Un tiers des fonds promis par la communauté internationale lors de la conférence de Paris iront à des projets confiés au secteur privé.
Alors que CEDRE, la conférence internationale de soutien au Liban organisée le 6 avril à Paris, a permis au pays de récolter 11,5 milliards de dollars en prêts et dons, un tiers de ces fonds doivent être alloués à de grands projets d’infrastructure sous forme de partenariats public-privé (PPP).
Le Capital Investment Program (CIP) présenté par le gouvernement libanais le mois dernier dans la capitale française aux bailleurs de fonds étrangers s’étend sur douze années avec un coût estimé à 23 milliards de dollars.
L’investissement de la première phase de ce plan (4 ans) est lui, évalué à 10,1 milliards de dollars, soit un peu moins que le montant obtenu par Beyrouth auprès de la communauté internationale.
Près de 3,5 milliards de dollars serviront à financer des ouvrages publics d’envergure sous forme de partenariats public-privé. Les premiers chantiers devraient être lancés d’ici deux ans.
En transférant ces investissements au secteur privé, l’Etat évite ainsi d’alourdir une dette de 80,4 milliards de dollars.
Quatre projets ont déjà présentés le 28 mars dernier par le Haut conseil pour la privatisation et les partenariats (HCPP) aux entreprises. Il s’agit de l’agrandissement de l’aéroport de Beyrouth, de la construction de l’autoroute Khaldé-Nahr Ibrahim (avec péage), de la construction de deux centrales électriques et de la création d’un centre national de données.
Si les sommes conséquentes promises à Paris refont souffler un vent d’optimisme quant à l’aboutissement de ces nombreux chantiers – 250 projets au total –, nombre d’observateurs ont émis de sérieuses réserves sur la capacité des décideurs politiques à assurer les conditions favorables à la réussite de ces projets.
Lors d’une conférence organisé à la Suliman S. Olayan School of Business (AUB) trois jours avant la réunion de Paris et intitulée Vers des PPP transparents et responsables, le secrétaire général du HCPP, Ziad Hayek, a rappelé l’importance de la transparence dans la conclusion de ces partenariats entre l’Etat et les entreprises.
Artisan de la loi sur les PPP adoptée en août dernier, Ziad Hayek est longtemps revenu sur ce concept que la nouvelle législation en vigueur – qui prévoit la consultation de toutes les parties prenantes à chaque étape du projet – est désormais censée garantir.
«On ne peut pas faire de PPP sans transparence. S’il y a de la corruption, qu’elle soit réelle ou perçue, alors le projet ne pourra être mis en place ou, s’il est mis à exécution, il rencontrera des difficultés. Or, le Liban a un historique en matière de non respect de la loi», a martelé l’artisan de la loi sur les PPP. Réclamée depuis dix ans par le monde des affaires, la nouvelle législation prône la consultation de toutes les parties prenantes (ministères, municipalités, société civile, etc.) à chaque étape d’un projet. «La question est de savoir si le gouvernement actuel et les prochains appliqueront la loi sur les PPP ou s’ils continueront à conclure des contrats entre ministères sans qu’il y ait de partage de la responsabilité et des informations. Cela est désormais entre les mains des politiciens».
Attirer les étrangers
Avec ce nouveau cadre, le pays espère attirer les investissements étrangers sur lesquels il mise pour financer une partie de ses travaux de modernisation.
«Le fait que le pays se soit doté d’une loi sur les PPP est définitivement une valeur ajoutée qui devrait susciter l’appétit des investisseurs au Liban», a reconnu Saad Sabra de la Société financière internationale (Banque mondiale). «Mais il y a d’autres considérations à prendre en compte comme l’amélioration du profil de crédit propre à ces projets. La baisse du risque peut se faire en mettant en place un pool de fonds spécifiques qui faciliterait leur concrétisation, ou à travers l’instauration de nouvelles garanties», a poursuivi Saad Sabra. «C’est l’essence de la conférence CEDRE qui vise à provoquer l’appétit du secteur privé à travers des mécanismes incitatifs. Il s’agit même à plus long terme de transférer le risque du secteur public vers le secteur privé, et de ne pas se contenter de la seule amélioration de la réglementation».
Relégué à la 133e place sur 190 pays au classement 2018 du rapport Doing business de la Banque mondiale, le Liban pâtit de la détérioration de son climat des affaires ces dernières années.
Le dernier investissement direct étranger réel remonte à la présence au Liban de Cadbury Adams, qui produisait le chewing-gum Chiclets jusqu’à la fermeture de son usine de Zouk Mikhael en 2013.
«Dans le passé, on pouvait attirer des investisseurs qui venaient et prenaient en charge un secteur entier de l’économie, comme celui de la Poste. Aujourd’hui, ceux-ci sont très réticents à s’engager avec le gouvernement libanais. Il y a beaucoup de PPP que nous n’avons pas été en mesure de remporter. Certains ont été remportés et n’ont pu être achevés», a déploré Ziad Hayek.
S’il veut renouer avec les Investissements directs étrangers (IDE), le Liban devra enfin mettre en place la série de réformes structurelles destinées à relancer la compétitivité de ses entreprises. Parmi elles, le budget 2018 a été adopté in extremis, le 29 mars dernier, soit une semaine avant la rencontre du Liban avec les bailleurs internationaux à Paris.
Philippine de Clermont-Tonnerre