A l’occasion de l’édition 2018 du Festival du film libanais, du 17 au 21 septembre, Magazine a été invité dans les coulisses du Festival. Avant-goût de la sélection qui vous attend.
En plein processus de sélection de l’édition 2018 du FFL, axée autour de la femme, Magazine a sélectionné pour vous ses trois coups de cœur, trois courts métrages hors-compétition, forts, intenses et poignants: Skin d’Inaam Attar, In white de Dania Bdeir, et Rappelle-moi de Marie-Hélène Copti. Entremêlant symboles et référents, poésie et subtilité, chacun à sa manière, ces trois films prouvent que le court-métrage n’est pas un art mineur. Ils traitent de la relation mère/fille dans ses multiples phases, de l’adolescence au devenir femme, comme une histoire unique qu’on raconterait.
Skin, d’Inaam Attar
Intense, subtil, Skin est une véritable pépite. Filmé à même le corps, à même la parole du corps, ce film traite de la découverte du corps féminin, des premiers émois sexuels dans une société où la sexualité, hors mariage bien entendu, est une contradiction cléricale, l’envers de la bonne éducation. Entre la fille Aline, et la mère, jouée par Julia Kassar, tout semble apaisé et serein, une vie de routine bien huilée, entre la maison, l’église, le confessionnal et l’école où la mère enseigne.
Skin ne se veut pas provocateur, tentant à cor et à cri de briser le tabou de la sexualité. Il ne la reconnaît pas d’ailleurs comme un tabou en soi, puisque découlant naturellement. La caméra d’Inaam Attar se positionne loin de tout voyeurisme. Elle filme ses personnages avec une grande tendresse, même dans les moments durs, avec de gros plans sur les traits, les images fixes, le bourdonnement de l’eau et les boursouflures du silence.
Skin progresse par étapes, dans une exploration symbolique qui atteint son point culminant à la fin du film, dans cette goutte de sang, ce saignement qui se joue d’un effet de miroir ahurissant. Dans cette goutte de sang, tout est dit, voire mieux, tout est suggéré. Skin est dans la subtilité de la suggestion. On en sort tout retourné.
In white, de Dania Bdeir
Dédié aux femmes courageuses de sa famille, Dania Bdeir offre aux spectateurs un film qui se regarde le sourire toujours tout près du cœur. Contrairement à ce que son titre pourrait suggérer, il ne s’agit pas d’un jour de mariage, d’une mariée en blanc. In white est à la fois un film dur et tendre qui aborde une multitude de questions sociales, de la plus simple à la plus compliquée, des mœurs et coutumes bousculées aux relations impossibles.
Le père vient de mourir, et le film déroule trois jours de condoléances. A mesure que les minutes s’écoulent, le nœud se complexifie, l’intrigue s’étoffe autour de Lara, elle qui «est devenue trop américaine», comme le lui dit sa mère, interprétée par Roula Hamadé, elle qui ne comprend pas pourquoi il faut porter du noir un jour de deuil, pourquoi ne peut-on pas s’habiller de blanc pour célébrer une vie passé?
Il n’y a presque pas de couleurs dans In white, que du noir, des robes de deuil, des mines blanches, des foulards blancs, même l’image est presque grise, fade, monochrome, vaporeuse. Comme une réalité flouée par la perte de soi, de ses convictions, face à une société intransigeante dans ses habitudes, implacable dans ses jugements, ses a priori. Continuer à se taire, acquiescer, dire toujours oui. C’est qu’il faut beaucoup de courage pour dire non. In white résonne comme une majestueuse parabole sur la force du non.
Rappelle-moi, de Marie-Hélène Copti
Ce court-métrage prend le spectateur par surprise, de par la relation mère/fille qu’il aborde. On est loin de l’attendue relation conflictuelle. La tranche d’âge que le film aborde est différente de ce à quoi on pourrait s’attendre, généralement peu traité dans le cinéma local. La mère est âgée, amnésique. Elle est attachée à ses petites habitudes, sa mousse au chocolat et sa tasse de café, là où sans doute elle se retrouve, sûre de ne pas se tromper, parce que si près de ses instincts premiers.
Seules dans un café, parisien sans doute, la mère et la fille. Chez l’une, la perte de tous les repères, chez l’autre la lassitude, comme une certaine exaspération de la vie. Entre elles, il n’y a que des mots qui tonnent dans l’inutile de la discussion, du dialogue, voire du monologue. Et soudain, la mère demande à sa fille de lui rappeler ce qu’elle aimait chez son mari, le père. Et c’est l’embrasement des images de l’enfance, des souvenirs passés, dont l’adulte préfère garder une image noire, rigide.
Rappelle-moi tonne comme un poème autour de la mémoire, des souvenirs d’enfance qu’on traîne souvent comme «un dimanche autour du cou». A moins de croiser le regard suppliant d’interrogation de sa mère et retrouver son enfance autrement. Véritable ode à la vie!
Nayla Rached