Magazine Le Mensuel

Nº 3082 du vendredi 6 octobre 2017

Livre

Pentes douces, de David Hury. Les lectures s’effeuillent!

Roman ovni au format atypique, 50% texte, 50% photo, mêlant amour, sexe, espionnage, cinéma et musique, voici le dernier livre de David Hury, Pentes douces (Editions Riveneuve). Interview avant la signature prévue ce mois-ci au Liban.

En quittant Beyrouth après 18 ans de résidence, David Hury s’était promis de ne plus parler du Liban dans son prochain livre. Et pourtant, «c’est revenu». Beyrouth est là, en toile de fond. Beyrouth où le narrateur «y est mort si souvent». C’est à Beyrouth d’ailleurs que David Hury a commencé à écrire, beaucoup, au moment où il faisait ses cartons. «Proximité d’urgence dans l’écriture, proximité d’urgence dans la situation: c’est lourd de quitter un pays qu’on a choisi, qu’on a aimé pendant 18 ans».
Le lecteur familier avec les ouvrages antérieurs de David Hury (Jours tranquilles à Beyrouth, avec Nathalie Bontems, Beyrouth sur écoute, 7 jours parmi les anges, The Beirut Book, Samir Müller, l’Odyssée de la terre), pourrait trouver une certaine incohérence entre eux. Mais le lecteur retrouvera son envie d'allier texte et photos, entremêlés cette fois à la fiction, qu’il a toujours eu en tête, ayant écrit dès la fin des années 90 plusieurs romans non publiés. Pentes douces alterne une page texte, une page photo, les deux étant au service «d’une histoire d’amour». Un homme qui cherche la femme qu’il aime, disparue un beau matin, après une nuit d’amour; Joana, cette Libanaise à l’histoire familiale obscure. Il la cherche de Paris à Beyrouth, de Dubaï à Kiev.

Un livre rock’n roll
Au fil des villes, des multiples allers-retours, l’intrigue s’étoffe d’éléments de thriller, d’espionnage, d’action, qui s’entremêlent aux diverses inspirations de l’auteur, le cinéma des années 70-80, la musique et des scènes de sexe qui, il en est conscient, pourraient choquer. Amour et sexe étant indissociables, «je suis partisan d’écrire les choses crues, explique David Hury, mais qui  parlent à tout le monde. Il était important pour moi que les femmes ne soient pas dérangées par mon approche de l’écriture de ces scènes-là».
«Faut écrire quelque chose pour notre génération. Avec Bébel (surnom de Jean-Paul Belmondo). Et avec du cul, parce qu’y a que ça de vrai!» dit au narrateur son copain Fred. C’est un peu cela Pentes douces: le livre ne se cache pas derrières les mots, il éclate tous leurs possibles, il épouse leur contour cru, leur débit, leur souffle, tantôt sensuel et langoureux, tantôt rapide et haletant, entrecoupés de dialogues taillés à la mesure de la parole, loin d’une quelconque grandiloquence de l’écrit, dans l’action du moment présent. «Le livre est l’écriture d’une écriture. C’est un jeu permanent dans le temps, vis-à-vis de l’écriture», affirme David Hury. Le principe narratif de la mise en abyme sous-tend en effet Pentes douces, invitant le lecteur dans un labyrinthe d’images qui s’emboîtent, des images nées des mots et des images visuelles, pour une lecture supplémentaire où l’imaginaire est dédoublé. Au lecteur de les saisir, de s’en imprégner, d’y plonger avec tous les sens en éveil, partant plus tard à la recherche d’une phrase, d’un paragraphe, d’une photo comme pour s’assurer encore de leur concordance. Piochant dans ses archives photos, artistiques et de reportage, David Hury s’est plus tard mis à fabriquer, à mettre en scène celles dont il avait besoin pour compléter son histoire. Joana, insaisissable pour le narrateur comme pour le lecteur. «Joana, c’est un amalgame de plusieurs personnes que j’ai pu rencontrer au Liban, ayant en commun une sorte de fardeau hérité pour mille et une raisons différentes n’ayant pas nécessairement trait à la guerre». Pour Joana, ce sera un passé relatif à l’histoire du Liban, qui passionne David Hury: «un épisode de la guerre libanaise, durant les années 86-87, quand beaucoup de membres du parti communiste libanais ont été liquidés».
Pentes douces touchera les lecteurs libanais autrement que les Français. «Un lecteur lambda ne va probablement pas s’attacher à la véracité de ce que j’essaie de transmettre de la vie ou de l’actualité au Liban. Alors qu’un lecteur libanais va visualiser toutes les scènes. Il était important pour moi que les personnes concernées par ce que je suis en train d’écrire s'y retrouvent». Droit au but, droit au cœur… 


Nayla Rached

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