Magazine Le Mensuel

Nº 2993 du vendredi 20 mars 2015

general

Živeli. Habib Alberto: 29 ans de violon en 33 ans

Son premier amour fut à l’âge de quatre ans. C’est alors que, tout jeune, il découvre ce dont il ne se séparera jamais: le violon. Habib Alberto, ce musicien et compositeur libanais dont tout le monde parle, a ébranlé les esprits des Libanais par son nouveau clip intitulé Živeli.
 

Vous l’avez sûrement rencontré une fois au moins dans votre vie en longeant les allées de ces gigantesques centres commerciaux libanais. Il était là, assis, debout, en l’air, son violon à la main, faisant trembler les murs par les vibrations grinçantes et mélodieuses des cordes de son «instrument». A Vienne, à Belgrade et partout dans le monde, il enchante les orchestres amateurs, professionnels, nationaux et internationaux, les rois, les reines, les chefs d’Etat et le commun des mortels. Mais c’est à Belgrade, en Serbie, que Habib Alberto a puisé sa passion et son inspiration.
 

Živeli ou la passion illusoire
C’est au rythme chaleureusement langoureux du duduk, ce hautbois arménien, que Živeli débute. Ce choix n’est pas anodin. «J’ai voulu, à travers cette alternative, inviter toute personne, amatrice de violon ou pas, à pénétrer mon monde», déclare l’artiste. Renonçant à toute prudence, la musique de Habib Alberto se fraie un chemin pour envahir l’espace humain, pour renverser les obstacles, mériter son désir sans pour autant se l’approprier. Živeli raconte l’histoire d’un égarement qui guérit de l’ennui, d’une passion qui se laisse consumer sans pour autant être consommée. C’est donc sous le flot harmonieux du duduk qu’une gitane couverte de rouge et de noir verse une larme. Ce n’est que lorsque cette larme effleure le sol, que nous plongeons réellement dans l’univers du musicien. Il est seul avec son violon, dont les formes évoquent les courbes féminines. Habib Alberto le manipule avec une sensualité qui «met plus de passion à obtenir ce qu’ [elle] n’a pas qu’à conserver ce qu’ [elle] a». Ils se connaissent sans le savoir et se cherchent sans le vouloir. L’œil de la caméra qui filme la scène tourbillonne autour de l’artiste pour donner une impression de vertige au spectateur. C’est lorsque la gitane sort de sa «cachette», que Habib Alberto se sent poussé, dans Živeli, par une «sombre folie» qui l’entraînera vers cette inconnue. Son esprit, enlevé par les tumultes de son désir, se laisse capturer par le mystère. Sur son cheval noir, Habib Alberto parcourt la forêt, aux arbres dénudés, et traverse l’allée de ses envies profondes, à une vitesse saccadée par les coups de violon. La foudre de la passion le mène dans un endroit où une ronde de danseurs l’accueille. Ces derniers «tournent plus vivement que jamais» autour du violoniste qui, descendu de cheval, ne distingue plus personne «dans l’éblouissement que lui [envoient] ses yeux». A l’intérieur d’un bar, des hommes et des femmes dansent, chantent et boivent: «Živeli!» (qui veut dire «cheers» en serbe), répètent-ils en chœur. Au centre de la pièce, une femme assise qu’illuminent des bougies se retourne vers lui. A la vue de Habib entrant dans le bar, elle se lève et monte sur la table. Il en fait de même. Vêtue de la même robe que celle de la première scène, la gitane ne laisse entrevoir qu’une partie de sa jambe, stimulant ainsi l’imagination du violoniste et du spectateur. Ses pas de danse et les mouvements de son corps accentuent la tension qui met en feu les deux protagonistes. Ces derniers sont assez proches l’un de l’autre, mais ils ne se toucheront jamais. A l’arrêt de la musique, ils se regardent violemment. La scène s’achève avec le glissement d’une larme le long d’un mur.

 

Natasha Metni

Qui est Habib Alberto?
Il a pour métier sa passion. Né en 1982, Habib Alberto est le cinquième enfant d’une famille qui a vécu la guerre. Le 4 mars 1986, Alberto prend son premier cours de violon sous les bombardements et au milieu des horreurs de la guerre. De nos jours, les hommes tendent à se sacrifier pour des passions qu’ils n’ont pas. «Je trouve cela bien triste», déclare Habib Alberto. Les Libanais doivent comprendre que la musique et le sport ne sont pas des «activités». Ce sont des domaines essentiels et indispensables à la vie de chacun parce qu’ils permettent d’acquérir une certaine discipline.

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