Un président de la Chambre qui exprime son ras-le-bol à l’égard des chrétiens, une élection présidentielle qui tarde à se faire, ainsi que d’autres questions d’actualité sont au centre d’une rencontre avec le député de Baabda Alain Aoun, membre du Bloc du Changement et de la Réforme.
Comment voyez-vous le ras-le-bol du président de la Chambre, Nabih Berry, à l’encontre des chrétiens?
Le président Nabih Berry est certainement mécontent que le Parlement soit paralysé. Son point de vue est tout à fait compréhensible. Mais il faut aussi comprendre cette «attitude chrétienne», qui dit qu’en temps de vacance de la présidence, le fonctionnement des institutions doit avoir un caractère exceptionnel. Sinon où serait la différence entre la situation actuelle et la présence d’un président à la tête de l’Etat? Cette question n’est pas une affaire constitutionnelle mais, d’abord et surtout, politique.
Donc vous maintenez la décision de ne pas assister à la séance législative?
Dès juin 2014, nous avons annoncé les principes sur la base desquels nous allions approcher les questions constitutionnelles en fixant deux plafonds pour notre participation aux séances législatives. En premier lieu, nous participerons à tout ce qui est en relation avec la reconstruction du pouvoir et, en second lieu, à tout ce qui a trait à la législation d’urgence, aux besoins vitaux, aux questions d’Etat et à tout ce qui est relatif à l’intérêt du peuple et du pays. Notre flexibilité sur la participation aux séances législatives est tributaire de ces deux principes. Nous n’avons pas de refus absolu ou d’accord absolu. Nous traitons au cas par cas.
Votre position n’est pas en accord avec celle de votre allié, le Hezbollah, qui se dit prêt à assister aux séances législatives…
Le Hezbollah a une attitude plus nuancée et il est pour la participation aux séances législatives. Sur ce point chacun a sa propre interprétation. Nous pouvons diverger sur la façon d’apprécier les choses, mais ceci n’est pas forcément un sujet de discorde ou un différend entre nous.
Où en sont les négociations entre le Courant patriotique libre et les Forces libanaises?
Je crois que ces négociations ont permis une percée importante dans les relations bilatérales qui ne se mesurent pas dans l’immédiat uniquement. Bien sûr, les gens sont impatients de voir des résultats à court terme, notamment au niveau de la présidentielle, mais il ne faut pas oublier qu’un sujet de cette importance nécessite un niveau de confiance et de conviction qui demande du temps. Par ailleurs, les perspectives de coopération, voire peut-être un jour d’alliance, jusque-là inimaginables, sont devenues des objectifs très réalistes à moyen et court termes.
Où en est-on aujourd’hui dans le dossier de la présidence?
Plus le temps passe, plus l’opportunité que nous avons eue pour résoudre le problème entre Libanais s’éloigne. Je pense que l’attentisme est synonyme d’une démission des Libanais de leurs responsabilités et d’une sous-traitance totale de leurs affaires par les puissances régionales qui mènent le jeu dans la région. Le principe de la dissociation du Liban aura alors échoué.
Existe-t-il un veto saoudien contre le général Michel Aoun?
Officiellement il n’y en a pas, mais beaucoup de messages transmettent ce genre de nouvelles.
Les nominations sécuritaires, en l’occurrence celle du général Chamel Roukoz à la tête de l’armée, risquent-elles de faire sauter le gouvernement?
Nous vivons actuellement une phase de va-et-vient et de pressions pour que les choses se passent comme il faut. Je ne peux pas dès maintenant annoncer quelles seront les mesures que prendra le Bloc du Changement et de la Réforme. Au final, au cas où ces nominations n’ont pas lieu, toutes les options sont possibles. Elles dépendront de plusieurs facteurs qui restent encore à discuter.
Pourrait-on assister à une élection présidentielle dans un proche avenir?
Le processus interne a atteint ses limites. La seule voie interne, ce sont les négociations entre le CPL et les FL, qui gardent une chance de rajouter une donne qui puisse faire bouger le statu quo sur le plan de l’élection présidentielle. Mais ceci passe par l’annonce d’une entente claire et définitive sur le nom d’un président. Quant au processus régional, il a aujourd’hui d’autres priorités plus urgentes que la scène libanaise. Il faudra attendre un début de négociations sérieuses entre l’Iran et l’Arabie saoudite pour espérer des répercussions positives sur le dossier libanais. Mais dans l’état actuel des choses, cela risque de prendre beaucoup de temps. Le Liban n’est pas une priorité. Sa stabilité sécuritaire nous a retirés de l’échelle des priorités.
Propos recueillis par Joëlle Seif