Les conduites anorexiques et boulimiques sont de plus en plus fréquentes, notamment chez les jeunes. Un trouble alimentaire qui peut devenir signe de souffrance et mettre la vie du patient en danger. L’accompagnement de ces comportements alimentaires implique une attitude multidisciplinaire.
L’augmentation considérable des troubles anorexiques et boulimiques constatée par tous les acteurs du soin de cette pathologie touche en particulier les moins de 26 ans. En effet, la société de consommation prône la maigreur comme valeur esthétique et sous l’influence de la mode, les regards banalisent ce phénomène. Les médias, non seulement ne critiquent pas cette déformation des critères de santé mais l’encouragent à leur insu. On voit croître le nombre d’adolescentes vulnérables, qui s’adonnent aux vomissements pour pouvoir manger, tout en maigrissant, et deviennent prisonnières d’un comportement qu’elles pensaient pouvoir maîtriser.
Au Liban, les jeunes femmes sont «prisonnières également d’une image sociale, dans un pays où l’apparence physique est synonyme de beauté, de succès, il n’est pas rare de succomber à la pression de rester ou devenir mince», déplore Mélissa Rizk, nutritionniste spécialisée dans les troubles du comportement alimentaire, et professeure à l’USJ. «Il y a une prévalence de plus de 59% des femmes libanaises à haut risque de souffrir de troubles du comportement alimentaire, versus une prévalence mondiale de 0,3%», alerte-t-elle.
Combiner les thérapies
«Ce problème grave requiert une intervention par les acteurs de la santé tant en termes de soins que de prévention, car les troubles du comportement alimentaire (TCA) peuvent conduire à des situations de dénutrition sévère, mettant la vie en danger. D’autre part, la restriction, les crises de boulimie et les vomissements créent de véritables addictions difficiles à résorber, et nécessitent un traitement complexe, au carrefour du somatique et du psychique», ajoute Mélissa Rizk. «Ainsi, pour soigner le déséquilibre psychosomatique de l’anorexie et de la boulimie, il est indispensable d’établir des complémentarités thérapeutiques entre médecine, psychiatrie, psychothérapie, nutrition… D’un point de vue physiologique, la personne souffrant d’un TCA doit consulter un nutritionniste, un expert de l’alimentation, qui lui explique l’importance de manger sainement, et lui signale les impacts extrêmement négatifs des mauvaises habitudes alimentaires. Il contribuera également à établir un plan de repas adapté aux besoins du patient. Dans le cas de l’anorexique, il s’agit de l’aider à reprendre du poids graduellement et de manière saine, sans peur des calories. En revanche, pour les personnes souffrant de boulimie, il favorise un plan qui ne soit pas aussi restrictif que celui qu’elles ont essayé de s’imposer (menant aux frustrations et aux crises), en leur permettant de se faire plaisir au moment des repas au quotidien», avance la nutritionniste. «Ainsi, dans le cas de surpoids, il ne s’agit pas de se concentrer sur une perte de poids rapide», signale la spécialiste, «mais de changer les habitudes alimentaires de la personne afin de l’aider à atteindre un bon état de santé. Cela passera également par un programme de sport, qui favorisera une perte de poids saine.»
Une capacité d’écoute incontournable
«Par ailleurs, les TCA apparaissent souvent avec d’autres troubles psychologiques», poursuit Mélissa Rizk. «Il est donc important de tenir compte de ces mauvaises et dangereuses habitudes alimentaires, qui sont souvent le reflet d’autres problèmes sous-jacents, tels qu’un manque de confiance en soi, une anxiété ou une dépression… Par conséquent, l’accompagnement d’un TCA ne peut pas se faire uniquement d’un point de vue physiologique, en se concentrant sur la perte ou la prise de poids. Le nutritionniste spécialisé dans les troubles de comportement alimentaire doit être doté d’une grande capacité d’écoute, puisqu’il sera confronté à des personnes malades, en quête d’aide et de soins.» Et la nutritionniste d’ajouter: «il est primordial de faire preuve d’empathie, d’attention et de compréhension pour déterminer précisément les origines d’un problème nutritionnel. En plus des compétences médicales, il faut user de pédagogie pour expliquer aux patients pourquoi certains aliments leur sont déconseillés, ou comment leur régime alimentaire a un impact négatif sur leur santé. Dès lors, il est essentiel de faire preuve de persuasion, sans pour autant se montrer autoritaire. Ainsi, dans le cadre de la prise en charge des troubles alimentaires, certaines notions de psychologie, voire de psychiatrie, sont indispensables.»
Marlène Aoun-Fakhoury