Sorti en salles le 29 novembre, Alwan Beirut est le premier film d’animation 100% libanais, produit par le Festival culturel de Beyrouth, et créé et réalisé par Emile Adaimy. Retour sur la genèse du film avec son créateur.
L’aventure d’Alwan Beirut a commencé il y a environ deux ans, étroitement relié à l’édition 2017 du Festival Culturel de Beyrouth, présidé par Lama Salam. Durant ce festival, un écran circulaire géant avait été installé à l’hippodrome de Beyrouth pour accueillir le show, A journey through time, racontant l’histoire du Liban et destiné à un public adulte. Emile Adaimy, à la tête de son studio d’animation, Studios Adaimy, était en charge de la production des images du show.
C’est alors qu’une idée lui traverse l’esprit: «et si l’on profitait de la structure mise en place pour le Festival pour créer une autre version du spectacle, un dessin animé adressé aux enfants?». L’idée trouve son écho auprès du comité du Festival, et le film, d’une quarantaine de minutes environ, est réalisé en l’espace de 6 mois. Au cours de l’année 2017, il est projeté durant 3 jours, devant des salles combles où se retrouvent enfants et parents, et visionné par 2000 personnes environ. Le film a eu tellement de succès que ses créateurs se voient approchés dans l’espoir de lui voir accorder une sortie commerciale.
L’idée est à nouveau présentée au Festival Culturel de Beyrouth qui décide d’y investir «tout ce qu’il est possible pour un festival dans ce sens-là». Un nouveau travail d’adaptation et de rallonge s’impose, et le film, dans sa version finale d’une heure et quart naît.
Des personnages typiques. Alwan Beirut suit l’histoire d’un petit bocal, prénommé Meem, qui se voit confier une mission par Nejmeh, l’étoile emprisonnée dans l’horloge du centre-ville. Meem doit se rendre dans 11 régions du pays pour recueillir la couleur de chacune d’elle et les ramener à Beyrouth, devenue grisâtre. C’est ainsi qu’il croise Abou Qash sur la corniche de Beyrouth, Zaatar à Hamra, Lady Tarboush à Achrafié, Frédérique à Jounieh, Alef à Byblos, Arz aux Cèdres, Sabouneh à Saïda, Jern à Tyr, Chakhtoura à Tripoli, Massoud al-Oud à Beiteddine et Raqwah w Shaffeh à Baalbeck. En chemin, il doit également affronter le méchant Khasheh qui tente d’étaler son ombre noire sur tout le pays.
Chaque région est dotée d’un personnage typique, représenté par un objet traditionnel. «Dans chaque région, explique Emile Adaimy, on a été chercher des acteurs ou des imitateurs qui ont l’accent de la région». Fortement symbolique, Alwan Beirut fait passer le message que «le Liban ne peut pas fonctionner, si toutes les couleurs, toutes les communautés du pays ne participent pas à sa vitalité. Chaque communauté doit mettre du sien pour redonner des couleurs au pays». En filigrane aussi, ajoute Emile Adaimy, «le film évoque aussi la pollution qui est en train d’étaler sa saleté sur tout le pays».
Sentiment d’appartenance
Ayant effectué des études d’animation en France, et comme tout spécialiste d’animation, il avait envie de faire un film. Un souhait très difficile à réaliser au Liban, vu le manque de budgets pour le cinéma, et encore plus pour l’animation qui nécessite de grands fonds. Quand l’opportunité s’est présentée, il l’a tout de suite saisie, malgré le fait que le financement était limité et que ceux qui ont participé au film l’ont fait presque bénévolement.
C’est dans un avion que le concept d’un voyage à travers les régions, avec de petits personnages et de décors gigantesques, se met en place. De brainstorming en branstorming, l’écriture du texte et des chansons est signée Laura Khabbaz, la musique Karim Khneisser, et la direction de la production Marc Mrad.
Ecrit en arabe libanais, et non en arabe littéraire, Alwan Beirut est un film musical contenant 14 chansons. Drôle et attachant, le film s’adresse essentiellement aux enfants, de 6 à 11 ans. Mais, ajoute Adaimy, «les parents qui ont été voir le film l’ont autant apprécié que leurs enfants, sinon plus, surtout que les parents d’aujourd’hui viennent d’une génération qui connaît et a grandi avec les dessins animés».
«Nous avons deux buts pour ce film, affirme Emile Adaimy. D’abord que nos enfants soient fiers d’appartenir à ce pays. Ensuite, nous laissons généralement les Japonais, les Américains et les autres s’adresser à nos enfants avec leurs propres idées, messages, et leur raconter leurs propres histoires. Nous le savons, la meilleure façon de faire passer un message aux enfants, c’est par l’animation. Or ce que nous faisons là, c’est de s’adresser à nos enfants avec notre message, nos valeurs, notre culture, avec quelque chose qui est fait spécialement pour eux par des Libanais. C’est un challenge et c’est la première fois que c’est fait».
En tout cas, Emile Adaimy ne compte pas s’arrêter là. «Ce n’est qu’un début qui va nous ouvrir beaucoup de portes, qui va montrer la crédibilité du marché de l’animation au Liban et nous permettre de lever des fonds pour réaliser des projets encore plus ambitieux qui pourront nous mettre sur la carte de l’animation mondiale».
Circuit Empire
Nayla Rached