Magazine Le Mensuel

Nº 3083 du vendredi 3 novembre 2017

Salon du livre

Fouad Khoury-Hélou. Le crépuscule du règne américain?

Avec cet essai, l’auteur de L’Amérique et le Moyen-Orient poursuit sa réflexion sur le rôle de la superpuissance, non plus uniquement dans une région «sensible» de la Terre, mais sur l’ensemble de la planète.

Un livre dense mais précis, publié chez Calmann-Lévy, qui procède par étape pour exposer un point de vue pragmatique qui, même s’il ne représente pas l’idéal, reflète pour autant la réalité objective. C’est dans cette optique qu’il faut aborder la rigoureuse analyse à laquelle l’économiste franco-libanais s’adonne dans les 325 pages de Mondialisation, la mort d’une utopie.
La première chose à retenir est qu’ici la mondialisation est considérée du point de vue essentiellement économique. Et l’auteur ne s’en cache pas. «Il faudrait un tas de livres pour en couvrir tous les aspects». La deuxième remarque qui s’impose et qui clôt une introduction très synthétique, c’est la puissance de l’oncle Sam,  chiffres à l’appui. Cette domination des Etats-Unis, amorcée à la fin de la 2ème Guerre mondiale, ne fait pas de doute.  Elle a d’ailleurs été déclarée formellement par le président Bush en 1991.  Inutile de s’en cacher. «Ce sont les Etats-Unis qui ont sauvé l’Europe de la famine après 1945 et qui ont, en somme, gagné la Guerre froide»  ajoute, lors d’une entrevue, celui qui croit que le politique prime sur l’économie.  Le communisme déstabilisé, l’ascension du dollar, l’hégémonie sur l’ensemble de la planète… La mondialisation triomphe jusqu’en 2007 avec la première crise des subprimes.  

Fragilisation des Etats
Aujourd’hui, un constat inéluctable s’impose: l’ordre mondial que mène tambour battant les Etats-Unis est, si l’on peut dire, un mal indispensable, tant à la sécurité qu’à la prospérité. «Sans la mondialisation, même les transports seraient la proie des pirates. Avant, c’était l’empire britannique qui sécurisait les océans».  L’accession au pouvoir de Donald Trump «n’a absolument rien changé à la politique étrangère des Etats-Unis».   
Pourtant, l’empire américain n’a pas été à la hauteur de son «utopie». Et c’est là que se pose la question justifiant le titre de la dernière partie du livre de Fouad Khoury-Hélou, Sommes-nous au crépuscule du siècle américain?. L’économiste y démontre les limites de cette emprise américaine pourtant incontestable. Force est de constater l’échec de cette «mondialisation heureuse» tant rêvée. «Le rouleau compresseur nous mène vers d’énormes problèmes, notamment la fragilisation des Etats».
Jusqu’à quand l’Amérique pourra-t-elle diviser pour régner? «Toutes les puissances dominantes adoptent cette attitude». Quels seront les gagnants et les perdants? «Les très riches dans les pays développés et les classes moyennes des pays pauvres ont gagné; alors que les classes moyennes des pays riches ainsi que les pays pauvres ont perdu», estime l’auteur.
Les inégalités sociales engendrées par cette mondialisation, l’évolution du concept même de démocratie, la disparition des notions de droite et de gauche, les théories des «complotistes» qui voient en la montée des nationalismes une manière de contrer l’emprise américaine, …  Autant de questions soulevées par Fouad Khoury-Hélou qui envisage toutes les possibilités. «Les Américains ont établi un système dont ils ne peuvent plus sortir, à moins d’un effondrement mondial. Où cela nous mène-t-il? On l’ignore. Mais ce qui est certain, c’est qu’ils vont continuer à s’y cramponner».
 

L’auteur donnera une conférence intitulée Mondialisation et rôle du dollar, le 11 novembre à 18h au Salon du livre.  

Gisèle Kayata Eid

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