Le Liban devrait, théoriquement, se mettre à niveau avec les normes internationales de sécurité publique des bâtiments avec la mise en œuvre, le 6 décembre, du décret no 7964. Depuis 2005, le décret no 14 293 a instauré l’application obligatoire des normes de sécurité publique sur tous les nouveaux projets de construction. Mais en l’absence d’un mécanisme de mise en œuvre, les dispositions réglementaires sont restées lettres mortes. Il a fallu que la catastrophe de l’effondrement de l’immeuble résidentiel de Fassouh se produise, en janvier 2012, pour que la procédure du contrôle technique entre enfin en vigueur, en avril de la même année, à travers l’agrément de six bureaux de contrôle technique, qui opèrent sur base des critères établis par Libnor et, à défaut, les normes européennes, américaines ou canadiennes.
Procédure inégalement suivie
Entre 2005 et 2012, le contrôle technique était du ressort des promoteurs privés de projets de construction et appliqué à certains grands projets relevant du CDR (Conseil du développement et de la reconstruction), ainsi qu’aux chantiers situés dans la zone de Solidere, précise Roland Marie, directeur général de Socotec Liban. Aujourd’hui, même avec l’entrée en vigueur de la dernière phase d’application du décret no 7964, une large tranche du parc immobilier demeure sans aucun contrôle technique, tels, à titre indicatif, les bâtiments résidentiels de moins de 20 mètres de hauteur (soit un immeuble composé de 6 étages) et les restaurants d’une superficie inférieure à 350 m2. La rigueur de la mise en œuvre du contrôle technique dépend des municipalités, dans le cadre de leurs prérogatives administratives territoriales, ainsi que de l’Ordre des ingénieurs. La procédure est suivie dans le respect total des réglementations à Beyrouth, mais elle l’est moins dans les autres régions (le Liban-Nord, le Kesrouan et le Metn).
Quant au quota en termes de mètres carrés contrôlés imposé par les règlements, il aurait un seul aspect positif, celui de la régulation des tarifs entre les six acteurs de contrôle technique agréés. En ce qui concerne la responsabilité du bureau de contrôle technique de «la solidité d’éléments indissociables et composantes de la construction», ceci signifie que, lors du contrôle de la structure du bâtiment (béton et métal), il y a également à surveiller tous les éléments qui ne sont pas démontables sans leur destruction et qu’on appelle la maçonnerie, ajoute M. Marie.
Les bâtiments stratégiques
Pour ce qui est des bâtiments existants, seuls ceux considérés stratégiques et vitaux seront soumis au contrôle technique de la protection et de la solidité sismique, telles les centrales électriques, les stations de traitement et de pompage de l’eau, les écoles d’une capacité d’accueil de plus de 700 élèves, etc. Sont également inclus dans cette catégorie certains locaux anciens en fonction du type d’occupation et de leur hauteur. Néanmoins, pour le moment, l’audit de cette catégorie de bâtiments n’est pas en vigueur, puisqu’il nécessite une décision du ministre des Travaux publics. Aussi serait-il bon que les agents de la municipalité procèdent, entre-temps, à un recensement des bâtiments vétustes et établissent les priorités d’intervention. Quant aux tours, des normes de contrôle technique spécifiques plus contraignantes sont imposées concernant les effets sismiques, les incendies, l’extinction d’incendie, etc. Selon le code français, le bâtiment est considéré une tour à partir de 50 mètres de hauteur, alors que les Etats-Unis imposent la hauteur de 23 mètres, explique Roland Marie.
Socotec, présente en Jordanie, en Egypte, aux Emirats arabes unis, à Bahreïn, en Arabie saoudite et au Qatar, a graduellement imposé sa présence en démarrant par des missions d’assistance, souligne M. Marie. Sachant que, dans ces pays à culture anglophone, le contrôle technique est confié à la société chargée de l’élaboration des études de construction du bâtiment et non à une entité tierce, comme c’est le cas dans le cadre de la culture française. Au Liban, 5 des 6 sociétés de contrôle technique sont françaises et une seule est belge. La française Socotec a été, en 1928, à l’origine de la création du métier de contrôleur technique dans le monde. Elle avait procédé à la surveillance technique de la première tour érigée à Beyrouth, en 1970, la tour Murr.
Liliane Mokbel