Dans une interview recueillie par Magazine, Ahmad Fatfat se dit déçu du dernier discours du secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah. «Il dépasse la Constitution et se place en désignateur clé se substituant aux institutions», affirme le député de Denniyé et membre du Bloc du Futur. «Comment peut-on faire confiance à un homme qui n’a jamais tenu ses promesses?», s’interroge-t-il.
Comment évaluez-vous le dernier discours de sayyed Hassan Nasrallah, qui s’est dit prêt à discuter avec Saad Hariri de son éventuel retour au Grand sérail?
Le secrétaire général du Hezbollah a largement outrepassé la Constitution libanaise. Je m’explique: il s’est placé en une sorte de désignateur clé, se substituant à toutes les institutions étatiques. Il veut contrôler la nomination du président de la République, du Premier ministre et du chef du Parlement. Depuis 2006, cet homme ne respecte ni les promesses faites autour de la table de dialogue, ni celles données à Doha, ni les grandes lignes de la déclaration de Baabda. Pourquoi devons-nous donc prendre au sérieux son ouverture sur Saad Hariri? Cela fait longtemps que le Hezbollah étend son hégémonie sur toutes les structures de l’Etat, notamment à travers le boycott de l’élection présidentielle et l’exercice d’un veto au sein du gouvernement. Le Hezbollah ne s’en cache plus. Il sent qu’il détient un excès de force et souhaite le transformer en acquis politique. Il pèse de tout son poids sur le Parlement pour obtenir une loi électorale qui lui soit favorable. Il demande clairement une redistribution des pouvoirs. Il veut renvoyer les accords de Taëf aux oubliettes, perdant de vue que ces accords ont coûté au Liban 200 000 morts et des destructions énormes. Soyons clairs, il ne lui revient pas de nommer les responsables, ni à la tête du gouvernement, ni à la tête de l’Etat.
Par ailleurs, au lieu de tendre la main au peuple syrien qui se bat et paie un large tribut pour défendre son pays, il demande une sorte de réconciliation avec Daech, créature de l’Iran, du régime syrien et de l’Irak de Maliki. Il ne fait que demander aux Etats arabes de «nous ficher la paix», eh bien si lui «fichait» la paix aux pays arabes, ne s’ingérait pas dans leurs affaires, ne terrorisait plus et ne tuait plus leurs peuples, tout irait pour le mieux.
Vous dites que Daech est une création de l’axe lran-Syrie-Irak, alors que de nombreux observateurs le considèrent comme un outil entre les mains de l’extrémisme sunnite?
Tout à fait. C’est cet axe qui a créé Daech pour justifier ses ingérences, envoyer ses hommes tuer et massacrer… Dites-moi où est la bataille qu’a menée le Hezbollah contre Daech à cette heure? Aujourd’hui, parce que cette organisation perd du terrain, il souhaite la booster et l’encourager à poursuivre ses batailles.
La bataille d’Alep sera-t-elle décisive comme certains analystes et politiciens le disent? Décidera-t-elle du sort de tout le Moyen-Orient?
Ce qui se passe actuellement à Alep est une bataille sans issue. C’est une guerre d’usure qui se prolongera encore et encore. Tant qu’il n’y aura pas de solution politique prenant en considération les revendications du peuple syrien et ses luttes, le conflit se poursuivra en Syrie.
Et le Liban dans tout cela? Pourra-t-il tenir jusqu’à la solution de la crise syrienne qui ne viendra pas de sitôt, comme vous le dites?
L’idéal serait de séparer la crise libanaise du conflit syrien, mais cela s’avère difficile avec la politique adoptée par le Hezbollah qui s’ingère en Syrie et prend ses directives d’Iran.
Donc, pas de présidentielle en vue…
Je le pense. Pas de sitôt en tout cas.
L’échéance législative n’est plus éloignée – au printemps prochain – et il n’y a toujours pas d’entente autour d’une loi électorale représentative. Où en êtes-vous sur ce dossier?
La proportionnelle serait idéale si le Liban n’était pas gouverné par les milices et les armes illégitimes. Le Hezbollah impose son hégémonie sur toutes ses régions et nous refusons que cette hégémonie soit totale à travers la proportionnelle.
Propos recueillis par Danièle Gergès