Magazine Le Mensuel

Nº 2923 du vendredi 15 novembre 2013

Hommage

Evelyn Shakir. Une plume au service des Arabo-Américains

Evelyn Shakir, pionnière dans les études 
arabo-américaines, écrivaine ayant reçu plusieurs prix, aujourd’hui décédée, a récemment été à l’honneur à l’Arab American National Museum. Retour sur le parcours et les écrits d’une Américaine d’origine libanaise, qui a consacré sa vie à sa communauté mère.
 

En 2010, Evelyn Shakir décède à la suite d’une longue maladie. Ses proches, ses anciens étudiants, ses collègues sont certes effondrés, mais s’empressent de tout faire pour que son œuvre ne soit pas oubliée.
Depuis trois ans donc, ils se mobilisent pour que son dernier livre, Teaching Arabs, Writing Self: Memoirs of an Arab-American Woman, soit publié. C’est chose faite. Et à l’Arab American National Museum, une lecture de ce livre est organisée.

 

Qui est Evelyn Shakir?
Pourquoi Evelyn Shakir s’est-elle autant intéressée aux Arabes? Tout commence dans sa propre maison. De nature curieuse, elle observe, depuis son enfance, ses parents originaires du Liban. Dans le Massachusetts, où elle grandit comme une migrante de deuxième génération, la jeune Evelyn sent que son père et sa mère sont non seulement des étrangers, mais aussi excentriques. Très tôt, elle a ainsi réalisé qu’elle voulait les comprendre, explorer leur identité, la sienne. Dans ses écrits, elle revient sur son enfance à Boston. Et ce n’est pas tout. Elle relate comment, se rendant régulièrement au Moyen-Orient, elle se «sentait à la maison» ou encore chez elle. Que ce soit au Bahreïn, en Syrie ou au Liban, où elle enseigne la littérature américaine à des universitaires, Evelyn Shakir s’adapte facilement à la société orientale. Il suffit de voir l’hommage qu’elle rend, dans son livre, aux étudiants, aux chauffeurs de taxi, aux commerçants et même aux boulangers. Tout confirme son appréciation de la richesse et de la complexité de l’héritage arabo-américain.
Outre son attachement à sa culture d’origine, l’écrivaine a continuellement envie, voire besoin, de décortiquer les particularités des femmes libanaises en Amérique. Pari réussi dans son livre Remember me to Lebanon: Stories of Lebanese Women in America. Dans cette œuvre, elle relate les histoires vécues par des migrantes durant diverses époques, depuis les années 60 et jusqu’en 2007.
Pour chacune de ces femmes, de première et de deuxième générations, il s’agit de se réapproprier son patrimoine libanais ou de le laisser derrière elle. Certaines histoires sont marquantes. Telle que celle de cette jeune femme qui a fui la guerre du Liban et qui, aux Etats-Unis, refuse de couvrir ses cheveux d’un foulard. Au fil des ans, elle va constater que tourner le dos à son passé la conduira dans des directions inattendues. Ou encore celle de cette adolescente qui fera tout pour résister aux contes traditionnels de son père. Un papa qui ne jure que par l’honneur et le sacrifice de soi. Par ailleurs, dans Bint Arab: Arab and Arab American Women in the United States, Shakir tente de corriger les stéréotypes qui pèsent sur les femmes arabes. Certains Américains pensent qu’elles sont passives, insensées ou encore opprimées. Mais en leur donnant la parole, on comprend surtout leur lutte dans la famille, notamment leur façon de faire la part entre les valeurs traditionnelles et les libertés sociales et sexuelles pratiquées en Occident.

Pauline Mouhanna, (Illinois, états-Unis)

Bio en bref
Après des études au Wellesley College, Evelyn Shakir obtient de l’Université de Harvard et l’Université de Boston un doctorat en anglais. Elle enseigne, par la suite, à l’Université de Northeastern, au Berkshire Community College, à l’Université Tufts et, pendant dix-sept ans, au Bentley College, jusqu’à sa retraite en 2004 au titre de 
professeure émérite.

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