’est capable de contrôler le cours des événements et n’a le pouvoir – ou la volonté – de régler la situation, chacune d’elles évoluant au rythme de ses affinités régionales. Chacune possède sa propre lecture des événements et estime que le facteur temps joue à son avantage.  

 

Joëlle Seif

Le Liban n’est plus une priorité
L’accord de Doha de 2008 s’était conclu sous un patronage régional iranien, syrien, saoudien, égyptien et qatari avec un feu vert américain, alors que le Liban sortait de la guerre de juillet 2006 et représentait une priorité, directement liée à la stabilité de la région. Or, aujourd’hui, ce parapluie n’existe plus. Il a été remplacé par le conflit irano-saoudien qui a dévasté la majorité des pays de la région, y compris le Liban qui ne figure plus parmi les priorités.

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