Magazine Le Mensuel

Nº 3084 du vendredi 1er décembre 2017

Confidences hommes et femmes

Confidences diplomatie

Casquettes interchangeables
Une source proche de la présidence de la République a nié les informations selon lesquelles le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmad Abou el-Ghait, aurait transmis aux dirigeants politiques libanais qu'il a rencontrés à Beyrouth, notamment le chef de l'Etat Michel Aoun, un ultimatum ou une mise en garde. «Le ton de M. Abou el-Ghait était conciliant et il a évoqué avec les responsables libanais les moyens d'éviter toute escalade entre le Liban et l'Arabie saoudite», a précisé cette source. Le patron de la Ligue était plus aligné sur la position égyptienne appelant à l'apaisement et rejetant toute déstabilisation du Liban que sur celle de Riyad. Même au sujet du Hezbollah, M. Abou el-Ghait s'est montré plus modéré que le ton du communiqué de la Ligue. «Nous avons eu l'impression qu'il est venu au Liban en sa qualité d'ancien chef de la diplomatie égyptienne et non pas que secrétaire général de la Ligue», a conclu la source.

Le Hezbollah discret mais actif
A part deux interventions de son secrétaire général, au début et vers la fin de la crise liée à la démission surprise de Saad Hariri, le Hezbollah a fait preuve d'une grande discrétion. Des consignes de silence ont été données aux ministres, députés et responsables du parti afin de ne pas parasiter la gestion de la crise entreprise par le président de la République, Michel Aoun, en étroite collaboration avec le chef du Parlement Nabih Berry. Mais cela ne signifie pas que le Hezbollah se tenait à l'écart des démarches entreprises. Des sources proches du 8-mars affirment que le secrétaire général adjoint du Hezbollah, cheikh Naïm Kassem, a recu vers la mi-novembre un émissaire français.  La source ne confirme pas s'il s'agissait d'Aurélien Lechevallier.

Entre les quatre murs de Moscou
Selon le communiqué officiel publié à Moscou à l'issue de la rencontre, le 17 novembre, entre le ministre libanais des Affaires étrangères et son homologue russe Sergueï Lavrov, la Russie «défend la souveraineté et l’intégrité territoriale du Liban et considère que la crise actuelle ne pourrait être résolue que par le biais de discussions prenant en compte les intérêts de tous les partis politiques, sans ingérences extérieures». Des sources du Palais Bustros précisent, cependant, que les positions exprimées par le ministre russe entre quatre murs vont au-delà du ton du communiqué officiel. Sergueï Lavrov a clairement dit au ministre Bassil que la Russie bloquerait, par un véto s'il le faut, toute résolution qui tenterait de mettre hors la loi le Hezbollah et s'opposerait à toute tentative de déstabiliser le Liban.


Un diplomate «vif d'esprit»
Plusieurs dirigeants libanais ont appelé l'ambassadeur du Liban au Caire, Antoine Azzam, pour le féliciter pour ses prestations avant et pendant la réunion extraordinaire des ministres arabes des Affaires étrangères au Caire, le 7 novembre. M. Azzam a agi rapidement et avec une «grande vivacité d'esprit», comme l'a dit un responsable politique à Beyrouth, pour atténuer le ton du communiqué final de la Ligue arabe. Dans le même temps, il a évité toute confrontation avec les représentants des Etats arabes qui voulaient en découdre avec le Liban.

L'émissaire secret de l'Elysée
Le président français Emmanuel Macron a jugé la situation au Liban suffisamment grave pour dépêcher discrètement à Beyrouth son conseiller diplomatique,Aurélien Lechevallier. Cet ancien élève de l’ENA, promotion Léopold Sédar Senghor (2002-2004), comme le chef de l'Etat français, a passé plusieurs jours au Liban au cours desquels il a suivi de près les différentes étapes de la crise. Selon des sources proches de Baabda, M. Lechevallier a rencontré plusieurs fois le président de la République, Michel Aoun.

Un témoin oculaire
Citant un diplomate français qui a accompagné le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, lors de sa rencontre avec Saad Hariri à Riyad, jeudi 16 novembre, un journaliste accrédité au Quai d'Orsay a déclaré: «Le Premier ministre libanais n'était pas dans le meilleur de ses états. Il était blanc comme un linge, de grosses gouttes perlaient sur son front et avait l'air de porter sur ses épaules tous les soucis du monde».  

Une idée  abandonnée
Le président de la République, Michel Aoun, a envisagé, un moment, d'effectuer une vaste tournée dans les pays arabes pour convaincre leurs dirigeants de ne pas transformer le Liban en arène dans le conflit et la lutte d'influence qui opposent l'Arabie saoudite et l'Iran. Après avoir sondé quelques capitales arabes, les responsables sont parvenus à la conclusion qu'un tel périple entrepris dans les circonstances actuelles pourrait donner des résultats contraires à ceux qui sont escomptés. L'idée a donc été abandonnée au stade actuel. Mais le chef de l'Etat est déterminé à visiter deux capitales qui se sont tenues aux côtés du Liban, l'une ouvertement, Bagdad, et l'autre plus discrètement, Le Caire.

Les bons conseils de Macron
Des sources officielles libanaises précisent que c'est le chef de l'Etat français, Emmanuel Macron, qui a confirmé au président Michel Aoun, lors d'une conversation téléphonique, que le Premier ministre Saad Hariri était pratiquement «en résidence surveillée», à Riyad. Il s'est basé sur les constatations faites par l'ambassadeur de France en Arabie saoudite, qui a pu rencontrer M. Hariri dans son lieu de résidence. M. Macron a conseillé au président Aoun de dépêcher à Paris et en Europe le ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil.

Les vrais amis du Liban à la Ligue arabe
La mouture initiale du communiqué final présentée par l'Arabie saoudite à la réunion extraordinaire des ministres arabes des AE au Caire, le 19 novembre, faisait assumer au gouvernement libanais la responsabilité des «actes terroristes» commis par le Hezbollah. Selon des sources diplomatiques, l'Irak s'est fermement opposé au texte, soutenu à divers degrés par l'Algérie, l"Egypte, la Jordanie, le Qatar, Oman et la Tunisie. Le ton du communiqué a finalement été adouci.

Walid Boukhari
Le langage de l'ironie
Ceux qui connaissent le chargé d'affaires saoudien à Beyrouth, le ministre plénipotentiaire Walid Bouhkari, décrivent un homme calme, courtois, qui choisit ses mots avec précaution et qui est respectueux des règles diplomatiques. Aussi, ont-ils été surpris lorsqu'il a posté un tweet ironique envers ceux qui versent «des larmes de crocodile» pour le Premier ministre Saad Hariri, en prétendant qu'il est détenu dans le royaume et que l'interview qu'il a accordée, le 12 novembre, s'est déroulée «sous la pression». Le hashtag «Saad_Hariri_larmes de crocodile_sous la pression, posté par Boukhari le lendemain était accompagné d'un dessin jugé insultant pour les Libanais (photo ci-dessus). Des milieux politiques ont aussi dénoncé les contacts directs effectués par des diplomates et des employés de l'ambassade saoudienne à Beyrouth avec des Libanais chefs de tribus arabes, pour les inciter à exprimer leur solidarité avec le royaume en défilant au siège de la chancellerie. Des personnalités du 8 mars ont réclamé la convocation de Boukhari au ministère des AE pour protester contre des «ingérences inacceptables» dans les affaires libanaises et d'«atteinte» à la liberté d'expression. Cependant, les hauts responsables ont rejeté cette demande, estimant qu'elle risquait de compliquer les  relations bilatérales et de faire diversion dans l'affaire Hariri.

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