Magazine Le Mensuel

Nº 3028 du vendredi 20 novembre 2015

Événement

De l’île de Ré au Liban. Le sel dans tous ses états

Noha Baz était au rendez-vous du Salon francophone de Beyrouth pour annoncer le gagnant du prix Zyriab et lui remettre le trophée. L’idée d’un prix littéraire récompensant un livre de gastronomie était essentielle pour une pédiatre qui a fait de la cuisine sa passion. Préparer les mets et rassembler des amis autour d’une table conviviale pour des moments d’échange est une tradition familiale pour Noha Baz qui a appris de sa mère la cuisine européenne, les recettes alépines de sa famille paternelle et qui maîtrise à merveille la table libanaise. Tout cela se ressent dans ce prix Zyriab.

 

Et le vainqueur est… Le sel de Ré, du marais à la table. Ouvrage magnifique de Stéphane Bahic pour les éditions du Contrepoint.

Livre de cuisine atypique et attrayant par la qualité de ses photographies aussi bien qu’alléchant par les recettes de grands chefs, mais aussi par l’attachement à l’être humain réalisé à travers des portraits des sauniers de l’île de Ré, réalisés en noir et blanc avec une perfection qui ne peut laisser indifférent. Ces hommes et femmes récoltent, depuis des générations, selon un savoir-faire si particulier, le sel, trésor caché de l’île de Ré. L’auteur Stephane Bahic entraîne son lecteur à la découverte des marais, du sel et des chefs qui subliment un condiment qui fait partie d’un patrimoine gastronomique maritime. Le sel de Ré fait rêver.

Et pourtant, bien que consommé tout le temps, on imagine mal, voire pas du tout, le travail qu’il demande d’assaisonner nos plats avec ces minuscules grains miroitants… de ces diamants comestibles.

«Le sel des marais salants accompagne toutes nos recettes de la mer. Il s’adapte à elles, il sait jouer de la discrétion, exhaler ses arômes à la dégustation, exploser en bouche en note de tête finale…», déclare l’auteur.

Photographe professionnel spécialisé dans le culinaire, mais aussi dans beaucoup d’autres domaines, Stéphane Bahic valorise ces petits grains cristallins et leur beauté, ainsi que les êtres humains qui leur sont attachés. «Il fallait se plonger dans le marais jusqu’au cou pour en extraire les rites qui y sont rattachés (le chariot en clôture de saison estivale) et laisser parler ces hommes et femmes de marais».

Stéphane Bahic, parti à leur rencontre, nous dévoile leurs secrets dans cet ouvrage qui en impose tant par son volume que par la beauté des photos qui y sont compilées illustrant les phrases.

Après l’histoire, place à la pratique avec les recettes de grands chefs! Elles puisent les saveurs emblématiques de l’île de Ré: la pomme de terre, les huîtres, les plantes sauvages des marais (obione, mauve sylvestre, asperge sauvage…).

L’éditeur, Mathieu Chévara, a représenté l’auteur à la remise des prix – tenue à Beyrouth au Salon du livre le 1er novembre 2015 – celui-ci ne pouvant se libérer de ses obligations parisiennes. Chévara déclare avoir eu beaucoup de plaisir à participer à la concrétisation de ce projet. «Stéphane, dit-il, avait déjà commencé la recherche quand il est venu nous voir pour nous parler de son idée. Des milliers de photos avaient déjà été prises. Il a fallu beaucoup de temps pour arriver à tout compiler et consulter pour en retenir le meilleur et mettre en place la trame du livre. Il a fallu plus de quatre ans pour que se concrétise le projet et pouvoir enfin trouver le livre à la devanture des libraires», confie-t-il.

Mais Le sel de Ré n’a pas été le seul ouvrage récompensé par le jury! Impossible pour lui de passer à côté des mots culinaires sublimés dans l’ouvrage Savourer la vie de Guy Savoy chez Flammarion qui a reçu le prix spécial du jury.

Le chef étoilé a décidé de rassembler et d’écrire ses souvenirs dans un livre, d’abord comme il l’explique dans la presse, pour une raison de circonstances! «Le transfert de mon restaurant à la Monnaie de Paris a été retardé de trois ans. J’ai donc voulu positiver pour gérer au mieux cette attente!». Mais aussi par désir de faire un point.

Noha Baz a insisté, à l’occasion de la remise des prix, que «le jury ne pouvait pas rester indifférent aux écrits de Guy Savoy, qui entremêlent avec magie les ingrédients de ses recettes».

La cuisine fait partie intégrante de la vie libanaise. Manger est un plaisir qui se partage en famille, entre amis. Récompenser un livre culinaire francophone dans le cadre du salon du livre qui se tient chaque année à Beyrouth était, il est vrai, une obligation culturelle!

Anne Lobjoie Kanaan

 

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