Des centaines de milliers de mètres carrés commerciaux sont à louer à Beyrouth. Selon les experts, le problème de l’immobilier commercial réside dans l’inadéquation entre les loyers demandés et la rentabilité de ces derniers en période de ralentissement économique.
«L’immobilier commercial peut être considéré comme un indicateur de la santé des différents secteurs économiques du pays, qu’il s’agisse de l’alimentaire, des bureaux, de la restauration, de l’habillement», écrit la Blom Invest dans un rapport. Aujourd’hui, dans n’importe quelle rue de Beyrouth, les annonces «à louer» prolifèrent sur les vitrines des magasins. Au centre-ville, la situation est particulièrement alarmante. La place de l’Etoile est pratiquement déserte, à Starco des dizaines d’espaces sont à louer, la rue Foch est vide et celle d’Uruguay affiche une situation désastreuse.
«Le marché passe par une phase très difficile avec un surstock de produits disponibles», confirme Guillaume Boudisseau, expert immobilier à Ramco. Achrafié, Monot et Gemmayzé ont perdu leur dynamique. «Badaro et Mar Mikhael ont aujourd’hui la cote mais c’est un effet de mode, ce secteur ne cesse d’évoluer», explique-t-il. A Verdun, depuis l’ouverture de l’ABC, c’est la débandade», ajoute-t-il. Les enseignes qui étaient implantées dans la rue principale ont fermé pour s’installer dans le mall. «Résultat: les prix ont baissé de 25 à 50% au moins, et des dizaines d’espaces commerciaux sont disponibles dans les galeries marchandes avoisinant l’ABC».
Loyers inadéquats
Alors comment expliquer la crise de l’immobilier commercial et cette prolifération des malls? Pour Christian Baz, propriétaire de Baz Real Estate, «si les loyers commerciaux sont à la baisse, c’est parce que la situation économique est morose. L’immobilier résidentiel, peut plus ou moins s’en sortir dans un contexte de morosité économique mais le commercial repose lui, sur les ventes et la rentabilité des espaces loués». Pour Guillaume Boudisseau, le problème réside ainsi dans l’inadéquation entre les prix proposés par les propriétaires et la situation économique. «Les loyers ne sont pas appropriés, estime-t-il. Un bail commercial doit être déterminé en fonction de la rentabilité du local. A Beyrouth, beaucoup d’espaces sont surestimés et le stock disponible est très important. Pourtant, il existe toujours des entrepreneurs qui souhaitent ouvrir des commerces, la demande existe, seulement les commercants recherchent des produits en adéquation avec la réalité économique libanaise».
C’est ce que confirme Christian Baz: «les baux sont encore chers. Comptez aux alentours de 300 $/m2 à Achrafié pour de l’ancien. Dans le neuf, les prix peuvent facilement doubler. C’est comme sur le marché de l’immobilier traditionnel, il y a les prix affichés et ceux qui se prêtent à la négociation. Dans ce secteur aussi, les propriétaires ont encore du mal à s’adapter à la réalité du marché». L’expert indique qu’il est facilement possible de négocier au moins 20% du prix affiché. «Au centre-ville, ce qui se louait 10 000 $ par mois il y a cinq ans, ne vaut pas la moitié aujourd’hui mais les propriétaires ont du mal à s’adapter à cette nouvelle donne», renchérit Guillaume Boudisseau.
Les malls s’en sortent
Les marques veulent s’implanter là où les gens vont, or aujourd’hui les malls attirent encore un grand nombre de Libanais. L’avantage pour les commerçants, c’est qu’ils sont exemptés de taxes, ils n’ont pas de problèmes d’infrastructure comme le manque d’électricité, le risque d’une mauvaise exposition ou encore le casse-tête des parkings. De plus, ils bénéficient d’une excellente visibilité et du marketing associé au centre-commercial. «Même si les loyers pratiqués dans les malls sont encore assez chers, au moins les commerçants peuvent compter sur ces avantages et préfèrent éviter de s’aventurer dans des endroits où l’infrastructure laisse à désirer», ajoute Boudisseau.
«C’est la municipalité qui doit trouver la solution pour aider les commerçants et l’économie libanaise, insiste Christian Baz. Comment attirer des clients sans infrastructures adaptées? Vous ne verrez jamais de clients en ville sans électricité, sans trottoir où marcher, sans un cadre agréable où se balader et des parkings assurés. C’est à la municipalité de se charger de l’infrastructure. C’est pour toutes ces raisons que les malls ont autant de succès. La ville devrait être aussi bien aménagée que les centres commerciaux. C’est à ce moment-là que les commerces pourront se développer en dehors des malls».
Soraya Hamdan