Magazine Le Mensuel

Nº 3083 du vendredi 3 novembre 2017

Point final

Une étoile filante russe dans le ciel de Beyrouth

Incarnation d’un imaginaire musical d’une richesse prodigieuse pour les uns, ardent défenseur de la musique russe pour les autres, on doit à ses doigts fulgurants et versatiles l’interprétation des chefs-d’œuvre les plus somptueux que le monde ait jamais connu: Victor Bunin, l’art et la technique, l’inspiration et la connaissance. A travers le portrait saisissant de ce musicien haut en couleur, nous vivrons le passage d’un siècle à un autre et nous arpenterons ainsi les souvenirs de son enfance, sa carrière et ses futurs projets. Cet envoyé de Dieu continue sans cesse à nourrir et enrichir le Liban de son autorité et influence musicale, de plus en plus incontournable dans un pays qui a tenu tête au fil des années de guerre et d’incertitudes politiques à la décadence culturelle. Bunin nous amène, dans cette interview exclusive réalisée à la suite de son concert à Beyrouth – qui fit renaître les réminiscences d’une glorieuse époque où l’on parlait de notre capitale comme étant le «Paris du Moyen-Orient» –, à vivre en quelques minutes les 81 ans de sa vie.
Ses incroyables dons musicaux et sa volonté inébranlable feront de lui, après plusieurs années, l’un des pianistes les plus reconnus en URSS. Elève de l’illustre Feinberg, un artiste prophétique de renommée internationale, il remporte avec brio en 1961 le premier prix de All-Russian Piano Competition. Le succès est à son apogée pour le grand musicien: il se lance dans une carrière de pianiste concertiste avec un répertoire très varié partout dans le monde, où sa notoriété ne fait que monter en crescendo. Il accompagne les plus grands orchestres, enseigne les techniques de performance pianistique et participe, en tant que jury, à de nombreuses compétitions internationales. En reconnaissance de sa contribution exceptionnelle à la musique savante, il est décoré des insignes d’Artiste honoré de la Fédération de Russie et devient membre honoraire de l’Association internationale Feinberg-Skalkottas à Paris.
Voyageur infatigable, ce grand pianiste continue à donner, annuellement, des masterclasses de piano aux Etats-Unis, en Italie mais également au Liban, qui reste selon lui «le chantre inéluctable du rayonnement musical et culturel dans le monde arabe». Il transmet sa technique et prodigue ses conseils à tous les pianistes libanais de talent désireux d’améliorer leurs performances et connaissances pianistiques. L’exemple le plus probant serait celui du grand pianiste libanais, le Dr Walid Moussalem, devenu aujourd’hui directeur du Conservatoire national et qui, à son invitation, jouera avec lui en duo lors de sa prochaine visite au Liban.  
Telle est l’identité du musicien à l’intensité émotive restitué par cet article, cet amoureux d'un Liban qui continue de le fasciner «par la beauté de ses paysages, ses habitants et son élite musicale», qu’il apprécie à sa juste valeur et pour laquelle il aimerait tant pouvoir se dépenser. Sa vie de grandeur et de dur labeur, incontestable œuvre d’histoire, est la preuve que le travail acharné finit toujours par donner ses fruits. L’ombre de Bunin continuera de planer dans chaque coin du conservatoire de Beyrouth, dont les salles seront honorées de l’accueillir de nouveau. Pour que leurs pianos retrouvent du plaisir d'être touchés de ses mains qui tiennent du prodige.

 

Alain Andrea
Pharmacien et pianiste

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