Tout pays méditerranéen n’est pas nécessairement fort de sa «cuisine de mer». C’est le cas du Liban, où les restaurants misent davantage sur le mezzé que sur les véritables plats à base de fruits de mer.
Le Liban est géographiquement divisé en deux parties: la côte (qui fait 220 kilomètres) et les montagnes. La cuisine à base de poissons n’a jamais percé vers les hauteurs qui se concentrent, depuis la nuit des temps, sur la mouné. Dans les régions côtières, seuls quelques plats cuisinés font la richesse de la gastronomie maritime libanaise. Il s’agit notamment de la sayadié, de la samké harra (poisson épicé), originaire de la ville côtière de Tripoli, de la kebbét samak (kebbé de poisson), du sabbidij (seiche) et du samak bizri (groupe de larves de poissons composés de maquereaux juvéniles, d’anchois et d’autres espèces de sardines). Ajoutons à cette liste la paëlla qui, depuis quelques années, gagne du terrain au Liban, bien qu’il ne s’agisse pas d’un plat d’origine libanaise. A la question de savoir quels sont les poissons comestibles les plus répandus au pays du Cèdre, Walid Mouzannar, secrétaire général de l’Académie libanaise de la gastronomie, explique que ces derniers sont, principalement, au nombre de sept: le mérou de sable (le loukkoz), le mérou de roche (attention de ne pas confondre le loukkoz et le loup de mer, le braa’ en arabe), la dorade royale (ajeij – à la base de la sayadié), le rouget (sultan Ibrahim), le bogue frit (ghebbous) et le samak bizri.
Accompagnements «maritimes»
La dernière catégorie de poissons les plus répandus est la truite, poisson d’eau douce surtout consommé en montagne. Pas nécessairement savoureuse, la truite est, aujourd’hui, de plus en plus traitée comme le saumon: c’est ce qu’on appelle communément la «truite saumonée». Cette dernière est nourrie de manière à donner à sa chair la couleur du saumon, pour un goût plus exquis. C’est dans des fermes artisanales et familiales qu’est pratiquée la truiticulture. Avec un taux de croissance rapide, pouvant atteindre les deux kilogrammes par an, la truite arc-en-ciel a été introduite au Liban en 1958. Les truites sont surtout élevées dans le Hermel, près de l’Oronte, à Anjar et à Zahlé, en plus des quelques bassins d’élevage présents au Mont-Liban.
Très appréciée dans le cadre du mezzé libanais, la poutargue (batrakh) est surtout importée d’Egypte et se consomme en fines tranches, assaisonnées d’huile d’olive et d’ail. Les céphalopodes et les crustacés se font de plus en plus rares au Liban, en raison de la pollution et de la pêche non réglementée. Souvent accompagnés d’une sauce à base de citron, de coriandre, d’huile d’olive, d’ail et de sel, la seiche, le calamar, la pieuvre, l’oursin, le crabe et la crevette locaux disparaissent de nos tables, pour être remplacés par des produits importés. L’inule fausse criste (hachichet el-bahr ou tayoune el-bahr) reste l’unique plante terrestre comestible (avec du vinaigre en saumure) qui pousse près de la mer.
Une pêche criminelle
En 2014, le Liban ne pêchait que 10% de ses besoins en poissons et il était considéré que la pêche maritime n’y existe pas au sens commercial du terme. La situation n’a pas changé depuis, comme l’indique M. Mouzannar. «Non seulement la pêche se pratique de manière inconsciente, mais le bétonnage massif du littoral altère l’équilibre de l’environnement côtier, perturbant le cycle de reproduction des espèces», déplore-t-il. Ne négligeons pas non plus la désinvolture à l’égard des requins pêchés durant la période de reproduction et qu’on retrouve le plus souvent dans les poissonneries de Tripoli. Manque de contrôle et absence de réglementation font désormais de la pêche au Liban une pratique peu scrupuleuse.
Natasha Metni