Magazine Le Mensuel

Nº 3041 du vendredi 19 février 2016

POLITIQUE

En attendant Alep. Les trois scénarios de la présidentielle

Il est désormais clair que la présidence de la République se limite à deux candidats, appartenant à la ligne du 8 mars quoique, ironie du sort, la candidature de chacun des deux ait été proposée par le camp adverse. Face aux dernières évolutions dans ce dossier, trois scénarios se présentent.

Le premier scénario serait le retrait de la candidature de Sleiman Frangié. De cette manière, le général Michel Aoun deviendrait le seul candidat. Dans ce cas, le Courant du futur n’aurait plus d’autre choix que celui de l’appuyer ou de s’abstenir. Les tenants de cette opinion estiment que depuis la réconciliation de Maarab et l’appui de la candidature de Aoun par Samir Geagea, la balle est désormais dans le camp du Hezbollah, puisque les deux candidats sont ses alliés. Les partisans de cette thèse avancent que si le Hezbollah voudrait réellement l’accession du général Michel Aoun à la présidence, il devrait le prouver en convainquant son allié Sleiman Frangié de se retirer. S’il est facile de comprendre que le Hezbollah n’intervienne pas auprès du président Nabih Berry, en raison de la marge de manœuvre dont ce dernier bénéficie, il est en revanche difficile de comprendre et de justifier son attitude auprès de Frangié. Toutefois, certains voient cette approche très simpliste. D’une part, le Hezbollah ne serait pas prêt à exercer une pression sur Sleiman Frangié et ne traite pas ses alliés de cette manière. D’autre part, le retrait de Frangié ne signifie pas l’élection de Aoun. Rien ne garantit, en effet, que si Frangié se retire, Hariri votera pour le leader du CPL. Si le député de Zghorta bénéficie de l’appui et des voix du Courant du futur, en revanche, il n’a pas le pouvoir de transférer ces voix à quelqu’un d’autre.
Tout cela veut dire que la présidence n’est plus dans le camp du Hezbollah, mais dans celui du Futur. Ceux qui réclament au Hezbollah de faire pression sur Frangié devraient, au contraire, demander à Saad Hariri de renoncer au leader des Marada et d’adopter la candidature de Aoun.
Le deuxième scénario consiste dans l’appui de la candidature de Aoun par Saad Hariri. En d’autres termes, que Hariri renonce à Frangié et reprenne son dialogue avec Aoun, qui a toujours manifesté le désir d’obtenir les voix sunnites. Cette option est en train d’être discutée au sein du Futur et quelques-uns commencent à en être convaincus. Ils considèrent cela un choix réaliste pour plusieurs raisons: le choix est entre Aoun et Frangié et les chances de ce dernier sont faibles tant que le Hezbollah continue à appuyer Aoun et qu’un bloc chrétien contre Frangié s’est formé. De plus, la majorité chrétienne doit être prise en considération lorsqu’il s’agit d’une échéance qui concerne principalement les chrétiens. Cette majorité est représentée par Aoun et Geagea sur le plan parlementaire, ainsi que sur le plan politique et populaire. Si cette majorité est incapable de faire parvenir son candidat à la présidence de la République, à l’instar des sunnites et des chiites dans la présidence du Conseil et de la Chambre, elle se dirigera vers la recherche d’un nouveau système politique, comme alternative à Taëf. Ensuite, le temps ne joue pas en faveur du Courant du futur, surtout que les développements en Syrie se dirigent vers un règlement militaire et la solution politique sera en fonction des nouvelles donnes. Ce qui signifie que les solutions et les choix possibles aujourd’hui sont meilleurs que ceux qui se présenteront dans l’avenir.
Le troisième scénario consiste à garder la situation telle quelle. Après que l’échéance présidentielle eut été bloquée entre Aoun et Geagea, elle le sera désormais entre Aoun et Frangié, jusqu’à ce que l’un deux se retire ou que la voie soit ouverte vers un troisième candidat, qui ne ferait pas partie des quatre pôles chrétiens. Certains avancent que le Courant du futur n’est pas pressé de régler la vacance présidentielle tant que le gouvernement et son président remplissent celle-ci. De son côté, le Hezbollah n’est pas, non plus, pressé. Sa bataille ne se situe pas au Liban, mais en Syrie. Il attend l’issue de la bataille d’Alep qui est décisive. C’est elle qui déterminera l’avenir de la Syrie et lui permettra de trancher ses options au Liban.

Joëlle Seif

Le Hezbollah voit grand
Si le Hezbollah estime que la présidence de la République est désormais dans sa poche, il considère, en revanche, que la présidence du gouvernement n’est pas dans celle du Futur. Le Hezb pense que, dans quelques mois, il ne sera pas seulement en mesure de choisir un président de la République, mais un chef de gouvernement aussi. C’est pour cette raison que sayyed Hassan Nasrallah a renoncé à l’idée du compromis global. En d’autres termes, l’élection de Michel Aoun à la présidence ne signifie pas le retour de Saad Hariri à la tête du gouvernement, la présidence de la République est une chose et celle du gouvernement en est une autre.

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