Saad Hariri n’a pas mis longtemps pour procéder à une lecture du résultat des municipales, des messages adressés à travers ces élections et ce qu’elles représentent aussi bien sur le plan populaire que politique. Cette révision a déjà commencé au niveau du bureau politique et s’achèvera par le congrès général qui devrait se tenir dans quelques mois.
Les élections ont révélé l’existence de plusieurs problèmes à l’intérieur du Courant du futur: un «malentendu», atteignant quelquefois une rupture de communication entre le commandement et la base, une machine électorale rouillée, l’émergence de nouvelles forces politiques, manque de fonds, etc. C’est la raison pour laquelle cette révision devrait avoir pour résultat une restructuration du Courant du futur, un renforcement de la centralisation, la mise à l’écart d’un grand nombre des membres du bureau politique et des responsables régionaux, la liquidation des ailes au sein du courant et l’introduction d’un sang neuf. Pourtant, ces remaniements intérieurs ne seront jamais complets et ne pourront pas porter des fruits s’ils ne s’accompagnent pas d’une révision politique. Il existe une forte conviction chez les dirigeants et les membres du Futur que leurs options politiques sont la raison principale du recul et de la déconfiture des «bleus».
Depuis la défaite tonitruante de Tripoli, les concertations et les discussions ont commencé et elles tournent autour de deux points essentiels au niveau de la stratégie politique à adopter dans l’étape présente. Le premier point concerne le dialogue avec le Hezbollah. Faut-il le poursuivre ou y mettre un terme? A quelles conditions faut-il le continuer et quelles seraient les conséquences et les retombées de son arrêt? La majorité des membres du Courant du futur estiment que ce dialogue est inutile tant qu’il n’existe pas de changement dans l’attitude du Hezbollah. Son but était d’absorber le conflit sunnite-chiite et de mettre un terme à la vacance présidentielle. Jusqu’à présent, le dialogue a eu des résultats négligeables au niveau du premier point et n’a enregistré aucune avancée au niveau du second point. Malgré les nombreuses perches tendues par le Futur, le Hezbollah ne l’a pas rencontré à mi-chemin. En d’autres termes, le Futur aurait beaucoup donné en deux ans sans recevoir aucune contrepartie, ce qui représente une concession coûteuse, en contradiction avec l’humeur sunnite.
Le second point porte sur la candidature de Sleiman Frangié. A ce niveau également, les avis sont partagés au sein du Courant du futur. Les uns voient dans la candidature de Frangié un moyen de sortir de l’impasse présidentielle, après deux ans de vacance et de stagnation. Selon les partisans de cette option, ce serait le seul moyen d’écarter le général Michel Aoun et elle serait acceptée par le Hezbollah. Mais six mois plus tard, il apparaît que cette candidature n’a pas réalisé son objectif et n’a pas réussi à sortir le pays de l’impasse. En passant de la candidature de Samir Geagea à celle de Sleiman Frangié, rien n’a véritablement changé. Cela impose une réévaluation de la candidature de Frangié. Faut-il la retirer et appuyer celle du général Aoun ou alors se tourner vers un troisième président consensuel? D’autres estiment qu’il faut maintenir la candidature de Frangié même si les chances de l’élire président sont devenues très faibles, car c’est la seule carte que détient le Courant du futur au niveau de la présidentielle et il n’est pas permis d’y renoncer sans obtenir des garanties en contrepartie. Renoncer au chef des Marada gratuitement impliquerait appuyer Aoun, parce qu’il devient ainsi le seul candidat après la mise à l’écart de Geagea et Frangié. Jusqu’à ce que sonne l’heure du compromis, il semble que le Futur n’a d’autre choix que celui de s’accrocher à la candidature de Sleiman Frangié.
Joëlle Seif
Deux approches avec le Hezb
Deux approches concernant la relation avec le Hezbollah se partagent. Une première appelle carrément à un arrêt du dialogue – car il est inutile – et au passage d’une politique de dialogue à une politique stricte. Les tenants de cet avis prônent une hausse du plafond politique et plus de fermeté dans les positions et dans les discours. Cette attitude aurait alors pour conséquence de rassembler la rue sunnite et de rétablir la relation entre l’Arabie et le Courant du futur. La deuxième approche consiste dans la poursuite du dialogue, mais sur de nouvelles bases afin que celui-ci devienne plus productif. Cela implique une nouvelle conception du Hezbollah concernant les dossiers étudiés, en particulier celui de la présidentielle. L’élection d’un chef d’Etat serait le premier pas vers une reconstruction du paysage politique et des institutions. Selon les défenseurs de cette opinion, le Hezbollah aurait intérêt à renforcer la situation interne et à absorber les pressions exercées sur lui de toutes parts.