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Nº 3038 du vendredi 29 janvier 2016

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Ibrahim Kanaan, député CPL du Metn. «On ne peut plus outrepasser la volonté des chrétiens»

Le député Ibrahim Kanaan n’est pas un homme qui baisse les bras devant les difficultés. Son dernier succès, un accord historique avec les Forces libanaises, né après des mois de négociations qui, souvent, duraient jusqu’au petit matin. Entre le général Michel Aoun et le Dr Samir Geagea, une nouvelle page s’ouvre. Magazine a rencontré le député du Metn.
 

Jusqu’au dernier moment, personne ne croyait vraiment que Samir Geagea soutiendrait la candidature du général Michel Aoun. Faisiez-vous partie des sceptiques?
Dès le départ, j’étais fermement convaincu que la situation des chrétiens ne pouvait s’améliorer sans que les chrétiens n’apprennent eux-mêmes à se comporter différemment. A un moment donné, il faut savoir tourner la page. Je sais que la guerre a été douloureuse et a laissé de profondes blessures. Cela est un fait. Tous les pays ont connu cette situation et ils ont fini par se réconcilier. Aujourd’hui, nous faisons la guerre pour faire la paix. Le fort est celui qui sait faire la paix. Toute cette polémique, aujourd’hui, ne sert à rien. Il y a un temps pour la guerre et il y a un temps pour la paix. Un véritable leader est celui qui sait faire la paix après une guerre. J’avais la conviction que j’allais aboutir à un accord. Michel Aoun et Samir Geagea ne seraient pas les leaders qu’ils sont s’ils n’avaient pas la capacité de saisir le message et de réagir, lorsque leur action assure les intérêts de leurs peuples. Il existait un souci partagé entre les deux parties, mais il était difficile à consolider. La force des chrétiens aura des répercussions sur eux tous, quel que soit l’endroit où ils se trouvent.

Cet accord est interprété de différentes manières. Certains le voient dans l’intérêt des chrétiens et d’autres comme une manœuvre de Samir Geagea pour écarter Michel Aoun et coincer le Hezbollah.
Cet accord va au-delà d’une simple réconciliation. C’est une nouvelle vision des chrétiens du projet national. C’est une évaluation de toute la période passée. Nous avons tiré les leçons et les avons traduites dans un accord spécifique. Cet accord est solide car il n’est pas construit uniquement sur l’échéance présidentielle. Quant à ceux qui le conçoivent comme une manœuvre de Geagea, j’estime que c’est la logique de l’absurde. Si Samir Geagea appuie le candidat soutenu par le Hezbollah depuis plus d’un an et demi, comment peut-il le coincer? Il ne peut le faire que dans le cas où cet appui n’est pas sérieux. Cette logique est absurde. En réalité, c’est Saad Hariri qui a coincé le Hezbollah en adoptant la candidature de Sleiman Frangié. Au contraire, nous sommes face à l’instant de vérité. Samir Geagea a rendu service aux chrétiens en appuyant la candidature du général Aoun. C’est la première fois dans l’histoire du Liban qu’un chrétien fort appuie un autre chrétien fort. Sleiman Frangié déclarait que si Aoun est le seul à pouvoir être élu, je l’appuierai. La seule façon par laquelle Aoun pourrait être écarté de l’équation présidentielle, c’est au cas où ceux qui prétendent l’appuyer ne le font pas véritablement. Si les chrétiens ne réussissent pas à affirmer leur présence de manière effective, ils ne pourront plus jamais le faire à l’avenir. C’est maintenant ou jamais.

Dans trois interviews successives, Samir Geagea a placé la balle dans le camp du Hezbollah…
Samir Geagea a appuyé le général Aoun à la présidence de l’Etat. Nous avons confiance dans la position du Hezbollah qui a, à maintes reprises, fait part de son appui à Aoun. A aucun moment, nous n’avons reçu le signal d’un changement dans son attitude.  

Cet accord a-t-il une couverture régionale? Samir Geagea a-t-il reçu un feu vert américain?
Je n’en sais rien. Mais ce qu’il a fait est très courageux. Cet accord est une initiative chrétienne libanaise. Nous serions heureux d’accueillir des réactions favorables venant de tous bords, mais je le répète, ceci est une affaire interne. Nous voulons rassurer les parties étrangères, mais nous n’avons pas à les mêler dans nos affaires nationales.

Quelle est la position de l’Arabie saoudite? Est-il vrai qu’il y a un veto sur le général Aoun?
Nous n’avons pas connaissance d’un veto, du moins à ce jour. La présidentielle est une affaire libanaise. Nous ne discutons pas nos affaires internes avec n’importe quelle partie étrangère. Toutefois, nous voulons de bonnes relations avec tout le monde, surtout avec les pays arabes auxquels nous sommes liés par la Charte de la Ligue arabe. Nous avons une vision commune avec les Forces libanaises qui devrait rassurer l’intérieur et l’extérieur.

Les dix clauses énumérées par Samir Geagea ont-elles été adoptées par le général Aoun? A-t-il fait des concessions?
Le général Aoun n’a fait aucune concession. Il a toujours été au cœur de ces dix clauses qui sont la raison d’être du Courant patriotique libre. Son passé en tant que commandant en chef de l’armée, puis chef de gouvernement a toujours été intimement lié à ces clauses.

D’après vous, qui a le plus gagné dans cet accord, les Forces libanaises ou le Courant patriotique libre?
C’est le Liban et les chrétiens qui ont gagné. Les chrétiens vont pouvoir ainsi améliorer leur représentation dans les administrations publiques. Dorénavant, on ne peut plus passer outre les chrétiens. Grâce à cet accord, on ne peut plus désormais jouer sur les contradictions entre eux. Le général Aoun a gagné en ramenant à sa candidature la grande majorité des chrétiens, en attendant que les autres le rejoignent également. Nous tendons la main à tout le monde. Samir Geagea, quant à lui, a contribué à renforcer cette dynamique et à améliorer la situation des chrétiens. Les deux hommes ont tourné la page douloureuse du passé, une page qui pesait sur eux et sur toute la communauté. Ils ont récupéré le rôle des chrétiens.

Qu’en est-il de la loi électorale?
Désormais, il y a un avant 18 janvier et un après 18 janvier. Comme nous avions créé la surprise ce jour-là, nous préparons une autre surprise bientôt pour les chrétiens et tous les Libanais, car notre but, après la présidentielle, est la loi électorale. Nous aurons une approche commune qui ne menace pas la coexistence et qui assure une réelle parité.

On parle d’alliance électorale entre le CPL et les FL surtout dans les législatives et les municipales…
Tout est possible, mais rien n’est encore définitif.

Que pensez-vous du silence du Hezbollah?
Le Hezbollah a gagné la confiance des gens grâce à sa crédibilité. Que serait-ce alors dans ses relations avec ses alliés? Nous avons totalement confiance dans la position du Hezbollah affichée à maintes reprises et récemment encore sur le perron de Bkerké. C’est à lui de décider du moment où il commentera ce qui s’est passé à Maarab. Nous avons une longue relation avec lui basée sur la confiance et la transparence.

Que se passera-t-il à la séance du 8 février?
Elle peut être témoin de l’élection du général Aoun à la présidence. Elle devrait être la concrétisation des propos tenus. Saad Hariri avait demandé aux chrétiens de se mettre d’accord, Nabih Berry avait dit que si les chrétiens s’entendaient, comme un «bulldozer», il procéderait à l’élection. Sleiman Frangié avait affirmé que si les chances du général s’améliorent, il se tiendra à ses côtés. Il est temps de traduire les paroles en actes. Si les intentions sont bonnes, on peut même l’élire avant le 8 février. Rien n’empêche cela. Pourquoi attendre? Le problème c’est que beaucoup avaient misé sur les différends entre les chrétiens et personne ne croyait à ce qui s’est passé.

Qu’allez-vous faire en ce qui concerne Sleiman Frangié?
Nous poursuivrons nos contacts avec lui et les autres.

Que pensez-vous de la position du président Berry?
Lorsque Nabih Berry brandit le pacte national, ceci signifie le respect de la volonté des chrétiens. Quel message adressera-t-on aux chrétiens si leur volonté n’est pas respectée? Depuis plus de 25 ans, on nous demande de nous unir. Maintenant que c’est chose faite, personne ne peut outrepasser la volonté des chrétiens. Il est très dangereux de ne pas tenir compte de cet accord. Ce serait un message négatif adressé aux chrétiens.
 

Propos recueillis par Joëlle Seif

Dans les coulisses
Le député Ibrahim Kanaan a offert à Samir Geagea l’icône de la Résurrection. Face à l’interrogation de Geagea, Kanaan lui a expliqué: «Cette icône représente la résurrection des chrétiens et c’est ainsi que notre accord doit être conçu».
A la fin de la conférence de presse, Samir Geagea a tenu à prendre une photo avec le général Michel Aoun, à leurs côtés Ibrahim Kanaan et Melhem Riachi en reconnaissance de leurs efforts.
Réunis dans le bureau de Samir Geagea, en attendant l’arrivée du général Aoun, le ministre Gebran Bassil a donné aux personnes présentes une recette miracle sur les bienfaits d’une boisson composée de gingembre et de miel.

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