Projeté en clôture du mois de festivités qu’était le Spring Festival, Les frontières du ciel du Tunisien Fares Naanaa sort au cinéma Métropolis. Quand l’ordinaire est filmé de manière extraordinaire.
Le film Les frontières du ciel est composé en subtilité, presque en douceur, et son impact est d’autant plus retentissant. C’est l’histoire d’un couple, Sami et Sara, la trentaine, mariés depuis sept ans. Leur vie semble paisible, joyeuse, avec leur petite fille Yasmine. Sara est enseignante dans une école primaire et Sami architecte. Dès la première scène, un déjeuner avec des amis, au bord de mer, où les discussions s’enclenchent, à propos de tout et de rien, entre l’arabe et quelques mots de français. Une vie ordinaire qui se déroule. Mais un drame s’abat sur eux. Toute l’éloquence du réalisateur revient à ne jamais montrer expressément le drame en soi, mais à le suggérer, par l’ambiance qui, soudain, s’alourdit. Et le spectateur comprend, il a peur de comprendre, mais l’évidence est là.
Elle est là, dans la vie de Sami et Sara qui tentent, quelques mois plus tard, de se réconcilier avec la tragédie qui les a frappés. Le couple vole en éclats, là aussi en toute subtilité à travers la caméra de Fares Naanaa qui s’attache à mettre en scène, à filmer les émotions de ses personnages. Chaque plan, chaque séquence, chaque silence est chargé de l’intensité des émotions. Des émotions portées en toute intelligence par un duo d’acteurs magnifiques, Lotfi Abdelli et Anissa Daoud, chacun dans son interprétation particulière, dans la complexité de leurs personnages respectifs, lui engoncé dans une peine désespérée, elle, se débattant dans les ravages du malheur. Assistés par des acteurs secondaires tout aussi poignants, en tête Mouna Nourreddine dans le rôle de la mère de Sami.
Rien n’est superflu ou prétentieux dans Les frontières du ciel. Chaque séquence a sa place, porte et comporte une floraison d’idées, d’images, d’associations qui empoigne le spectateur. La trame essentielle ne se perd jamais, mais elle emprunte des chemins en lacets, bifurque au détour d’un sentiment, puis d’un autre, et un autre encore, croquant en toile de fond, la Tunisie, ses rues, ses ruelles, ses habitants, sa religion, perçus toujours du cœur de l’intimité d’un couple.
Les frontières du ciel est un film qui s’insinue en vous, lentement, progressivement, tissant une toile de sensations fortes, de plus en plus fortes à mesure que le temps passe, pour graver, intacts, inoubliables, ses scènes, ses tableaux plongés dans le gris des couleurs.
Nayla Rached
Cinéma Métropolis
A propos du réalisateur
Après des études secondaires, et motivé par sa passion du cinéma, Fares Naanaa intègre l’institut Maghreb Cinema «IMC» à Tunis, où il obtient son diplôme de réalisation en 1996. Depuis 1997, il occupe différentes fonctions en tant qu’assistant réalisateur, producteur, producteur exécutif et acteur dans plusieurs courts métrages et séries télévisées. En tant que réalisateur pour le cinéma, Fares Naanaa a, à son actif, trois courts métrages: Casting pour un mariage en 2004, Qui a tué le prince charmant? en 2005 et Coup de cœur en 2007. Les frontières du ciel, son premier long métrage de fiction, produit par CINETELEFILMS, fait sa première mondiale en compétition officielle aux Journées cinématographiques de Carthage 2015 et concourt pour le Muhr du meilleur film arabe dans la compétition internationale du Festival de Dubaï 2015.