Magazine Le Mensuel

Nº 3066 du vendredi 12 août 2016

ACTUALITIÉS

Rapport parlementaire. Les trois scénarios français pour le Liban

Un rapport français, établi par une délégation de cinq parlementaires chargée par l’Assemblée nationale de scruter la réalité de la situation au Liban, a suscité l’intérêt des autorités libanaises, qui en ont demandé une copie.
Les rédacteurs du rapport qualifient la situation libanaise «d’inquiétante sur tous les fronts». Pour eux, la seule guerre syrienne n’explique pas les raisons de la crise libanaise, même si elle est responsable des menaces les plus sérieuses qui pèsent sur la sécurité du pays. Les différends politiques libanais entre les pro-Damas et ses opposants remontent à l’avant 2011, date du déclenchement de la guerre en Syrie. Ils se sont approfondis depuis. Quant aux secteurs, social et économique, le Liban paie, depuis longtemps, le prix de la dégradation de ses infrastructures et de ses services publics essentiels, que le flux de réfugiés syriens a alourdi. Enfin, le poids de la menace sécuritaire découle aussi de la situation de l’Armée libanaise et des services de sécurité, affaiblis par quinze années de guerre civile et quinze autres de tutelle syrienne.
Le rapport détaille les raisons de l’inquiétude française, notamment la paralysie qui frappe les institutions libanaises, le vide à la présidence de la République depuis mai 2014 et l’absence de régularité des réunions du Conseil des ministres et sa difficulté à mettre sur pied des décisions, alors que le Parlement ne légifère plus qu’exceptionnellement. Le rapport met en garde contre les répercussions sur la stabilité du Liban qui connaît la paralysie la plus longue de son histoire. Le pays qui, aux yeux de beaucoup, est «en suspension» plutôt que de retrouver sa force et de compter sur lui-même pour dépasser la crise.
Le rapport brosse trois tableaux possibles de l’avenir du Liban: la dégradation maintenue de la situation interne, sans escalade susceptible de provoquer l’effondrement de l’Etat ou une guerre ouverte (le scénario le plus probable pour les 6 ou 12 mois prochains). Briser les équilibres par la perte des moyens de défense ou provoquer un choc (effondrement du gouvernement, étalage de force du Hezbollah, guerre avec Israël), scénario improbable mais qu’il ne faut pas écarter. Sortir même provisoirement des crises par un sursaut de la classe politique, une entente saoudo-iranienne ou la fin de la guerre syrienne. Scénario peu probable.

Rapport européen
La menace jihadiste persiste au Liban

Malgré le calme fragile, des risques sécuritaires sérieux menacent le Liban, selon un rapport européen qui en détaille les raisons. Les répercussions de la guerre en Syrie, d’une présence de jihadistes dont il fait état sur le sol libanais, une situation explosive dans les camps palestiniens et le Sud qui constitue une autre raison d’inquiétude.
Le rapport révèle une crainte due à une possible extension du jihad vers le Liban à partir des territoires syriens. Il n’évoque pas à ce jour une éventuelle fusion entre les jihadistes de Ersal et du nord du Liban, mais, toujours selon le rapport, les autorités libanaises craignent que ceux-ci ne se forgent un passage à travers le Akkar entre Wadi Khaled et la Méditerranée, qu’ils n’exécutent des opérations terroristes d’envergure à l’intérieur du Liban.
En dépit du fait que le Liban ne fasse pas partie des cibles actuelles de Daech, cette organisation voudra riposter à l’intervention du Hezbollah en Syrie et provoquer des tensions confessionnelles pouvant creuser la division libanaise et menacer la stabilité du pays. Le rapport fait également état d’«un fort vent jihadiste à l’intérieur des camps palestiniens, notamment à Aïn el-Heloué, transformé par la guerre syrienne en terrain fertile pour les courants jihadistes et salafistes.
Contrairement à ce qui se passe sur d’autres scènes, les risques de provoquer l’insécurité sont limités par l’hégémonie du Hezbollah. Toutefois, Daech tenterait de frapper le parti dans ses bastions au Liban-Sud, à un moment où le Hezb et l’Armée libanaise craignent une infiltration des groupes radicaux à travers le Golan. Le rapport rappelle, enfin, que le Liban a accueilli généreusement les réfugiés syriens, en dépit de l’insuffisance des aides internationales et de l’énormité des besoins, ajoutant à cela l’inquiétude de l’insécurité et la crainte de ses répercussions sur l’équilibre confessionnel.

Chaouki Achkouti

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