En l’espace de quelques mois, le secteur de Sodeco s’est transformé en QG des cafés arabes. Le narguilé a remplacé les restaurants. L’ouverture de quatre nouveaux clubs explique, en partie, ce phénomène.
Que se passe-t-il à Sodeco? En l’espace de quelques mois seulement et sur quelques mètres à peine, le visage de la rue Béchara el-Khoury s’est métamorphosé.
D’une rue connue pour ses restaurants (La Piazza, Yabani, Crepaway…), la zone menant de l’établissement de nuit Cassino à l’ancien Element plus bas s’est transformée en véritable repère de cafés libanais.
On connaissait bien sûr Falamanki, premier établissement à s’être installé à Sodeco en 2009. Le concept est bien défini: «Ici, c’est un café libanais avec une identité propre et une atmosphère typique», insiste l’un des propriétaires, Tony Ramy. Avec une capacité de 500 places assises et un ticket moyen de 25 dollars, l’établissement est ouvert 24 heures sur 24 et s’est déjà exporté à Dubaï.
Un succès
C’est un succès qui pourrait en inspirer plus d’un. En l’espace d’un an, les cafés libanais ont proliféré dans la rue du Falamanki. En septembre 2016, en face du célèbre café libanais, ouvre Bilbol sur deux étages. L’établissement peut accueillir jusqu’à 250 personnes pour un ticket moyen d’entre 25 et 27 dollars. «Nous avons choisi d’investir à Sodeco pour bénéficier du succès du Falamanki juste en face, concède l’un des partenaires du projet qui a préféré gardé l’anonymat. Nous pensions aussi que les Libanais pourraient souffrir de la morosité de l’activité économique et préférer ainsi passer leurs soirées dans un café, plutôt que dans un vrai restaurant, où la facture peut grimper beaucoup plus rapidement».
Quelques mois plus tard, en janvier, c’est au restaurant Crepaway de fermer pour être remplacé par un établissement de Shishas Square, puis à Shakespeare and Co. d’ouvrir à la place de l’ancien Element. Enfin, c’est au tour du restaurant italien La Piazza de fermer ses portes pour être transformé, en juillet, lui aussi, en café libanais.
Clients potentiels
Adib Mousleh, propriétaire du nouvel établissement al-Nawafir, explique son investissement. «Quand je suis rentré de Dubaï l’année dernière, la première chose que j’ai constatée au Liban, c’est que les cafés étaient toujours bondés. Peu importe que les gens n’aient plus d’argent ou se plaignent de la situation économique: les Libanais ne sont pas prêts à rester chez eux et veulent continuer à sortir. Le narguilé est une bonne alternative et de plus en plus recherché par les Libanais. Ils peuvent, pour quelques dollars, passer plusieurs heures dehors, dans une atmosphère agréable et surtout se détendre!».
Inauguré en juillet dernier pour un investissement initial non communiqué, l’établissement compte 250 places pour un ticket moyen d’entre 15 et 20 dollars. «60% de mes clients sont des habitués et viennent ici tous les jours», assure le propriétaire.
Quant à la question de savoir pourquoi le propriétaire d’al-Nawafir a choisi d’investir à Sodeco, il répond: «Le succès du Falamanki a bien sûr de quoi inspirer, mais ce n’est pas la seule raison. L’ouverture de quatre établissements de nuit que sont Diamond, Taiga, Nurai et Volume, aux côtés de Cassino, laisse espérer des clients supplémentaires. Les Libanais ont souvent envie de terminer leur nuit de fête par un petit-déjeuner. C’est pourquoi nous ouvrons 24 heures sur 24», précise l’entrepreneur.
Si, pour Mousleh, al-Nawafir est son premier investissement, il ne compte pas s’arrêter là et vise déjà la région pour franchiser son projet. La première franchise devrait ouvrir en Irak d’ici peu.
Exit le stress
Un peu plus bas, à l’emplacement de l’ancien club Element, Christophe Elias, manager du café Shakespeare and Co., voit, lui, d’un autre œil la transformation de la rue.
«Ce n’est pas seulement à Sodeco que le narguilé a le vent en poupe; c’est dans tout le Liban, s’exclame-t-il. Entre 17h et 20h, les personnes qui ne consomment pas d’alcool ont une alternative. Les Libanais ont plus que jamais besoin de se relaxer, vu le niveau de stress dans le pays».
Selon le directeur de l’établissement, outre l’ouverture des boîtes de nuit à Sodeco, un autre élément est à prendre en compte dans la transformation du visage de ce quartier: la population de Sodeco est en train de changer. «Il s’agit d’une cible plus familiale et la mixité sociale est aussi amorcée», souligne Christophe Elias.
L’établissement peut accueillir 180 places assises pour un ticket moyen de 20 dollars. Le propriétaire de la franchise au Liban, Manov Souri, prévoit déjà d’autres investissements dans tout le pays, notamment à Byblos, Antélias et le centre-ville de Beyrouth (downtown), alors que sa marque est déjà présente dans quatorze pays dans le monde.
Le propriétaire d’al-Nawafir est très optimiste quant à l’évolution du secteur. «Je suis certain que, d’ici moins d’un an, les pubs ouvriront de nouveau à Monot et on assistera à la renaissance du quartier nocturne historique de Beyrouth», prévoit Adib Mousleh.
Bilbol ferme
Pour Bilbol, la frénésie aura, de son côté, été de courte durée. «Depuis l’ouverture des autres établissements, notre situation est très mauvaise, confie l’un des partenaires à Magazine, à l’heure de mettre sous presse. Nous essayons de sauver l’établissement. Mais, pour l’heure, une fermeture serait la solution la plus raisonnable».