Ounsi el-Hage, au talent et à la culture reconnus de tous, ne peut pas mourir. Ses œuvres d’écrivain, de poète et de journaliste le font survivre et même continuer à donner l’image d’un amoureux du verbe, ouvert à l’Orient et à l’Occident, et reconnu de ses pairs qui lui ont rendu des hommages vibrants.
Il est vrai que l’homme, à la modestie notoire, n’a jamais été en quête d’honneurs. Dans une interview parue dans la revue Ecrits contemporains, en 1999, il répond non sans humour à une question qui lui est posée sur sa carrière qu’il résume ainsi: «J’ai souvent raconté la même histoire. Je crois qu’elle n’intéresse personne. J’ai plus de remords que d’accomplissements et je n’ai fait qu’à mon insu. Lorsque personne ne me posait de questions, je disais la vérité et j’ai cessé de la dire dès qu’y eut quelqu’un pour s’intéresser à mes réponses».
Fils d’un grand journaliste et traducteur, un des principaux dirigeants de la rédaction d’an-Nahar, Louis el-Hage, Ounsi baigne dans la profession et dans la culture dès son plus jeune âge. La mort l’a cueilli à 77 ans, emporté par une maladie qui l’a littéralement paralysé les derniers mois.
Elève du Lycée français et du Collège de La Sagesse, il se lance très tôt dans l’écriture et publie des nouvelles, des essais et des poèmes dès l’âge de 17 ans. Mais ce n’est qu’à 19 ans qu’il se lance carrément dans la profession où il brille par ses chroniques flamboyantes et sa plume acerbe devenues des exemples pour toute une génération de jeunes de la profession. C’est au journal al-Hayat qu’il réserve sa première expérience dans les pages culturelles. Mais c’est au quotidien an-Nahar qu’il consacre sa vie de journaliste, d’abord dans le domaine culturel, et crée un supplément hebdomadaire en 1964 qui paraîtra pendant dix ans.
Ounsi el-Hage a accompagné le quotidien al-Akhbar depuis sa fondation, en 2006, avec une chronique hebdomadaire très attendue.
A son actif, six recueils de poésie, dont le premier, Lan, est un poème, avec une chronique en prose qui sera publiée dans la revue Shi’r à la création de laquelle il avait collaboré avec deux grands auteurs et poètes, Youssel el-Khal et Adonis en 1960. S’ajoutent à son palmarès: La tête coupée en 1963, Le passé des jours à venir en 1965, Qu’as-tu fait de l’or, qu’as-tu fait de la rose? en 1970, La messagère aux cheveux longs jusqu’aux sources en 1975, Le banquet en 1974. Sans oublier Des mots, des mots, des mots, un ouvrage en trois tomes, et Khawatem en deux tomes, le troisième devant paraître bientôt.
La plupart de ses poèmes sont traduits en plusieurs langues et une anthologie des poésies Eternité volante est publiée, en 1997, en français, et une autre a paru un an après en allemand et en arabe, L’amour et le renard, l’amour et les autres.
Beaucoup de jeunes apprentis journalistes, devenus professionnels, lui doivent leurs connaissances et le sens de l’éthique et de la précision tant dans l’information que dans le style.
Magazine partage la douleur de ses collègues qui, tous, ont rappelé ses qualités professionnelles et humaines et lui ont rendu des hommages profondément sincères et exprime, à son épouse et à ses enfants, sa tristesse profonde de la disparition d’un homme de lettres, d’honneur et de courage.
Mouna Béchara