Le 26 mars, à 20h, à l’AUB Assembly Hall, Event Productions accueille Home within, une collaboration entre le compositeur et clarinettiste, Kinan Azmeh, et l’artiste visuel Kevork Mourad.
Rapidement, l’entrevue, la discussion plutôt, – et peut-il en être autrement quand on parle d’art –, dépasse l’œuvre particulière, pour englober l’existence même des arts. Un questionnement en particulier, de plus en plus urgent, de plus en plus existentiel. «Quelle est l’utilité de l’art en ces temps de crises?» Depuis le déclenchement des événements en Syrie, en 2011, Kinan Azmeh n’a plus pu composer. Partant de son approche de l’art comme des sensations que l’on n’aurait pas expérimenté autrement dans la vie, Kinan Azmeh est devenu musicalement aphone. C’est que la vie, les infos en provenance de Syrie, le poussait justement à vivre des sentiments beaucoup plus complexes que ce qu’il pouvait exprimer. «En comparaison, tout était faible».
Ce n’est qu’après 2012 qu’il s’est rappelé que les événements ont été déclenchés en Syrie parce que les gens sont sortis dans la rue pour s’exprimer. «Mon moyen d’expression, la clarinette, la musique, est puissant. C’est mon droit et ma responsabilité de rester attaché à ma voix. En temps de guerre, l’art devient encore plus près de la vérité, c’est une existence de vie, une assertion de notre humanité». C’est alors qu’il compose le morceau A sad morning, every morning, qu’il envoie à Kevork Mourad, pour que ce dernier y incorpore ses impressions illustrées. Ce sera la pierre de fondation de Home within, qui depuis, 2013, tourne dans le monde, dans un but de sensibilisation et de financement des réfugiés syriens à travers des organisations caritatives.
Loin des slogans, l’humanité
Impressions, le mot est important dans tout le processus créatif de Home within. En effet, «il ne s’agit pas de présenter une histoire syrienne, – d’ailleurs, il n’y a pas qu’une histoire, mais autant d’histoires qu’il y a de Syriens. Loin de tous slogans, on présente un projet très intérieur, sur ce que nous avons ressenti durant toutes les phases par lesquelles nous sommes passés ces six dernières années». Sans fil narratif, abstraitement, emmêlant les impressions chronologiques, Home within invite chaque spectateur à tisser sa propre histoire, la liberté d’imagination étant inhérente à toute œuvre artistique.
Composé à 30% de marge d’improvisation, chaque représentation est différente, se jouant d’une perpétuelle interaction à multiples niveaux: entre les artistes et les médiums, entre chaque artiste et son instrument, ce qui est composé au préalable, et ce qui se joue en direct, mais aussi avec le public, avec le lieu, avec le pays. Avant que n’apparaisse le dernier tableau, perpétuellement mis à jour, du nombre de victimes en Syrie. Même si on vit dans nos bulles, même si on choisit de ne pas savoir, les tragédies sont bien réelles. «Dans le monde arabe en général, l’art est nécessaire, il nous en faut plus, que les gens aillent voir des arts vivants. L’urgence se trouve là aussi».
Billets en vente à la Librairie Antoine.
Nayla Rached