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Nº 3033 du vendredi 25 décembre 2015

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La présidence en sursis. Frangié candidat «plus que jamais»

«Plus que jamais, je suis candidat à la présidence de la République». C’est en ces termes que le chef des Marada, le député Sleiman Frangié, a coupé court à toutes les spéculations concernant sa candidature, dans une interview télévisée de trois heures sur la LBCI.

Dans sa première interview télévisée en tant que candidat à la présidence de la République, Sleiman Frangié est apparu sous un jour différent. La spontanéité et cette manière toute particulière qu’il a de nommer les choses par leurs noms, auxquelles le leader zghortiote nous a accoutumés, avaient disparu. Quelle que soit la lecture ou l’interprétation de ses propos, selon le bord où l’on se place, ce que l’on en retient ce sont deux points: elle a approfondi le fossé qui le sépare du général Michel Aoun et dévoilé le profil sous lequel veut se présenter Sleiman Frangié en tant que futur locataire de Baabda, à savoir, celui d’un président consensuel, ouvert et, surtout, un président-citoyen. S’il a voulu dans cette entrevue s’adresser aux chrétiens du 14 mars pour les rassurer, il a en revanche suscité des inquiétudes auprès de ses alliés. En substance, pour le chef des Marada, après avoir appuyé pendant plus d’un an et demi la candidature du général Michel Aoun dont l’élection à la présidence semble de plus en plus improbable, il serait grand temps de songer à un plan B: Sleiman Frangié lui-même.
 

Président technocrate?
Des sources du 8 mars ont relevé dans l’interview du chef des Marada deux objectifs. Le premier celui d’attaquer le général Michel Aoun et le second de présenter des lettres de créance auprès de Saad Hariri et de l’Arabie saoudite. Des articles de presse ont même rapporté, citant Saad Hariri qui commentait l’interview qu’il avait suivie avec beaucoup d’intérêt, qu’il n’en demandait pas autant. On parle d’ailleurs déjà d’une prochaine interview de l’ancien Premier ministre, dans laquelle il rendrait la pareille à son candidat préféré. Selon les sources du 8 mars, les deux buts ont certainement été atteints, mais cela a eu pour résultat de faire reculer les chances de Sleiman Frangié d’accéder à la présidence. Ces sources révèlent également que des faits non exacts ont été rapportés concernant la coordination entre Sleiman Frangié et le secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah. Le chef des Marada a affirmé, à maintes reprises, avoir été encouragé par ses alliés à poursuivre ces négociations, mais il a omis de mentionner les mises en garde que lui aurait prodiguées le secrétaire général du Hezbollah contre les véritables intentions de Saad Hariri de semer le trouble dans la relation entre Aoun et Frangié, d’une part, et entre Aoun et les forces du 8 mars d’autre part.

 

Qu’en pense le 14 mars?
Sur un autre plan, ces sources ont également estimé que Frangié a voulu faire preuve d’ouverture, assurant qu’au cas où il serait élu président, il n’isolerait pas le chef des Forces libanaises Samir Geagea, alors qu’il n’a pas cessé, tout au long de l’entrevue, de tirer à boulets rouges sur le général Michel Aoun. Pour les responsables du 8 mars, le Hezbollah, qui n’a jamais cessé de brandir le slogan de l’interdiction d’isoler Michel Aoun, n’acceptera pas que le leader du Courant patriotique libre soit attaqué sous le couvert du «compromis présidentiel», surtout que la raison principale des attaques est son alliance avec la Résistance. Concernant l’approche stratégique des propos de Sleiman Frangié, ces responsables refusent sa conception de la présidence comme si celle-ci était une affaire de technocrate. Pour ces sources, le président de la République n’est pas élu sur la base d’un programme visant à assurer l’électricité ou à régler la question de la circulation ou la crise des déchets. Si c’était le cas, un président consensuel technocrate aurait été élu depuis longtemps. Sayyed Hassan Nasrallah aurait présenté au chef des Marada la conception d’un président qui serait l’émanation du résultat de la confrontation entre deux axes. C’est précisément cette bataille qui est le point de départ de l’appui du Hezbollah à la candidature du général Aoun. Ces sources ajoutent qu’il est vrai que le nom et le passé de Sleiman Frangié représentent une garantie politique, mais il n’est pas permis aujourd’hui sous le titre du consensus national, d’ignorer la bataille en Syrie et le rôle du Hezbollah, ainsi que les centaines de martyrs tombés pour défendre l’existence du Liban et de la Syrie.
A leur tour, des sources du 14 mars ont confié que le chef des Marada Sleiman Frangié a réussi, au cours de son interview, à faire tomber la vision du général Aoun «Moi ou personne», non seulement en se présentant comme un candidat sérieux, mais surtout par son insistance à rencontrer l’autre à mi-chemin. C’est ce que Aoun, pour ces mêmes sources, n’a jamais fait dans son dialogue avec Saad Hariri. Elles ajoutent que Frangié s’est mis en compétition avec Aoun après avoir réussi à s’adresser au 14 mars, qui a subi un choc avec le soutien de Hariri à la candidature de Frangié. Ce serait encore trop tôt de brûler les étapes. Il faut patienter en espérant que le Hezbollah réussisse à convaincre le général Michel Aoun qu’il n’a pas de chance et que la majorité parlementaire commence à pencher en faveur de Frangié.
Selon les observateurs, la candidature du chef des Marada est gelée pour le moment. La bataille présidentielle entre les deux alliés Aoun et Frangié a provoqué une profonde blessure entre les deux hommes. Le rôle du Hezbollah serait désormais de colmater la brèche entre Rabié et Bnechaï. Pour les milieux du 8 mars, à la lumière de l’équilibre des forces régionales, le prochain président du Liban ne serait pas en dehors du 8 mars. La position du Hezbollah reste toujours la même. Il continue à appuyer le général Michel Aoun après la déclaration de la candidature de Sleiman Frangié. Quant au général Aoun, il garde toujours le silence. Un silence qui en dit long…

Joëlle Seif
 

Les trois scénarios présidentiels possibles
A l’ombre des dernières évolutions sur la scène locale, le dossier présidentiel, en cette fin d’année, s’achève sur plusieurs alternatives. Selon des milieux parlementaires, trois scénarios sont possibles. Le premier serait que l’initiative de la candidature de Sleiman Frangié suive son cours pour atteindre plus d’entente en vue de parvenir à son élection à la présidence. Cette candidature a besoin de temps pour mûrir après l’apparition de plusieurs obstacles, en particulier sur la scène maronite. Certains voient en Sleiman Frangié un président en sursis en attendant les concertations qui auront lieu dans les prochaines semaines, surtout celles concernant le «le panier complet». Si Saad Hariri annonce officiellement la candidature de Frangié, cela aurait pour résultat d’embarrasser les opposants à cette candidature et pousserait vers un dénouement des obstacles. Le second serait de renflouer la candidature du général Michel Aoun, en particulier du côté des forces du 14 mars. Selon les observateurs, la tâche de faire changer d’avis les opposants à la candidature de Aoun, notamment Saad Hariri et Samir Geagea, serait difficile à moins que le veto saoudien ne soit levé, ce qui semble fort improbable. D’ailleurs, la levée de ce veto contribuerait à affaiblir l’ancien chef du gouvernement après son initiative d’adopter la candidature de Frangié. Le troisième choix serait une prolongation de la vacance présidentielle au cas d’échec de cette initiative. Ce vide pourrait conduire, dans une étape ultérieure, à la tenue d’une constituante.

Entre le bey et le sayyed: le vrai du faux
C’est avec beaucoup de courtoisie et plein d’égards que le secrétaire général du Hezbollah a reçu le député de Zghorta. Mais malgré l’ambiance chaleureuse, sayyed Hassan Nasrallah a clairement expliqué à Sleiman Frangié qu’il rejetait le compromis, que son unique candidat reste Michel Aoun, et qu’il n’était pas question pour lui d’exercer des pressions sur le général pour le pousser à se retirer. Il lui aurait dit: «Lorsque nous avons déclaré que le général Aoun était notre candidat et le passage obligatoire pour la présidence, nous pensions ce que nous disions et nous sommes tenus par ces propos. Ceci est un engagement moral, politique et religieux envers notre public et envers tous ceux qui nous écoutent. Nous sommes loyaux envers nos amis et nos alliés. Nous avons donné notre parole au général Aoun et nous ne nous rétracterons pas». Frangié aurait demandé au sayyed jusqu’à quand va-t-il continuer à appuyer la candidature de Aoun, alors qu’il est toujours refusé par l’autre bord et si la Résistance avait un plan B. Le député de Zghorta aurait réitéré son appui au général Aoun, mais aurait demandé ce que serait l’alternative en cas d’impossibilité à élire Aoun et qu’il avait lui-même des chances d’être élu. Sayyed Hassan Nasrallah aurait expliqué à Frangié que l’initiative de Hariri et son timing suscitaient beaucoup de points d’interrogation. Pourquoi Frangié serait-il accepté et Aoun refusé? Quel serait le prix à payer en échange de l’élection de Frangié? Pour le Hezbollah, la balle est toujours dans le camp de Saad Hariri tant que celui-ci n’a pas adopté officiellement la candidature du chef des Marada. Des sources du 8 mars se demandent pourquoi donner à Hariri le privilège de nommer un président alors qu’il est vaincu? Aujourd’hui, l’équilibre des forces dans la région penche en faveur du Hezbollah et l’axe qu’il représente. Celui qui a accepté Frangié aujourd’hui, acceptera sous peu Aoun. La question n’est pas dans l’élection de Frangié mais dans le prix de celle-ci, c’est-à-dire le retour de Hariri à la tête du gouvernement. Alors que pour le Hezbollah, le prix serait un «lot complet» dans lequel figure une nouvelle loi électorale, basée sur la proportionnelle.

Joëlle Seif

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