L’Administration américaine a imposé début janvier de nouvelles sanctions visant des particuliers et des entreprises soupçonnés de liens avec le Hezbollah. En prenant cette décision, la Maison-Blanche espère limiter l’influence de l’Iran au Moyen-Orient, et plus particulièrement au Liban, en Syrie et en Irak. Par Mona Alami (à Washington)
De nouvelles nominations au sein du Département d’Etat américain pourraient se traduire par une politique plus dure vis-à-vis des pays du Levant, abritant des acteurs non-étatiques loyaux à l’Iran. Toutefois, cette politique pourrait être limitée par les divisions au sein de l’administration du président américain Donald Trump.
Ces derniers mois, l’Administration américaine semble vouloir redoubler d’efforts pour contrer l’influence de l’Iran, dans le but de réduire le soutien apporté par ce dernier aux milices syriennes et au Hezbollah. En janvier, le président Trump a demandé à ses alliés européens de renégocier l’accord sur le dossier nucléaire avec l’Iran sous une période de 120 jours, menaçant de s’en retirer. En février, le Département du Trésor a communiqué de nouvelles mesures prises à l’encontre de six personnes et sept entreprises basées au Liban, en Irak et en Afrique de l’Ouest, ces mesures tombant dans le cadre d’une première vague de sanctions ciblant les réseaux financiers licites et illicites du Hezbollah.
De même, en janvier, le secrétaire d’État Rex Tillerson a fait connaître la nouvelle politique du gouvernement envers la Syrie, fondée sur plusieurs objectifs, notamment le maintien à long terme de forces américaines en Syrie, l’expansion de la mission des forces militaires américaines comprenant non seulement la lutte contre l’Etat islamique mais également contre l’influence de l’Iran en Syrie; la «stabilisation» de la Syrie par le biais d’une aide humanitaire, économique et politique aux zones sous contrôle de l’opposition et l’organisation d’élections nationales sous la supervision des Nations unies; et finalement s’assurer le ralliement du peuple syrien afin de forcer le président syrien Bachar el-Assad à démissionner.
Cet agenda reste toutefois dominé par l’accord sur le nucléaire. «La priorité du président Donald Trump reste (la révision) de l’accord iranien sur le nucléaire (le JCPOA), du fait qu’il est inextricable de l’effort pour contrer l’influence de l’Iran. Le Congrès américain est également préoccupé par certaines failles de l’accord et par le fait que le programme balistique n’ait pas été inclu dans ce dernier. Si M. Trump décide de ne pas lever les sanctions, les Etats-Unis sortiront de l’accord», assure Ahmad Majdayar, chercheur auprès du Middle East Institute à Washington.
Politique des sanctions
Pour le moment, les analystes américains estiment que la politique de Washington vis-à-vis de l’Iran passe obligatoirement par ses affidés, le Hamas, les Unités de mobilisation populaires irakiennes et le Hezbollah. En janvier, le Département d’État a sanctionné le chef du Hamas et trois autres groupes palestiniens et égyptiens, qualifiés de terroristes. Le gouvernement américain a également accusé de terrorisme le chef du Hamas, Ismail Haniyeh, ainsi que l’organisation palestinienne Harakat al-Sabireen, et deux groupes égyptiens. «Les autorités américaines parlent beaucoup des Unités de mobilisation populaire irakiennes, sans prendre de mesures contre elles», ajoute Majdayar. Pour ce qui est de la Syrie, l’expert Charles Lister, affilié au Middle East Institute, a également dénoncé la politique américaine vis-à-vis de ce pays, soulignant dans un récent éditorial que Washington avait bien défini ses objectifs en Syrie sans toutefois développer de stratégie cohérente lui permettant de les réaliser.
Cette incohérence peut être attribuée à la répartition des pouvoirs entre diverses institutions américaines, entre le Département d’Etat, celui de la Défense et la Maison-Blanche, précise l’analyste Hussein Ibish, affilié au Arab Gulf State Institute in Washington. L’Administration Trump a également été marquée par les moult scandales, démissions et licenciements, ce qui entraîne la vacance de nombreux postes importants se trouvent vacants. Un autre expert, qui s’est exprimé sous couvert d’anonymat, estime que seul le Département de la Défense est très bien contrôlé par le secrétaire à la Défense Jim Mattis, qui possède une parfaite connaissance des divers dossiers arabes.
«La politique de Trump est motivée par plusieurs préoccupations: éviter d’être impliqué dans des conflits lorsque cela est possible, avoir recours à la force uniquement lorsque cela est nécessaire, et dans ce cas de manière écrasante. Il en résulte une politique similaire à celle de l’ancien président Barack Obama», explique Ibish. Les détracteurs d’Obama ont en effet dénoncé la faiblesse de ses positions notamment après le recours présumé du régime syrien aux armes chimiques, violant ainsi les lignes rouges américaines, et resté impuni, l’expansion de l’Iran dans ce pays ainsi que celui de la Russie.
Nouvelles nominations
Ces données pourraient toutefois changer avec de nouvelles nominations au sein du Département d’Etat. David Shenker, du Washington Institute, est censé remplacer le secrétaire d’Etat adjoint David Satterfield. «Satterfield était connu pour ses positions indulgentes vis-à-vis du Liban, il est intervenu personnellement lors de la crise de novembre déclenchée par la démission du Premier ministre Hariri, il est concerné par la stabilité du Liban», affirme Bassam Barabandi, un ancien diplomate syrien. «De même, les nouveaux diplomates en charge du dossier levantin auraient une approche plus agressive à l’égard de l’Iran», ajoute-t-il. Sous couvert d’anonymat, un autre analyste estime toutefois que Shenker prône le soutien aux institutions militaires libanaises, malgré ses positions très dures envers l’Iran et le Hezbollah.
Ces nominations vont-elles entraîner une inflexion au niveau de l’Iran de la Syrie et du Liban? Tout dépend de la capacité des nouveaux diplomates américains à accorder leurs violons. Et pour ce qui est du Liban, de leur volonté à déstabiliser le pays des Cèdres, qui reste un des derniers pays à jouir d’une situation relativement stable…
Mona Alami (Washington)