Magazine Le Mensuel

Nº 2931 du vendredi 10 janvier 2014

Presse étrangère

Le Moyen-Orient post-américain

En ce début d’année, c’est à Washington que l’on se fait le plus de souci pour le Liban. Aux yeux des analystes américains, le retrait progressif des Etats-Unis de la région a transformé le Moyen-Orient en un champ de bataille religieux qui s’étend jusqu’au Liban.

THE ECONOMIST
Pays: Grande-Bretagne.
Périodicité: hebdomadaire.
Type: économique.
Diffusion: 1130000 exemplaires dans le monde.

Cette semaine, le Newsweek anglais se pose une question simple: est-ce que ça va tenir?
Les sunnites du Liban partagent largement la rage de la majorité sunnite syrienne maltraitée; les chiites, eux, partagent les craintes des minorités affolées qui forment le noyau dur du soutien au régime de Bachar el-Assad. Les rivalités régionales, principalement entre l’Iran chiite et l’arc saoudo-sunnite, ont fait de la Syrie un champ de bataille qui s’est étendu au Liban.
Politiquement fractionnés et géographiquement dispersés, les sunnites du Liban n’ont pas de milice dominante, et le conflit syrien a sapé l’influence des leaders sunnites traditionnellement modérés. Avec un gouvernement libanais incapable de contrôler la circulation d’armes, les gangs sunnites radicaux se sont multipliés, créant de nombreux liens avec les rebelles syriens. Les chrétiens du Liban, quant à eux, restent divisés aussi. «Le Liban n’a pas de gouvernement légitime au moment où l’Etat libanais est confronté au plus grand de ses défis», dit Yazid Sayigh du Centre Carnegie Middle East à Beyrouth, un think-tank. «Ce qui se passe en ce moment ne peut pas être appelé guerre civile, et il ne peut pas en devenir une. Mais il s’agit d’une guerre de l’ombre».

 

THE NEW YORK TIMES
Pays: Etats-Unis.
Périodicité: quotidien.
Diffusion: 1160000 exemplaires par jour, premier quotidien du pays.

Le vide politique au sommet des Etats du Moyen-Orient alimente-t-il la radicalisation? C’est la théorie développée cette semaine par le quotidien américain de référence.
L’effusion de sang qui a englouti l’Irak, le Liban et la Syrie ces deux dernières semaines illustre quelque chose de nouveau et de déstabilisant: l’émergence d’un Moyen-Orient post-américain dans lequel aucun belligérant n’a le pouvoir, ou la volonté de contenir les haines communautaires de la région. Dans ce vide, le fanatisme islamiste prospère. Derrière, deux grandes puissances du pétrole, l’Iran et l’Arabie saoudite, prétendant représenter l’islam chiite et sunnite, suivent un agenda cynique et communautaire.
Le déchaînement de violence rappelle le pire de la guerre civile irakienne, déclenchée par l’invasion américaine qui a coûté des milliards de dollars et des milliers de vies. L’Administration Obama défend le bilan de son engagement dans la région, soulignant ses efforts pour résoudre la crise nucléaire iranienne et le conflit palestinien, mais reconnaît ses limites. Même si les rivalités religieuses ont fait leur apparition au moment de la révolution iranienne de 1979, tout ce grabuge rappelle également que l’agenda des puissances étrangères et les politiques militaro-sécuritaires des despotes arabes avaient l’avantage de contrôler les divisions communautaires qui couvaient depuis longtemps. Les derniers événements, mis dans le panier du Printemps arabe, ont accéléré cette tendance.

HAARETZ
Pays: Israël.
Périodicité: quotidien.
Diffusion: 72000 exemplaires par jour.
Troisième journal du pays, derrière Maariv et Yediot Aharonot.

L’équivalent du journal Le Monde en Israël a une certitude, le Hezbollah paie au Liban le prix de ses succès en Syrie.
Voici une liste partielle des événements qui ont secoué le Liban au cours des deux derniers mois: une voiture piégée devant l’ambassade d’Iran à Beyrouth tue vingt-trois personnes; un dirigeant du Hezbollah et un ancien ministre de l’autre camp ont été assassinés; un soldat sunnite de l’Armée libanaise abat un soldat israélien près de Rosh Hanikra; une organisation extrémiste sunnite tire des roquettes sur la Galilée; le chef de cette organisation meurt dans des circonstances floues dans une prison libanaise et une voiture piégée a explosé dans le quartier de Dahié de Beyrouth, tuant six personnes. Les trois derniers incidents ont eu lieu en l’espace d’une semaine.
Pour le Renseignement israélien, le Liban évitera de plonger dans la guerre civile, les cicatrices du passé sont encore trop récentes. Israël, pour changer, n’est pas trop impliqué dans les affaires du Pays du Cèdre. Il a été accusé, dans certains milieux, de l’assassinat d’un commandant du Hezbollah, Hassan Lakkis, mais les revendications se sont noyées dans le chaos général. Et la réponse d’Israël aux deux derniers incidents le long de la frontière libanaise a été relativement restreinte. La contrebande continue d’armes de Syrie au Hezbollah au Liban reste, cependant, un point de discorde potentiel. L’année dernière, l’armée israélienne aura agi à six reprises sur le territoire syrien pour empêcher cela.

FOREIGN POLICY
Pays: Etats-Unis.
Périodicité: bimensuel.
Diffusion: 100000 exemplaires.

Le magazine spécialisé titre La tempête parfaite. Quelqu’un peut-il stopper la descente aux enfers du Liban?
Historiquement, la communauté sunnite au Liban a toujours eu des difficultés à mobiliser militairement. Alors que d’autres communautés du pays ont produit des milices pour protéger leurs intérêts, les sunnites ont été entravés par l’absence d’un parti dominant capable d’unifier et de rallier. Au lieu de cela, le militantisme sunnite au Liban a été alimenté par des groupes avec des racines dans les communautés de réfugiés palestiniens et le mouvement salafiste-jihadiste international. Ces groupes, qui sont ceux qui ont effectué la plupart des attaques contre les partisans du Hezbollah et Assad jusqu’à présent, n’ont pas réussi à rallier un soutien populaire significatif.
Cependant, les dynamiques politiques, sociales et militaires qui affectent la nomenklatura sunnite traditionnelle suggèrent que son calcul sur la création d’une milice à grande échelle est peut-être en train de changer. Au cours de la dernière décennie, la communauté a vu sa place sur l’échiquier national s’effriter drastiquement. Son échec le plus retentissant reste son incapacité à prendre la relève après l’assassinat de l’ancien premier ministre Rafic Hariri, en 2005.

WALL STREET JOURNAL
Pays: Etats-Unis.
Genre: quotidien.
Type: économique.
Diffusion: 1,5 million d’exemplaires, premier quotidien économique au monde.

Voici une des informations les plus commentées par les experts de politique étrangère à Washington.
Le Hezbollah aurait déplacé au Liban des missiles de longue portée, selon le New York Times qui citait un expert de la sécurité d’Israël, Ronen Bergman, ayant des contacts avec les services de renseignement israéliens. Stockés auparavant en Syrie, les missiles donnés au mouvement armé chiite par ses alliés iranien et syrien auraient été démontés et transférés au Liban. L’analyste précise que cet arsenal comporterait des missiles de longue portée Suc-D, pouvant atteindre Israël.
Les troupes du Hezbollah auraient également commencé à faire passer de la Syrie au Liban, pièce par pièce, des composants de contrebande de douze systèmes avancés de missiles antinavires de fabrication russe. Et ce, pour éviter une campagne aérienne menée en Syrie par Israël pour les stopper. Selon des sources officielles américaines, tous les éléments nécessaires à la mise en service d’un missile ne seraient pas encore en leur possession du côté libanais.

LA TRIBUNE
Pays: France.
Périodicité: hebdomadaire.
Genre: économique.
Diffusion: 79000 exemplaires.

L’un des journaux préférés des milieux d’affaires parisiens, avec les Echos, se demande si l’aide saoudienne au Liban est une aubaine ou un cadeau empoisonné.
Il y a encore un an, la France rechignait à honorer une promesse de Nicolas Sarkozy faite en 2010 aux Libanais, qui avaient demandé des missiles antichars Hot (MBDA) pour armer les huit hélicoptères d’attaque Gazelle (Eurocopter). Les autorités israéliennes avaient à plusieurs reprises demandé à la France d’annuler cette livraison, estimant que ces missiles pourraient tomber dans les mains du Hezbollah. Tout comme Tel-Aviv avait fait pression avec succès pour empêcher la fourniture de dix Mig-29 russes à Beyrouth, qui n’a pas de flotte d’avions de combat pour dissuader Israël de ses incursions dans l’espace aérien libanais. La France pourrait ainsi fournir des Leclerc d’occasion modernisés, des chars qui feraient ainsi leur retour au Liban après avoir servi au sein de la Finul. Pourquoi pas également des missiles tactiques MMP (Missile moyenne portée)? Ajoutons également que le Liban a besoin d’hélicoptères de transport et d’attaque.

Julien Abi Ramia

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C’est quasiment l’unique sujet de discussion du moment. Pour la presse étrangère, l’actualité du Liban se résume uniquement à la spirale de violence qui a frappé le pays ces trois dernières semaines. Les analystes s’inquiètent grandement de la façon dont le pays, perclus de toutes parts, est embarqué dans une guerre qui n’est pas la sienne.  

 

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