Le Pdg d’INDEVCO, qui préside également la commission de l’Economie, du Commerce et de l’Industrie au Parlement, plaide pour un plan quinquennal pour l’économie pour en finir avec le déficit.
Quelle est votre analyse de la situation économique actuelle en tant que Pdg d’Indevco?
A INDEVCO, comme chez tous les industriels et les entrepreneurs, nous sommes conscients que l’économie libanaise va être dans la situation la plus difficile possible depuis peut-être 100 ans. Je crois qu’il va y avoir des opportunités pour les industriels libanais d’ici 2 à 3 ans, avec une chute très rapide de l’import au Liban, qui a atteint des niveaux terribles en 2018, (20 milliards $). Le Liban, dans les 3 ans, va importer moins que 10 milliards $ (à l’exclusion de la facture de l’énergie de 5 milliards $), contre 15 milliards $. Il y a des opportunités d’industrialisation et de production au Liban de 5 milliards $. C’est là que l’industriel libanais doit être prêt à assumer ses responsabilités pour se substituer à l’import par de la production locale. A INDEVCO, en 2009-2010, l’export représentait, pour le Liban seul, 50% de notre chiffre d’affaires, maintenant nous sommes peut-être à 10%. Il faut se concentrer sur le marché local.
Le problème de la pénurie des devises étrangères pèse sur l’économie. Comment s’en sortir?
Le problème des devises étrangères, qui est un nouveau paramètre que nous n’avions pas auparavant, doit être géré au niveau de la BDL, des banques locales, des entrepreneurs. Cela doit provoquer un changement structurel de l’économie libanaise qui doit devenir plus concentrée sur les secteurs de production pour atteindre un nouveau niveau de balance dans notre PIB. Il faut que l’industrie et l’agriculture dépassent 25% du PIB, contre moins que 10% actuellement. Depuis 1990 jusqu’à aujourd’hui, on vivait dans une bulle à cause de la dette qui croissait. Ça veut dire quoi? Que nous sommes en train de voler les meilleurs jours de nos enfants pour avoir de beaux jours nous-mêmes. C’est le sommet de l’égoïsme, de l’irresponsabilité. Il faut faire des plans quinquennaux avec un objectif: zéro déficit en cinq ans.
Vous présidez la commission de l’Economie, du Commerce et de l’Industrie au Parlement. Quelle est votre vision pour sortir du chaos?
Il faut avoir un plan quinquennal concret où tout le monde se met d’accord. On ne peut rien faire sur un an avec un déficit de 7 milliards $ par an. Nous avons fait des simulations précises, chiffrées: on peut arrêter la croissance de la dette en 5 ans, la cinquième année on atteindra un niveau de 104 milliards $ et on commencera à rebaisser. La commission a finalisé un plan en deux volets qui ne fait pas beaucoup de mal pour les Libanais. Le premier volet, en 18 points, planifie la réduction des dépenses et l’accroissement des recettes annuelles, le deuxième volet se concentre sur la valorisation des biens de l’Etat, qui peut être mis en œuvre, entre autres, avec un mélange de PPP, avec contrats de gérance. Chacune des cinq années, il y a aura un grand projet. En 2020, pour moi, ce serait les Télécoms, qui peuvent générer 800 millions $ en une fois, 2021 serait l’année du port de Beyrouth intégré avec le ferroviaire, 2022, l’objectif serait d’enlever le goulot d’étranglement à l’aéroport de Beyrouth et d’ouvrir l’aéroport René Moawad, en gérance libre. La cinquième année serait consacrée à l’électricité qui, on l’espère, sera excédentaire et non déficitaire et prête à être recapitalisée d’une façon différente.
Le Liban a besoin de créer 30 000 emplois par an, comment y parvenir?
L’industrie pourrait créer facilement 10 000 emplois par an selon notre PIB, pour cela, on aurait besoin de 500 millions $ d’investissement.
Les projets envisagés par CEDRE suffiront-ils à relancer l’économie?
CEDRE est un projet très important car il attaque le cercle vicieux qu’on s’est créé depuis 15 ans: une dette qui s’accroît, on s’endette pour servir le coût de la dette au lieu de s’endetter avec des investissements intelligents pour pouvoir payer la dette. CEDRE casse ce système avec des investissements directs dans l’infrastructure.
Jenny Saleh