Magazine Le Mensuel

Nº 3098 du vendredi 1er février 2019

Décryptage

Europe. Les banques prennent leurs distances vis-à-vis des Libanais

La théorie de la gestion du moindre risque et du concept de la personne politiquement exposée (PPE) ont été mis en œuvre par un grand nombre d’établissements financiers, notamment européens.
 

Un ancien député et ex-ministre, ayant appartenu à la coalition du 14-mars a raconté dans le détail comment son frère, qui réside depuis une trentaine d’années en France, s’est vu refuser, il y a près d’un mois, l’ouverture d’un compte bancaire dans un autre pays européen. Les responsables de l’établissement auraient justifié cette fin de non-recevoir par le fait qu’il soit le frère d’un homme politique.
Interrogés au téléphone par Magazine, deux directeurs de banques européennes n’ont pas été surpris par le cas du frère de l’ancien politicien. Ils ont apporté un soutien infaillible aux rôles du département de conformité (compliance) au sein des banques et à ses larges prérogatives. Ils ont affirmé que le département de compliance est devenu «la clé de voûte du système bancaire», le décrivant comme «une entité autonome» dont le champ d’action d’une due diligence est infiniment grand. Dans son enquête, ce département peut pousser loin et autant qu’il le souhaite ses investigations. En fait, un service de conformité peut être une unité coûteuse à opérer, mais une non-conformité peut être encore plus coûteuse. Afin de garantir que l’unité soit efficace et ne se limite pas à son nom, le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire recommande que le service de la conformité soit indépendant et dispose des ressources adéquates. Bien qu’il s’agisse de l’unité d’exécution interne de la banque, elle ne devrait pas faire l’objet d’une analyse minutieuse et devrait donc être soumise à un examen périodique indépendant.

Pas de directive européenne
Selon les mêmes sources, les banques étrangères européennes ont élaboré une politique interne pour maîtriser les risques de toute nature et maintenir leur bonne réputation, en l’absence d’une quelconque directive européenne portant spécifiquement sur le Liban. Certains grands établissements financiers internationaux ont adopté des mesures de vigilance simplifiées et peu encombrantes en refusant d’ouvrir de nouveaux comptes bancaires aux Libanais, quel que soit le profil du client originaire du pays du cèdre. D’autres établissements se sont astreints à définir un quota qui inclurait les personnes politiquement exposées (PPE). Une fois ce quota atteint, ils refusent d’accepter de nouveaux clients libanais, préférant perdre de la clientèle mais être à l’abri d’enjeux qui peuvent devenir dangereux politiquement ou financièrement. Toutefois, de tels refus doivent être expliqués correctement au client potentiel, ont insisté les sources bancaires occidentales. Elles ont précisé que les filiales européennes de banques libanaises ne sont pas tenues d’accepter de facto, la clientèle de la maison mère basée au Liban.     

Qui sont les PPE?
La notion de personnes politiquement exposées (PPE) existe depuis longtemps. Celles-ci sont des personnes qui sont considérées, au niveau international, comme exposées à des «risques plus élevés» de blanchiment de capitaux, de corruption et d’évasion fiscale. Le département de compliance exige en général de mettre en œuvre des obligations de vigilance spécifiques lors des relations d’affaires des banques avec des PPE. Ces obligations impliquent des demandes d’information accrues auprès des personnes concernées à propos de leur situation professionnelle, familiale, financière et patrimoniale, sans pour autant les empêcher nécessairement de réaliser des opérations financières normales, lorsque celles-ci correspondent à leur profil et ne présentent pas de caractéristiques différentes de celles des autres clients dans des circonstances similaires. Les PPE sont des personnes qui exercent ou ont cessé d’exercer depuis moins d’un an, des fonctions politiques, judiciaires ou administratives pour le compte de leur pays, d’un État étranger ou d’une organisation internationale, ainsi que leurs proches. Quant aux fonctions concernées, il s’agirait de chef d’Etat, chef de gouvernement, membre d’un gouvernement national ou de la Commission européenne, membre d’une assemblée parlementaire nationale (député comme sénateur) ou du Parlement européen, dirigeant d’un parti politique, magistrat de la Cour de cassation, conseiller d’Etat et membre du Conseil constitutionnel ou leurs équivalents à l’étranger, magistrat de la Cour des comptes ou leurs équivalents à l’étranger, dirigeant ou membre de l’organe de direction d’une banque centrale, ambassadeur ou chargé d’affaires, officier général, ou officier supérieur assurant le commandement d’une armée, membre d’un organe d’administration, de direction ou de surveillance d’une entreprise publique exerçant son activité au niveau national, directeur, directeur adjoint, membre du conseil d’une organisation internationale. Pour ce qui a trait aux proches des PPE, il s’agirait du conjoint (peu importe la nature de l’alliance), les enfants ainsi que leur conjoint, les cercles des parents proches ou plus éloignés ainsi que les personnes étroitement associés aux PPE notamment dans le cadre d’une société ou structure  juridique ou entretenant un lien d’affaires étroit. La fonction compliance a connu un essor très important au cours de la dernière décennie et arrive aujourd’hui à un niveau de reconnaissance pour la gestion quotidienne des établissements. Cette fonction fait face à la complexité des environnements et à «une inflation réglementaire» permanente.


Liliane Mokbel

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