La création d’un fonds privé doté d’une enveloppe d’un milliard de dollars pour sauver les acteurs ayant investi dans l’immobilier de luxe a été annoncée fin 2017. Comment fonctionne ce fonds? Quel impact aura-t-il sur le secteur? Est-ce une bonne affaire pour l’acheteur? Explications.
«Un fonds privé a été créé dans le but de soutenir le secteur immobilier en crise au Liban, plus particulièrement l’immobilier de luxe qui se concentre de Ramlet el-Bayda à Achrafié, explique à Magazine Massaad Fares, directeur-associé de la société Legacy Central, créée spécifiquement pour gérer ce fonds. Concrètement, Legacy Central va acquérir des propriétés dans des projets de luxe presque achevés ou inachevés, diversifiés et demandés, sur le marché stagnant, auprès de développeurs qui se trouvent en difficulté de remboursement de prêts ou de manque de liquidités, et qui n’arrivent plus, par conséquent, à financer la fin des travaux.
Car si l’immobilier tourne au ralenti depuis le début de la crise syrienne, c’est bien le secteur du luxe qui est le plus affecté. Les propriétaires arabes revendent aujourd’hui leurs biens et ne trouvent pas d’acheteurs et ce, pour plusieurs raisons. Les grandes surfaces et les appartements à grands budgets n’ont pas la côte en ce moment, le pays étant en pleine crise économique, la diaspora libanaise attend des jours plus favorables. Résultat: de nombreux projets en construction sont achevés et l’offre est très largement supérieure à la demande. Parmi les zones concernées, le centre-ville, le front de mer ou encore quelques appartements luxueux à Achrafié.
Immeubles vides
«C’est la première fois que l’on voit autant d’immeubles vides sur le marché, insiste de son côté Guillaume Boudisseau, expert immobilier à Ramco. Il y a des promoteurs qui essaient de vendre depuis quatre ou cinq ans et qui n’y parviennent pas. On parle de gros budgets, allant de 1 à 2 millions de dollars. Au centre-ville par exemple, il y a environ 250 appartements de luxe qui sont terminés, et qui restent invendus, indique Guillaume Boudisseau. Cela représente un stock de 79 500 m2 de surfaces résidentielles sur 425 000 m2 bâtis. Ces appartements correspondent à une valeur marchande d’environ 750 millions de dollars sans tenir compte de la marge de négociation lors de l’achat». Selon l’expert, il est aujourd’hui possible de trouver des appartements de luxe au centre-ville à partir de 5 000 dollars le mètre carré en premier étage, une situation pratiquement inédite.
Pour Massaad Fares, le fonds va donc se concentrer particulièrement sur l’immobilier de luxe, qui est le plus en difficulté pour l’instant avec une baisse d’environ 30 à 35% depuis 2011. «Le stock du marché de luxe comprend à présent environ 1 200 unités dont la valeur s’élève à plus de 3 milliards de dollars, ajoute Massaad Fares. Evidemment, ce fonds ne peut pas liquider la totalité du stock qui s’accumule au fil des années, mais il sera d’une aide majeure».
Sauver le promoteur
La question se pose alors de savoir quels seront les effets de ce fonds sur le marché immobilier libanais? Pour Guillaume Boudisseau, «il s’agit surtout d’un fonds pour sauver le promoteur en premier lieu. C’est une forme de spéculation car le fonds consiste à racheter un appartement à prix cassé pour ensuite le revendre à un client en réalisant un petit profit. Cela permet de sauver tous les acteurs ayant investi dans l’immobilier de luxe et n’ayant pas pu honorer leurs engagements: le promoteur mais aussi le plombier qui n’a pas pu être payé, le cuisiniste etc…». Massaad Fares insiste sur la nécessité «que le gouvernement introduise quelques initiatives stimulantes qui encourageraient le marché de l’immobilier à se relever, des initiatives qui s’appliquent par exemple ailleurs, telles que l’enregistrement gratuit ou la réduction des frais d’enregistrement, l’abolition ou la réduction de certaines taxes. Comme par exemple, les efforts faits par la BDL qui a introduit des initiatives très encourageantes auprès des expatriés et des émigrés, principalement les prêts hypothécaires au taux d’intérêt de 2%».
Le lancement de ce fonds ne devrait affecter le marché immobilier que légèrement, dans le sens où il va surtout soulager les promoteurs immobiliers en difficulté, permettre aux banques d’être remboursées et apporter un petit bénéfice aux investisseurs. En revanche, l’acheteur final risque de payer plus cher que s’il avait négocié directement avec le promoteur.
Soraya Hamdan