Comme sur le marché de la vente, le client est aujourd’hui, plus que jamais, le roi sur le marché de la location d’appartements. Le surplus d’offres ouvre la voie à la négociation, avant de louer son bien. Explications. S’il est toujours difficile de se loger à Beyrouth, c’est en revanche le moment idéal pour négocier son appartement, que ce soit à l’achat ou à la location. La stagnation des ventes immobilières a entraîné un surplus d’offres sur le marché locatif.
Ainsi, même si les prix affichés sont toujours supérieurs à la réalité du marché, l’acquéreur ne doit pas hésiter à négocier avec le propriétaire car la situation est en sa faveur, comme l’explique Mireille Korab Abi Nasr, directrice du développement du groupe FFA.
«Beaucoup de nouveaux projets immobiliers viennent de se terminer et les promoteurs, n’arrivant pas à vendre ces biens, se mettent donc à les louer, explique l’experte. C’est une manière pour eux de minimiser les pertes». Cette tendance risque bien de se poursuivre tant que les choses ne bougeront pas sur le marché de la vente.
C’est aussi ce que constate Christian Baz, directeur de l’agence immobilière Baz Real Estate. Selon lui, même si cette année, la situation immobilière s’améliore légèrement, la tendance reste toujours très morose et donne ainsi le pouvoir aux acquéreurs. «On constate un peu plus de mouvement tant sur les achats que les locations d’appartements qu’en 2016, explique-t-il. Mais s’il y a plus de visites, les gens ne passent pas encore forcément à l’acte, donc les propriétaires doivent s’adapter».
Baisse des prix
Cette situation a tiré les prix de la location à la baisse. «Dans des quartiers prisés comme Achrafié ou Verdun, il est aujourd’hui possible de louer un bel appartement à 28 000 dollars l’année, estime Mireille Korab Abi Nasr. Il y a deux ou trois ans, c’était impensable de le faire à moins de 35 000 dollars par an. Au centre-ville, il est possible de louer un bien à 55 000 dollars par an, contre 80 000 dollars il y a deux ans.»
Aujourd’hui, les propriétaires qui veulent vraiment louer doivent faire des efforts pour revoir leurs prix à la baisse et/ou leurs prestations à la hausse, insistent les experts.
Christian Baz met en avant la réduction des budgets des locataires. «En cinq ans, la situation a drastiquement changé, explique-t-il. Les locataires qui sont historiquement des étrangers, comme les diplomates, sont toujours présents au Liban. Mais désormais, ils préfèrent venir seuls et non plus avec leur famille, comme c’était le cas auparavant».
Cette situation doit pousser les propriétaires à revoir leurs tarifs à la baisse. «Aujourd’hui, il faudrait que les propriétaires baissent d’au moins 20% leurs prix pour être en phase avec le marché, considère Christian Baz. Les prix tournent autour de 100 dollars le mètre carré pour un ancien appartement et 200 dollars le mètre carré pour du neuf».
Nouvelle tendance
Cette situation a favorisé l’émergence d’une nouvelle tendance immobilière: la location avec intention d’achat. «C’est la grande mode sur le marché immobilier libanais, explique Mireille Korab Abi Nasr. Puisqu’il existe un stock très important d’appartements à vendre, certains propriétaires commencent à proposer cette option». Le principe: un locataire souhaitant acheter mais qui n’est pas encore prêt à le faire, peut s’entendre avec le propriétaire pour louer le bien dans un premier temps, durant une période prédéterminée en attendant l’achat dans un deuxième temps. Le prix de vente de l’appartement se négocie au début. En attendant l’acquisition finale, le futur propriétaire paie un loyer qui sera déduit du prix d’achat. «C’est une option très avantageuse pour les deux parties car cela permet au futur acquéreur de tester l’appartement sans verser un loyer à fond perdu, tandis que cela évite au propriétaire actuel d’avoir son bien laissé à l’abandon en attendant l’achat», ajoute l’experte.
Les experts immobiliers insistent sur le fait que les propriétaires doivent aujourd’hui se montrer originaux, créatifs et innovants s’ils veulent réussir à louer, vu le volume d’appartements disponibles sur le marché.
«Les temps ont changé et il faut s’adapter, souligne Mireille Korab Abi Nasr. Il faut vraiment étudier la psychologie du client. Je conseille au propriétaire de louer, sinon votre appartement perdra de sa valeur car il ne sera plus tendance ni habité. Vous avez intérêt à louer même à moindre prix plutôt que de laisser un appartement à l’abandon. La rénovation et mise à jour du bien seront bien plus coûteuses ensuite». C’est aussi le conseil délivré par Christian Baz: «Cela peut vraiment se jouer à des petits détails, mais l’offre est tellement importante sur le marché que ce sont ces détails qui resteront dans la tête du client. Par exemple, si l’acheteur réclame une cuisine équipée ou la climatisation, installez-les. Il vaut mieux investir un peu plus et louer son appartement plutôt que de le laisser devenir obsolète. Côté client, n’hésitez pas à négocier jusqu’à ce que vous trouviez ce que vous voulez. Vu le stock, vous y arriverez, aujourd’hui, la balle est dans votre camp!».
Soraya Hamdan