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Nº 3059 du vendredi 24 juin 2016

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Plus de festivals plus de créativité. Le tourisme fait de la résistance

Le mois du Ramadan vient s’ajouter à de nombreux challenges auxquels fait face le tourisme libanais depuis 2011: boycott des pays arabes, attentats et défection des touristes. Comment s’annonce cette nouvelle saison estivale qui débute par cette période de quasi-paralysie et l’attentat contre le secteur bancaire?

Cette année encore, le Ramadan coïncide avec la saison estivale couplée à une période d’instabilité politico-sécuritaire due à la guerre en Syrie. Pour le secteur touristique, le premier à avoir subi les conséquences de cette situation géopolitique, le challenge est à nouveau de taille. Il va falloir passer outre le boycott des pays du Golfe à se rendre au Liban, outre les divers attentats ou rumeurs d’attentats à venir dans le pays, outre la lenteur généralement associée au mois du jeûne des musulmans pour tabler sur un autre tourisme et tenir bon. Car ce secteur est un moteur de la croissance libanaise. Il représente 22% du PIB et quelque 326 000 emplois directs et indirects.
 

Les professionnels optimistes
Pour Jean Beyrouthi, président du Syndicat des complexes balnéaires au Liban, «si le taux de fréquentation des stations balnéaires à Jounié a diminué de 60% depuis le début du mois du Ramadan, la saison 2016 sera réussie malgré tout». Le professionnel s’attend à une reprise très rapide de l’activité touristique dès la fête du Fitr. Il souligne d’ailleurs n’avoir constaté aucune annulation dans les jours qui ont suivi l’attentat contre la Blom Bank et le secteur bancaire.
«Nous avons tout de même enregistré un taux d’occupation de 70% pour la fête du Fitr et n’avons encore constaté aucune annulation. Pour le moment, même s’il est vrai que la période du Ramadan a affecté la fréquentation des établissements touristiques, nous tablons sur des festivités et un retour des expatriés libanais au pays dès le mois de juillet».

 

La résistance par la fête
Selon le professionnel, il y aurait cet été plus de 140 festivals organisés un peu partout dans le pays. Outre les plus connus à l’instar de ceux de Baalbeck, Batroun, Byblos ou Beiteddine, une multitude de nouveaux événements voient le jour chaque année et ce, malgré la situation et le mois du Ramadan. Les villes d’Ehden ou encore de Tyr ont, elles aussi, un festival. Cela n’est pas le fruit du hasard. Les professionnels du tourisme libanais l’ont bien compris: la donne a bel et bien changé. Les principaux touristes au Liban ne sont plus les Arabes du Golfe, mais les Libanais eux-mêmes ainsi que des Européens. Depuis le début de la guerre en Syrie, le Liban n’est plus la destination favorite des Arabes du Golfe qui le boycottent.
Il faut ainsi miser sur un nouveau tourisme, un tourisme interne. «C’est dans cette optique que nous nous sommes fixé comme but de multiplier les événements festifs dans le pays, explique Jean Beyrouthi. Il y a cinq ans, la saison estivale n’était marquée que par 80 festivals durant l’été. Cette année, nous sommes à plus de 140 événements en trois mois».
C’est également sur cette stratégie de versification qu’a misé l’hôtel Le Gray au centre-ville de Beyrouth pour résister aux multiples crises que connaît le Liban. «Nous avons constaté une baisse de la demande de la part des pays dont les gouvernements boycottent le Liban, explique Georges Ojeil, le directeur général de l’établissement. Ce changement nécessite alors l’ouverture de nouveaux marchés. C’est sur quoi nous avons tablé, dès le début, en optant pour une stratégie marketing visant l’Europe, aussi bien que les pays de la région Mena».
Une stratégie qui semble porter ses fruits: le taux d’occupation moyen de l’hôtel est resté stable. Pendant le mois du Ramadan, l’établissement utilise même cette période comme outil de promotion du Liban en tant que pays tolérant. «Nous proposons des packages spécial Ramadan qui ciblent le touriste européen, ajoute le directeur du Gray. Nous encourageons ces voyageurs à venir découvrir l’esprit de ce mois dans une ville aussi ouverte que Beyrouth».

 

Amélioration du tourisme
Le mois du Ramadan et l’explosion de la Blom Bank interviennent alors que le secteur touristique commençait tout juste à reprendre. En effet, si on regarde les indicateurs économiques, tous semblaient être au vert. Le nombre de visiteurs au Liban a augmenté de 7,5% sur les quatre premiers mois de l’année pour s’établir à 428 897 contre 398 959 sur la même période de 2015. Bien sûr, ces chiffres sont toujours inférieurs de 24% 
par rapport à ceux de 2010, mais ils laissaient tout de même espérer une belle saison estivale.
Du côté des hôtels, en revanche, une stagnation de l’activité est à noter d’une année à l’autre. Selon l’étude du cabinet Ernst and Young, le taux d’occupation moyen des hôtels à Beyrouth sur les quatre premiers mois de l’année était de 54% contre 55% à la même période de 2015.
Outre le tourisme, c’est toute l’activité commerçante qui tourne au ralenti pendant le mois du jeûne, alors que les premiers mois de 2016 avaient déjà été marqués par une «déprime économique», selon les termes de Nicolas Chammas, président de l’Association des commerçants de Beyrouth. «Nous avons enregistré une baisse continue de l’activité et de la demande au premier semestre, explique-t-il. Cette déprime économique s’est accentuée cette année avec un recul des ventes d’environ 15% en glissement annuel. Le Ramadan est venu s’ajouter à ces difficultés, ce n’est habituellement pas un mois propice au commerce. Les professionnels proposent d’ailleurs de nombreuses offres commerciales et rabais pour encourager la demande».

 

Une hausse des prix?
Côté prix, s’il est vrai que les prix des denrées alimentaires les plus consommées connaissent habituellement une hausse conjoncturelle au tout début du mois du Ramadan, selon Chammas, les circuits commerciaux finissent par s’organiser entraînant une baisse des prix par la suite.
Pour le président de l’Association des commerçants de Beyrouth, «hormis les produits de consommation courante et denrées qui garnissent les tables de l’iftar, l’activité commerciale est généralement en berne pendant le mois du Ramadan. C’est pourquoi les commerçants tablent sur un surcroît d’activités durant les mois qui le précèdent et le suivent».
Mais en réalité, selon tous les professionnels interrogés, c’est davantage la suite des événements sécuritaires et politiques, en particulier l’attentat contre le secteur bancaire, qui déterminera la qualité de la saison estivale 2016. «Dans un scénario optimiste, une saison acceptable d’un point de vue touristique et commercial est à prévoir», estime Nicolas Chammas. Dans un scénario plus négatif, il faudra s’attendre à une nouvelle baisse de l’activité entre 15 et 20%.

Soraya Hamdan

Ramadan: l’économie au ralenti
Outre l’absence de consommateurs, le Ramadan est une période toute particulière de l’année où l’ensemble de l’économie tourne au ralenti. Selon une étude de Bayt.com, si le moral des ménages augmente pour 80% des sondés durant ce mois, 74% estiment que l’activité tourne au ralenti. En effet, les horaires sont réaménagés dans de nombreuses entreprises comme dans un grand cabinet d’audit où les employés sont autorisés à terminer leur journée à trois heures de l’après-midi contre cinq le reste de l’année. «Les employés qui jeûnent sont fatigués et moins productifs, explique Sara, manager dans ce cabinet. Cela dit, nous avons des dates butoirs à respecter.Donc, Ramadan ou pas, nous devons rendre nos rapports. Il y a beaucoup d’employés qui continuent à travailler chez eux après l’iftar».

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