Pourquoi les banques domestiques sont-elles réticentes à ouvrir un compte bancaire aux sociétés off-shore libanaises? Jacques A. Saadé, managing partner à Mazars Saadé, répond aux questions de Magazine.
Pourquoi les hésitations à ouvrir un compte bancaire aux sociétés off-shore de la part des banques?
Ces hésitations sont dues aux polémiques qui ont suivies la crise financière de 2008, liées à certains centres offshores tels que Panama, Jersey, British Virgin Islands (BVI) etc., ainsi qu’aux récents scandales d’évasions fiscales et de blanchiment d’argent révélées dans le cadre de Panama Papers et Paradise Papers. Ces polémiques ont amené les correspondants étrangers des banques locales à être réticents vis-à-vis des transferts destinés aux sociétés offshores libanaises, déclare Jacques Saadé. La société offshore libanaise est exemptée de l’impôt sur les sociétés et paie un impôt forfaitaire d’un million de livres libanaises, et ceci en raison de ses activités extra territoriales. Mais il faut rappeler que contrairement aux autres sociétés offshores situées dans des juridictions telles que Jersey, BVI, Panama, la compagnie offshore libanaise est constituée sous forme de société anonyme libanaise avec des organes de délibération et de gestion, à savoir les assemblées générales et le conseil d’administration, ainsi que des organes de contrôle représentés par le commissaire aux comptes. Les comptes des sociétés offshores libanaises sont audités et déposés annuellement au greffe du tribunal de commerce. La société est, en outre, tenue de présenter une déclaration fiscale annuelle au ministère des Finances, et elle est soumise aux mêmes règles fiscales et sociales pour ce qui est de ses employés résidant et travaillant au Liban.
La société offshore est transparente, et comme les sociétés anonymes elle est interdite d’émission d’actions au porteur. Elle peut jouer le rôle d’une holding pour les filiales étrangères des groupements de sociétés. Elle est soumise aux contrôles des autorités monétaires et fiscales libanaises. Les banques libanaises qui ont accès à toutes les informations de leur clientèle grâce aux dispositions liées à l’échange automatique d’informations financières, doivent pouvoir lever leurs réserves et celles de leurs correspondants, vis-à-vis des sociétés offshores libanaises, surtout que la place financière qu’est Beyrouth a été épargnée par les récents grands scandales financiers et fiscaux et a fait preuve de transparence avec les autorités monétaires et de régulations internationales.
Est-il normal qu’une des grandes banques libanaises ait ouvert un compte pour une société offshore et l’ait refermé 48 heures plus tard?
C’est un cas très exceptionnel. Mais, si une banque ouvre un compte pour n’importe quelle personne physique ou morale, offshore ou locale, et le referme 48 heures plus tard, ceci pourrait être dû à des informations que la banque a obtenues sur le titulaire de ce compte ou sur les origines des fonds que ce dernier devrait recevoir. Ces informations, qui n’étaient pas disponibles lors de la due diligence qui doit être effectuée avant l’ouverture du compte, ont été reçues a posteriori. La banque a le droit de clôturer les comptes de ses clients à tout moment, pour des raisons de «compliance» règlementaire, sans être obligée de divulguer les motifs de la fermeture des comptes: ceci fait partie du secret bancaire toujours en vigueur au Liban.
Est-ce que les banques font des excès de «compliance» en refusant d’ouvrir des comptes aux sociétés offshore libanaises?
Chaque banque peut avoir ses propres standards pour ce qui est de la procédure d’acceptation de nouveaux clients. Par exemple, certaines banques opérant au Liban préfèrent se concentrer uniquement sur une clientèle internationale et corporate. Pour ce qui est du refus d’ouverture de comptes aux sociétés offshore libanaises, comme je l’ai déjà mentionné, la société offshore est totalement transparente.
A partir du moment où les sociétés offshores libanaises respectent totalement les règles en vigueur, je ne vois pas de raison de ne pas accepter de leur ouvrir de compte bancaire, mis à part bien entendu le problème liés aux correspondants des banques libanaises que j’ai déjà mentionné.
Liliane Mokbel