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Nº 3085 du vendredi 5 janvier 2018

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Culture

BeMa s’investit auprès des écoles publiques. L’art, une matière essentielle

Beyrouth, Musée de l’art (BeMa) lance une nouvelle initiative, en partenariat avec le ministère de l’Education et de l’Enseignement supérieur: le projet de résidences d’artistes au sein des écoles publiques libanaises.

Le projet est encore dans sa phase «pilote», mais son impact se fait déjà sentir sur le terrain. Partant du principe de la démocratisation et de la décentralisation de l’art, inhérent à l’esprit même du BeMa, leurs résidences d’artistes, après Ras Masqua, Baalbeck, et Jezzine s’étendent cette fois aux écoles publiques, «pour cibler une nouvelle tranche de la société libanaise, à savoir les enfants», comme l’explique Sandra Abou Nader, vice-présidente d’Apeal (Association pour la promotion et l’exposition des arts au Liban). Des propos tenus lors du lancement officiel du projet le 29 novembre au ministère de l’Education, en présence du ministre Marwan Hamadé et du directeur général Fadi Yarak. Saluant cette initiative, Hamadé a insisté sur l’importance de l’art dans le développement du programme d’enseignement, tout en espérant «pouvoir mettre en œuvre la décision du Cabinet quant à la formation de nouveaux professeurs d’art et d’une nouvelle génération de directeurs d’écoles spécialisés en éducation artistique pour raviver les écoles publiques», qui constitue «le réceptacle de véritable image de la société libanaise».
Le projet a été entamé dès le début de l’année scolaire 2017-2018, et se terminera début mai. Sous le thème de L’imaginaire collectif, le programme organisé et piloté par Maya Hage, est progressivement introduit dans 7 écoles publiques, au Chouf, à Byblos, à Saïda, à Tyr, à Zahlé, à Beyrouth et à Zghorta, auprès des classes de 8ème et 7ème (CM1-CM2). Durant 6 à 8 semaines, les artistes, aidés par le professeur d’art, guideront les élèves et suivront une démarche créative dans laquelle chacun adoptera sa propre méthodologie de travail. Tout au long du programme, les élèves travailleront sur une œuvre d’art bien précise, qui sera ensuite présentée au public.
En attendant que débutent les résidences du Collectif Kahraba et de Studio Kawakeb, Souraya Ghezelbash, artiste et architecte franco-iranienne, s’est déjà essayée à cette aventure humaine, à Tyr et à Saïda. Habituée à enseigner la sérigraphie aux enfants dans différents instituts culturels au Liban, elle relève la particularité de cette expérience, un de ses points forts. «D’habitude, ce sont les gens qui viennent vers les institutions, avec tout le côté intimidant que cela implique. Cette fois, c’est nous qui nous sommes déplacés. Ça change énormément la dynamique».

Dépasser les stéréotypes
Tout un mode opératoire singulier se met en place avec les enfants, «comme si on leur pose des questions inhabituelles, ou qu’on leur donne des outils qu’ils n’ont pas l’habitude d’avoir pour s’exprimer. C’est ainsi, poursuit Souraya, que les filles se sont toutes instinctivement mises à travailler avec du rose, avec des cœurs, des fleurs, et le bleu forcément pour les garçons. Je leur ai dit qu’ils pouvaient travailler avec d’autres couleurs, d’autres formes, d’autres représentations, comme pour parler une autre langue que celle des mots. Une fois qu’on les aide à dépasser ces stéréotypes, ils ont des choses très touchantes à dire. Ils nous surprennent à chaque fois». Au bout d’un mois de résidence dans chaque école, une grande fresque sur tissu est née, où les enfants composent ensemble une image de leur ville qu’ils veulent nous communiquer.
Vivant chaque session auprès des enfants comme «une bouffée d’oxygène», Maya Hage précise que les professeurs se sont pris au jeu, soulignant l’accueil chaleureux des directeurs d’écoles, une fois les premières inquiétudes passées. «Ils ne sont pas habitués à accueillir ce genre d’initiative, ils ont parfois seulement besoin d’être rassurés, que ce projet s’inscrit bien dans le cursus scolaire, qu’on ne va pas perdre le temps des enfants». L’apprentissage de cette nouvelle matière artistique touche non seulement la trentaine d’élèves concernés à chaque résidence, mais aussi toute l’école, puisque le professeur d’art est initié aux techniques et que le matériel est laissé sur place, dans l’espoir d’agrandir encore plus l’infrastructure l’an prochain.
http://bema.museum

Nayla Rached

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