Magazine Le Mensuel

Nº 3080 du vendredi 4 août 2017

Editorial

Grille des salaires: deux lectures

Le vote par le Parlement de la grille des salaires de la fonction publique clôt un feuilleton de cinq ans, ponctué de polémiques, de tiraillements et de coups bas entre les forces politiques. En dépit des protestations de certaines catégories, qui s’estiment lésées, notamment les fonctionnaires et les militaires à la retraite, cet ajustement des salaires est, globalement, considéré comme un «exploit», car il permet de renforcer le pouvoir d’achat de 270000 familles. Cependant, des milieux économiques et financiers ne cachent pas leurs craintes des retombés négatives que pourrait avoir cette loi, qui prévoit une batterie d’impôts et de taxes. Parmi les plus mécontents figurent les banques. Celles-ci sont appelées, en effet, à supporter une partie significative du financement de cette grille, dont le coût est de 1700 milliards de livres (1200 milliards pour les fonctionnaires en service et 500 milliards pour les retraités). Les banques débourseront quelque 300 millions de dollars sur un montant total de 1,15 milliard de dollars. Ce financement proviendra d’une augmentation de 5% à 7% de la taxe sur les intérêts (supportée par les déposants), une taxation des profits des banques sur les bons du Trésor et une taxation des transactions des banques cotées en bourse, en plus d’une série d’autres mesures. Le secteur bancaire, qui déclare des profits de 2 milliards de dollars par an, se voit ainsi amputé de 300 millions de dollars, soit 15% de ses bénéfices. Toutefois, des sources économiques affirment que les profits réels des banques sont bien plus importants que ceux qui sont officiellement déclarés.
Pour le secteur bancaire, ces nouvelles taxes et impôts auront un impact négatif sur les investissements et sur le coût du capital, ce qui va ralentir la croissance et, par conséquent, la création de nouveaux emplois.
Un autre avis estime, toutefois, que le renforcement du pouvoir d’achat de centaines de milliers de Libanais va insuffler une bouffée d’oxygène dans l’économie, en boostant la consommation, ce qui aura pour effet de réunir les conditions nécessaires pour enclencher un cercle vertueux, qui profitera à tous les secteurs et les pans de l’économie. «Pour que ce cercle vertueux puisse voir le jour, il faut que tous les acteurs économiques jouent le jeu», prévient une source économique.
Certes, le financement de la grille exigera des banques de réduire leur marge de profit et de procéder à des économies internes. Cependant, la source économique affirme que le secteur bancaire est, malgré tout, satisfait du fait que cette hausse des salaires du secteur public ne s’est pas soldée par un creusement du déficit des finances publiques. Cette source indique que les mesures, les taxes et les impôts prévus par la loi génèreront 1765 milliards de livres, soit un montant légèrement supérieur à la somme nécessaire pour financer l’ajustement des salaires.
Encore faut-il que l’Etat se donne les moyens de collecter les impôts et de combattre l’évasion fiscale.

 

Paul Khalifeh

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