Magazine Le Mensuel

NÂş 3076 du vendredi 7 avril 2017

Point final

Notre dilemme de gouvernance politique

L'émergence des médias sociaux au niveau mondial et leur influence sur les droits politiques ont suscité une certaine évolution de la participation effective et efficace des citoyens et des organisations dites de la société civile à la décision politique et institutionnelle.  
Au Liban, le dilemme de démocratie est loin de là, il se situe au niveau de l’incapacité des institutions politiques et administratives à répondre aux exigences socio-politico-économiques des citoyens, notamment celles des nouvelles générations.  
S’ajoute à cela une crise des finances publiques, à la fois d’endettement et de basculement vers une économie de service incontrôlée.
Aussi, un besoin d'établir une certaine gouvernance s’impose-t-il afin de freiner cet état de débalancement entre les décideurs politiques et économiques et les citoyens. En tant que citoyens et observateurs, nous sommes en quête d’une révolution au double niveau législatif et institutionnel ainsi que d’un mécanisme visionnaire, dans le but de retracer une nouvelle équation de confiance
et de coopération entre l’appareil étatique
et les citoyens.
Dans ce sens, une simple comparaison entre la définition donnée par la Banque mondiale à la bonne gouvernance et notre système ainsi que notre mécanisme étatique prouve incontestablement l’inexistence du concept d’intérêt commun, du fait que les critères de cette bonne gouvernance font défaut, avec l’absence bien évidente de la transparence dans le management public, l’omniprésence de la culture de corruption et la perte de la notion de responsabilité.
S’il est concevable de confier le pouvoir politique à des personnes qualifiées, afin d’assainir et de professionnaliser la scène publique, l’on est en mesure de s’interroger sur les critères de choix de ces personnes. En d’autres termes, le clientélisme, qui caractérise la politique libanaise, va entraîner un bouleversement des normes et un cheminement vers une sorte de dictature décisionnelle et bureaucratique, ce qui risque d’amplifier la haine et les tensions structurelles, à l’instar de celles qui apparaissent de temps à autre dans la société libanaise.
Oui, notre système étatique a dérapé du fait que l’appareil exécutif et législatif prend des décisions techniques en se basant, peut-être, sur des réalités financières, mais sans tenir compte des visions à établir, des plans à concrétiser ou des politiques publiques à envisager.
De plus, le contre-pouvoir s’avère caduc, aux deux niveaux interétatiques, comme le Conseil constitutionnel, le Conseil d’Etat, la fonction publique, la Cour des comptes et l’Inspection centrale, ou extra-étatiques, comme le pouvoir de participation des citoyens par le biais de la société civile et de l’exercice de leur droit d’être informés précisément sur les dépenses publiques, les salaires et les contrats signés par l’administration publique.
Dans ce contexte, s’inscrivent les recom-mandations de l’OCDE, qui consacrent des principes directeurs, comme la participation libre et éveillée des citoyens, afin de concrétiser le principe de transparence, et de responsabiliser les citoyens et dirigeants, ce qui assure le respect de la bonne gouvernance.
Nous sommes devant un dilemme de gouvernance publique qui suscite de nombreuses questions. Qui prend les décisions? Suivant quelles normes? La transparence existe-t-elle réellement? La responsabilisation des décideurs pourrait-elle voir le jour?  
La gouvernance est organiquement liée à la manière dont le pouvoir est exercé. Nos expériences au Liban, révèlent nettement l’urgence de revoir nos stratégies, et de  reconsidérer les choix faits pour désigner nos députés et les décisions prises par le législateur et les politiciens. Ceci permettra de sortir de ce dilemme et d’assainir la classe, le choix et les visions politiques.

 

Antoine Z. SFEIR
Docteur en Droit international
Avocat aux Barreaux de
Beyrouth et de Paris.

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