Magazine Le Mensuel

Nº 3070 du vendredi 7 octobre 2016

Société

Pourquoi les volontaires français viennent au Liban

Avec une trentaine de volontaires, le Liban est le pays qui accueille la plus grande proportion de bénévoles venant de l’Hexagone dans la région.

Depuis quelque temps, nous assistons à la montée d’un nouveau phénomène, celui de l’engouement de jeunes volontaires pour le Liban. Cette année, ils sont une trentaine de Français à s’investir dans des organisations non gouvernementales (ONG) que compte le réseau France Volontaires, plateforme du ministère français des Affaires étrangères et du Développement international, qui œuvre pour promouvoir le volontariat à l’étranger.
Sacha Larnaud et Paul Dumayet, tous les deux âgés de 23 ans, sont des volontaires français qui travaillent à arcenciel. Après une année passée en Egypte, au cours de laquelle il a appris l’arabe, Paul, qui a fait des études de Sciences politiques à Lyon, a effectué un service civique au Liban et Sacha l’a accompagné.
Ils habitent le quartier de Furn el-Chebbak depuis septembre 2015. A peine arrivée, Sacha commence à prendre des cours d’arabe à l’Institut français. «Au début, j’étais totalement dépaysée. Mais en apprenant l’arabe, c’est devenu plus facile. Je ne savais pas comment circuler, où aller, puis je me suis habituée.

Une expérience enrichissante
Dès qu’on a compris comment le système fonctionne, tout devient plus simple», raconte Sacha. Elle s’est fait rapidement des amis. «A Beyrouth, on ne s’ennuie jamais; c’est une ville où l’on se sent en sécurité. Je n’ai jamais peur de rentrer seule le soir. Quand je suis retournée à Paris, je me suis fait voler mon sac. Une chose pareille ne m’est jamais arrivée au Liban». Si, en France, la cause de la criminalité est imputée à la délinquance, au Liban, selon Sacha, c’est la pauvreté qui en est la cause. Ce qui la dérange? «Vivre dans une ville poubelle et le racisme de certains Libanais».
Intéressé par le Moyen-Orient et encouragé par son professeur, Paul a décidé d’effectuer son service civique au pays du Cèdre. Après l’Egypte, la vie à Beyrouth lui paraît beaucoup plus simple. Pourtant, il avoue être impressionné par la ville et ses embouteillages monstrueux. Volontaire à arcenciel, Paul aime ce qu’il fait. «Après sa longue expérience avec les handicapés, arcenciel s’investit aujourd’hui dans la crise des déchets. Malgré mon accent égyptien lorsque je parle l’arabe, j’avais une barrière beaucoup plus simple à franchir que Sacha. Parler la même langue change la relation avec les gens. J’ai fait de belles rencontres au Liban». Avec effusion, Paul parle des Libanais qui sont ouverts aux autres. «Ils sont très accueillants; ça leur fait plaisir de voir un Français venir dans leur pays et découvrir leur culture. Beyrouth a une vie culturelle très riche». Il parle de ce Libanais de Deir el-Qamar, qui leur fait visiter sa ville et leur indique les endroits où il faut acheter tel ou tel produit. «Les Libanais adorent leur pays et ils aiment transmettre cette passion aux touristes», raconte Paul.
Sacha et Paul quittent Beyrouth, en décembre, en emportant un tas de souvenirs. «Je pourrai raconter pendant des heures le Liban. C’est une expérience magnifique de vivre dans un pays tellement différent du nôtre, un pays multiconfessionnel. Alors que le monde parle de l’immigration, nous sommes au cœur du problème. C’est enrichissant!», s’exclame Sacha. Pour Paul, parler du Liban, de ses confessions, de ses blocages est totalement différent que de les vivre et de voir comment les communautés sont séparées géographiquement. «Pourtant, les jeunes qu’on rencontre à Mar Mikhael ou à Hamra savent que les problèmes ne se gèrent pas de cette manière. Ils se placent au-dessus de toutes ces divisions. Ils veulent la coexistence et le vivre-ensemble. Une crise comme celle des déchets concerne toute la population. Ils sont obligés de se solidariser pour une même cause. Je suis heureux d’avoir travaillé à arcenciel. C’est une expérience qui m’a construit. Je ne retrouverai pas cela en France», confie le jeune homme.
Représentante de France Volontaires et responsable de l’espace bénévolat au Liban, Jihane el-Ayachi s’occupe du suivi et de l’accompagnement des volontaires ainsi que des structures d’accueil sur le plan administratif, technique et pratique. Elle évoque les raisons qui poussent les volontaires français à effectuer leur service civique au Liban. «Les jeunes au Liban ressemblent plus aux Européens que ceux des autres pays du Moyen-Orient. C’est un pays francophone, où la majorité des gens est trilingue. Vu le degré d’insécurité dans la région, le Liban est le seul pays qui tient encore la route. Il y a des volontaires en Jordanie et en Egypte, mais Beyrouth est plus facile à accéder, même si c’est plus compliqué d’obtenir un visa».

Le Liban, attirant
Malgré le fait que le Liban est un pays où il fait bon vivre, la cherté de vie est un handicap pour les volontaires. «Une personne qui effectue son service civique touche 600 euros par mois, dans lesquels sont inclus le logement et le transport. Il est difficile de combiner un travail avec le volontariat. Le Liban reste un pays qui attire, mais il est limité par la prime payée», confie Mme Ayachi.
En plus du service civique, il existe plusieurs formes de volontariat, notamment le VSI ou Volontariat de solidarité internationale. Le recrutement se fait sur la base des compétences et de l’expérience. Il concerne les personnes âgées de 25 à 40 ans. «36 volontaires sont envoyés par des structures agréées par le ministère des A-E français, dont 30 VSI et 6 volontaires qui accomplissent leur service civique», affirme Mme Ayachi. Les questions sécuritaires sont prises en charge par France Volontaires. «Nous nous occupons de la sécurité des volontaires. Ils habitent Beyrouth et n’ont pas le droit de se rendre dans certaines régions, qu’on appelle les zones rouges, comme Nabatiyé et la Békaa».

Joëlle Seif

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