Magazine Le Mensuel

Nº 3108 du vendredi 6 décembre 2019

Média

Yazbek Wehbé. Le Google de l’information

Présentateur du journal télévisé sur la LBCI, reporter, Yazbek Wehbé est passionné de politique et d’information. Serein, poli, égal à lui-même, il réussit à conserver son calme malgré les turbulences d’un métier qui n’est pas toujours de tout repos.
On le surnomme «mokhtar» ou encore «Google» en raison de sa vaste culture générale et de ses informations en politique, en histoire et en géographie. Il connaît 90% du territoire libanais et a visité presque la totalité des villages du pays. Il aime marcher dans la nature, visiter les régions reculées et rencontrer les gens. «J’aime beaucoup les accents locaux», dit-il. Passionné de voyage, il a visité plus de 26 pays.
Enfant, Yazbek Wehbé aimait déjà écouter les nouvelles. «Au lieu de jouer avec mes amis, je préférais lire les journaux ou des revues à caractère politique. J’aimais regarder le bulletin d’informations de Télé Liban quoiqu’il m’arrivait souvent de m’endormir avant la fin», confie Yazbek Wehbé à Magazine.

Un rêve d’enfance. Lorsqu’éclate la guerre civile en 1975, Yazbek Wehbé est âgé de 7 ans. «Nous habitions à la montagne, à Kleiat, et je suivais déjà toutes les informations à la radio». Depuis sa plus tendre enfance, il rêvait de devenir un jour présentateur du journal télévisé. A 8 ans, il demande comme cadeau de Noël une radio pour écouter les nouvelles. La politique, il l’a dans le sang. «Pourtant je ne viens pas d’une famille politisée». Il choisit de faire des études en Sciences politiques à l’Université libanaise et obtient son diplôme en 1989 en pleine guerre de libération. «Je suis resté des mois sans travail. Avec la guerre d’élimination en 1990, nous sommes contraints de quitter Kleiat qui était devenu un champ de bataille».
Par pur hasard, il intègre la Voix du Liban. «C’était un rêve, je n’y croyais pas. On m’a proposé un stage de trois mois mais au bout d’un mois, j’ai été embauché». Il commence par être rédacteur. «Pourtant, mon but était de devenir présentateur. Mais Omar el-Zein, qui m’avait formé, trouvait que j’avais la voix trop fine pour ce poste. Cependant, grâce à l’insistance de mes supérieurs, il a continué à me former jusqu’à ce que je sois prêt à lire le bulletin d’information». Au bout de deux mois, il présente le bulletin de l’aube. «Je n’aimais pas faire des correspondances. J’étais timide de nature et je n’aimais pas côtoyer les hommes politiques». Jusqu’au jour où Khalil Fleyhane, qui était responsable du département des correspondants, et Georges Chahine, lui disent qu’il était en train de s’enterrer dans les bureaux et qu’il devait au contraire sortir et faire du terrain. «Je suis alors devenu simultanément reporter et rédacteur». Au bout de trois ans, on lui propose de faire un double job: reporter et présentateur du bulletin d’information. «Je suis devenu correspondant au palais présidentiel et au Parlement ainsi que présentateur des informations».

De la radio à la télé. Avec l’ouverture du département de l’information de la MTV en 1995, Yazbek Wehbé reçoit une offre de travail. «Malgré les conditions intéressantes, j’ai refusé». Pourtant un an plus tard, lorsque la Voix du Liban n’obtient pas de licence pour diffuser les informations, la MTV lui fait une nouvelle proposition qu’il accepte cette fois. Il devient reporter pour la MTV. Lorsque la Voix du Liban réussit finalement à obtenir sa licence, Yazbek Wehbé demande l’autorisation de travailler dans les deux organes de presse. «C’est ainsi que j’ai commencé à travailler à la MTV dans la journée de 10h à 20h et je continuais la nuit à la VDL. Je dormais de 2h30 à 5h30 à la radio puis je travaillais de 5h30 à 10h à la station avant d’aller à 10h à la MTV».
Un an plus tard, Rafic Chelala, qui était à l’époque directeur de l’Agence nationale de l’Information, lui propose de devenir correspondant de l’ANI. Il cumule ainsi trois emplois jusqu’en 2000, l’année de son mariage. Il commence à réduire ses activités et devient présentateur du journal télévisé de la MTV en 2000.
Une semaine après la fermeture de la MTV en 2002, et pendant deux mois, il reçoit plus de 11 offres d’emploi. Il est également contacté par la LBCI qu’il rejoint définitivement en novembre 2002. Il devient aussi depuis septembre 2002 le correspondant au Liban de Voice of America-Radio Sawa.
Travailleur sans relâche, Yazbek Wehbé se lance en 2005 dans l’enseignement et donne des cours de diction arabe et reportage télévisé à l’Université libanaise. Son professionnalisme et son sérieux attirent les étudiants. Il commence à enseigner aussi à la NDU, à l’USEK puis à l’USJ à partir de 2015. «J’étais supposé enseigner une seule matière à l’USJ mais actuellement j’en dispense quatre».

Contre l’extrémisme. Son calme, sa manière réfléchie et polie de poser les questions, loin de toute agressivité, lui valent le respect. Il essaie de transmettre à ses étudiants et à ses collègues sa façon de manier avec brio les questions sur le terrain. «Nous vivons dans un pays qui représente une large mosaïque. Mais dans les circonstances actuelles celle-ci peut occasionner de graves problèmes. Depuis le 17 octobre, certains de nos collègues ont été insultés et bousculés. Un reporter doit bien connaître le terrain et poser ses questions de manière calme, sans provoquer les gens, surtout lorsqu’on appartient à un organe de presse qui possède une identité politique bien définie. On ne peut jamais prévoir les réactions des personnes interrogées surtout que celles-ci sont très variées et différentes. Il y a beaucoup de gens cultivés tout comme il existe des personnes peu instruites». Ce qu’il apprend à ses étudiants? «Ils peuvent appartenir à un parti mais ils ne doivent pas être extrémistes car, en tant que reporter, nous allons partout. Notre but n’est pas seulement d’atteindre le public de notre station mais le plus large auditoire possible».
Yazbek Wehbé fait partie de ceux qui n’aiment pas les positions extrémistes. «J’ai ma propre opinion politique, que je n’inclus jamais dans mes reportages. J’exprime mes idées sur Twitter de manière calme. Je fais parvenir le message et en 9 ans je n’ai jamais bloqué qui que ce soit. Les positions affichées ouvertement sur les réseaux sociaux par certains journalistes ne sont pas souhaitables».
La relation de Yazbek Wehbé avec les hommes politiques est strictement professionnelle. «Je n’appelle jamais un politicien sauf si j’ai besoin d’informations. En 30 ans de carrière, je n’ai jamais demandé une faveur à qui que ce soit».
Le plus beau jour de sa vie fut le 14 mars 2005. «J’ai couvert avec mon collègue Bassam Abou Zeid cette journée du centre-ville de Beyrouth». Un autre jour mémorable dans sa vie est celui de la canonisation du pape Jean-Paul II. «J’ai couvert l’événement qui s’est déroulé sur trois jours à Rome en présence de plus d’un million et demi de personnes», raconte-t-il. Il est toujours de ravi de se retrouver parmi ses étudiants en train de couvrir l’actualité. «En 14 ans, j’ai diplômé quelques 950 étudiants dont 60 hommes et le reste des femmes». Toujours disponible, il est à l’écoute de ses étudiants en quête de conseils. Yazbek Wehbé est également entraîneur à l’Académie de an-Nahar et à la May Chidiac Foundation. Il forme aussi de jeunes politiciens et des journalistes qui voudraient développer la langue arabe, leur diction arabe et le dialogue politique.
Depuis 2002, il prépare les candidates à l’élection de Miss Liban en leur faisant des formations en arabe et en connaissances générales. Le secret pour réussir une carrière de journaliste selon lui? «Des informations générales, des relations publiques, une bonne connaissance de la langue arabe et surtout aimer ce que l’on fait».

EN CHIFFRES

  • 21
    Yazbek Wehbé travaillait jusqu’à 21 heures par jour, se contentant de dormir trois heures par nuit.
  • 6
    Il a travaillé 6 ans à la MTV.
  • 10
    Il passe 10 années à l’Agence nationale de l’Information de 1996 à 2006.
  • 14
    Pendant 14 ans il a travaillé à la Voix du Liban entre 1990 et 2004.
  • 17
    Il a rejoint la LBCI il y a 17 ans.

Joëlle Seif

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