Des alliances qui se font et se défont et une séance plénière de la Chambre, largement contestée par les principales composantes chrétiennes, étaient au centre d’un entretien de l’ancien ministre Salim Jreissati recueilli par Magazine.
Alors qu’on s’attendait à une entente sur l’élection d’un président, le Courant patriotique libre et les Forces libanaises s’accordent sur une attitude négative vis-à-vis de la séance parlementaire législative…
La précipitation des événements et l’enjeu des défis lancés contre la composante chrétienne du peuple libanais, le dernier étant une séance parlementaire en l’absence de cette composante, ont accéléré le processus de mise en œuvre d’une vision commune des choses, notamment au niveau de ce qu’on a appelé la législation d’urgence, ou de nécessité en cas de vacance de la présidence, et plus encore, un rapprochement au niveau de la conception du régime électoral le mieux adapté aux besoins d’une représentativité juste et équitable de tout le peuple libanais, selon les accords de Taëf. Il n’est pas vrai que la déclaration d’intentions ne règle, que par le bas, les différends entre le CPL et les FL. C’est loin d’être une simple anesthésie locale de nos maux existentiels. Par exemple, le texte du projet de loi de la récupération de la nationalité libanaise est commun aux deux partis.
Etes-vous d’accord sur une même loi électorale, alors que vous êtes rivaux?
La loi électorale nous sépare aujourd’hui, mais étant donnés les défis que la composante chrétienne subit dans ce pays, à commencer par le fait qu’il ne semble plus que cette composante fasse partie du pacte de cohésion nationale, rien n’empêche de développer une vision commune de la loi électorale. La rivalité électorale est une chose et la justesse de la représentativité des chrétiens en est une autre.
Le refus de participer à la séance parlementaire est-il une position de principe, alors qu’il est difficile d’organiser des élections législatives?
Je ne suis pas d’accord sur cette façon de voir les choses. Cela fait plus de 25 ans que nous attendons une loi électorale qui réponde aux critères de Taëf. Ce qui a déclenché notre mouvement c’est la reconduction à deux reprises du mandat de ce Parlement pour des raisons qui ne sont pas fiables. Voilà pourquoi c’est bel et bien une revendication de fond. Il faut adopter une loi électorale qui puisse mettre à jour une représentativité des chrétiens du Liban et celle d’autres composantes de ce pays. Ces revendications ne sont pas sectaires ou confessionnelles mais nationales, puisqu’elles se font dans le sillage de Taëf.
Y a-t-il une remise en question de l’alliance entre le CPL et le Hezbollah?
Non. Il n’est pas question de remettre en question des alliances de ce genre, qui ont prouvé leur pérennité et leur utilité nationale. Il est évident que ces ententes subissent des entorses sérieuses, mais ceci renforce chez nous et chez notre allié, le Hezbollah, une volonté commune de parer aux éventualités de dysfonctionnement ou de discorde qui ne peuvent être que préjudiciables à nos institutions constitutionnelles et à la cohésion nationale. Aujourd’hui, cette alliance n’est pas au rendez-vous pour éviter une séance du Parlement dans le but de légiférer en dehors des principales composantes chrétiennes. Mais ceci ne veut pas dire que ces alliances tomberont ou risquent de s’effondrer puisque nous prenons en compte les contraintes de l’une et l’autre partie.
Que pensez-vous de la position du patriarche Béchara Raï?
Je ne peux pas dire que Sa Béatitude est à l’instar du cardinal Nasrallah Boutros Sfeir un fervent défenseur de la clarté tranchante. Le patriarche Raï est un maître dans l’art de la nuance. Mais il nous a habitués que dans les moments critiques que traverse le pays, il peut s’ériger en défenseur des valeurs de notre entente nationale et, surtout, du vivre ensemble.
Qu’en est-il de l’alliance avec Sleiman Frangié?
Elle est certainement mouvementée. Mais je peux affirmer, sans aucune ambiguïté, que l’alliance de Sleiman Frangié avec le Bloc du Changement et de la Réforme tient le coup tant que le général Michel Aoun et Sleiman Frangié ne s’en départissent pas. Le chef des Marada a déclaré, à diverses reprises, n’avoir qu’un seul candidat à la présidence, le général Aoun. Il est vrai que le général arrondit souvent les angles et qu’il s’explique parfois des attitudes discordantes par une volonté de garder une certaine marge d’indépendance avec les Marada, comme tel est le cas pour cette fameuse séance plénière. Les Marada et le CPL ne sont pas simplement des alliés de passage. Cette alliance participe de la stratégie libanaise et régionale.
Propos recueillis par Joëlle Seif