Lentement mais sûrement, la région de Geitawi, longtemps délaissée et vieillissante, attire une nouvelle génération d’acheteurs en quête de petites surfaces.
C’est un village dans la ville
A Geitawi, le tissu urbain est tout sauf homogène. Et c’est justement ce qui fait le charme de ce quartier situé à flan de colline, entre la rue d’Arménie et l’avenue Charles Malek. «Entre deux immeubles de dix étages, on trouve plusieurs petites maisons basses, ce qui permet de laisser passer l’air et la lumière. Le quartier est agréable, pas agressif visuellement, il y a quelque chose de spécial à Geitawi», constate le consultant immobilier Guillaume Boudisseau. Le quartier vit un boom depuis quelques années déjà. De 2007 à 2017, le coût du mètre carré y est passé de 1 300 à 3 000 $, soit une hausse de près de 110%. Il y a dix ans, la hausse des prix de l’immobilier a poussé les promoteurs à s’intéresser à Geitawi, où l’on pouvait encore trouver des terrains bons marchés. «Les promoteurs y ont vu de nombreuses opportunités au niveau du foncier. Il y avait à l’époque une succession de terrains vides et pas chers. Beaucoup de gens ont flairé la bonne affaire et ont acheté pour construire», affirme Guillaume Boudisseau. Actuellement, près d’une dizaine de projets sont en cours de construction, «ce qui est plutôt important pour un quartier de cette taille», poursuit-il. «Parmi les acheteurs, beaucoup sont des promoteurs qui investissent pour mettre leurs produits en location», observe quant à lui Karl Kanaan de Sodeco Gestion, une société de promotion et de développement immobilier.
Petites surfaces
Les locataires, pour la plupart des expatriés et des jeunes actifs de la classe moyenne, sont attirés par une offre bon marché, constituée notamment de petites surfaces. La taille des appartements oscille entre 130 et 150 m2, voire 75 m2 et 90 m2 sur certains projets. Geitawi fait partie des quartiers aux avants postes de cette nouvelle tendance observée dans l’ensemble de la capitale. «Un 200 m2 est invendable dans ce quartier qui n’attire pas les acheteurs ayant 600 000 $ et plus à investir. Ceux-ci s’orientent vers des régions plus chères», relève Guillaume Boudisseau. Entre 2009 et 2016, la surface moyenne des appartements à Beyrouth est passée de 310 m2 à 198 m2, selon l’agence de conseil Ramco. En cause, le recul de 30% du secteur immobilier depuis 2011. «Au lieu de baisser les prix des appartements, les promoteurs ont modifié l’offre en proposant des formats plus petits», explique Karl Kanaan.
Un quartier sous-évalué
Si les prix ont dégringolé dans un certain nombre de quartiers de la capitale, Geitawi fait partie des rares régions à avoir enregistré le phénomène inverse. Dans cette ascension, certaines zones ont pris plus que d’autres. La rue Moscou, dont les immeubles jouissent d’une vue sur le jardin des Jésuites, est la plus prisée, suivie de la rue Rayes qui longe l’hôpital Saint-Georges. A l’ouest de Geitawi, surplombant la rue d’Arménie et débouchant sur les escaliers Vendôme, une série de nouveaux projets est en construction dans la rue Qobayat. Cette région, où a récemment ouvert le café Kaleï, pourrait bénéficier de sa proximité avec le vibrant quartier de Mar Mikhael pour se développer davantage. Les restaurateurs et les commerçants restent toutefois encore frileux. «Le potentiel de cette région est vraiment sous-estimé», assure Guillaume Boudisseau. «Le jardin public mériterait par exemple, d’être entouré de cafés mais personne n’a encore tenté le coup».
Philippine de Clermont-Tonnerre