Du 1er au 7 octobre, s’est déroulée la troisième édition de la Beirut Photo Fair, à l’Artheum. Plus d’une vingtaine de photographes, à majorité libanais, exposent la diversité d’un médium artistique en perpétuelle évolution…
Une foire de la photographie qui ne porte de la foire que le nom. Des photos documentaires, proches du reportage journalistique, des photos de paysages, des compositions, des photos abstraites ou conceptuelles, des photos ludiques, il y a de tout dans cette 3e édition de la Beirut Photo Fair. Il est certes malaisé, en ces temps difficiles, de proposer une plus grande variété de l’art ou de l’industrie photographique, autant qu’on le voudrait ou qu’on aspirerait à le faire. La volonté y est, sûrement, mais les moyens manquent. Pourtant, même dans ces conditions, ou peut-être en raison de ces conditions, il est agréable, voire intéressant et enrichissant, de se laisser aller à se faufiler, le regard en éveil et la curiosité aiguisée, à travers les larges couloirs de l’Artheum.
Plus d’une vingtaine de photographes, essentiellement du Liban, mais aussi de pays différents (Japon, France, Finlande, Belgique, Canada…), sélectionnés par l’équipe de l’Artheum, donnent à voir leur univers, ou une partie de leur univers photographique. Ce qui frappe, à première vue, c’est la disposition des «espaces particuliers», un pan de mur consacré à chaque photographe lui permettant d’avoir une visibilité singulière, tout en s’insérant dans la vue d’ensemble proposée. Chaque recoin est exploité, dans un agencement d’espace ouvert ou d’un coin plus isolé, conviant le visiteur à pousser son regard encore plus loin. L’objectif est clair: jeter un coup de projecteur sur les nouveaux talents et attirer l’attention sur cette expression artistique, ce médium visuel, qu’est la photographie, cruciale et pourtant méconnue ou encore mal connue. Que ce soit pour célébrer la photographie contemporaine ou le talent et la créativité de ceux qui la produisent, la Beirut Photo Fair se veut comme une plateforme pour les talents, qu’ils soient confirmés ou émergents, de toutes les formes que revêt ou peut revêtir la photographie. D’autant plus qu’avec la foudroyante évolution technique et technologique, les frontières se perdent et se dissolvent, entre le professionnel, l’amateur et le dilettante.
C’est exactement cette ambiance générale qui enveloppe la 3e édition de la Beirut Photo Fair, qui propose des noms connus sur la scène locale et des nouveaux venus: Tamara Saadé, Lara Zankhoul, Joyce Hatem, Charbel Bouez, Nada Raphaël, Karim Habet, Christina Malhoun, Lyna Comaty, Georges Abou Adal… Mais aussi Jean-Marc Carraci, Tom Schutyser, Rob Hocking, Ulla, Reppo…
Très peu de nouveautés, de renouveau ou d’innovation, et peut-être même un manque d’audace, du moins dans la globalité des œuvres. Des instantanés, des clichés ou des œuvres travaillées, manipulées, métissées, les photographies se laissent voir, se laissent contempler. Parfois avec froideur, un certain détachement. Des fois, la curiosité piquée face à une interrogation technique, conceptuelle, numérique ou ludique. D’autres encore, le sourire qui se dessine face à la vie. Et ces photographies qui intriguent, qui interrogent, qui captent le regard, que ce soit par leur approche architecturalement culturelle ou par le merveilleux équilibre qu’elles effectuent entre l’esthétique et le conceptuel, à tel point qu’on dirait une toile, une mise en scène, une pause qui se fige pour devenir idée. Au-delà de la disparité, judicieusement mise en scène, l’ensemble de l’exposition, de la foire plus justement, tonne comme un souffle frais dans la moisissure ambiante.
Dans la salle adjacente à l’Artheum, au cœur de l’Art Lounge, la Beirut Photo Fair propose, belle initiative, la projection de plusieurs films relatifs à la photographie. Encore sous l’impact du documentaire Les grands courants (Arte Edition), la visite de l’exposition se mue en interrogations continues, continuelles, en envie de plonger encore et encore au cœur de la photographie, son histoire, son évolution, ses moments clés, sa diversité, au cœur de cet instant précis, de «cet instant décisif», comme l’appelait Henri Cartier-Bresson. Et ses mots résonnent encore: «En photographie, la création est la courte affaire d’un instant, un jet, une riposte, celle de monter l’appareil à la ligne de mire de l’œil, de happer dans la petite boîte ce qui vous a surpris, saisir au vol sans tricherie, sans laisser rebondir. On fait de la peinture, tandis que l’on prend une photo». Les interrogations sont relancées…
Nayla Rached