Magazine Le Mensuel

Nº 2926 du vendredi 6 décembre 2013

Expositions

Graff me Lebanon. «Beyrouth, un grand terrain de jeu»

Jusqu’au 7 décembre, dans le cadre du projet Graff me Lebanon, la galerie d’art 169, située à Saïfi Village, expose les toiles de graffeurs libanais et européens. Des artistes qui avaient déjà pris d’assaut quelques murs de la capitale 
du 11 au 14 novembre dernier. De la rue aux cimaises, 
le Street Art fait son numéro.
 

Depuis quelques années, les murs de Beyrouth se sont habillés de graffitis. De simples noms inscrits jusqu’aux grandes fresques imagées, certaines rues de la capitale ont pris de la couleur, car Beyrouth, pour ainsi dire, est devenue un «spot» pratiquement incontournable du Street Art international. Tout récemment, du 11 au 14 novembre dernier, les ponts de Cola, de Mar Mitr, de Fouad Chéhab, du souk el-Ahad et de l’axe Yerevan (d’Achrafié à Dekouané) ont profité de la présence de gentlemen graffeurs libanais et européens, pour se laisser embellir au rythme de leurs bombes et sprays. Autre bénéficiaire, l’école publique Chafic Saed à Aïn el-Remmané. «Elle est devenue plus belle que sa voisine privée», remarque Charles Vallaud, alias Prime. Un nom tout particulier connu sur la scène libanaise du Street Art, notamment pour avoir organisé, il y a un an, avec ses compères Stone et Siska, l’exposition White Wall au Beirut Art Center. Des graffeurs internationaux sont alors invités à dévoiler leur art autant dans les rues qu’à l’intérieur du BAC. Parmi eux, Reso fait ses premiers pas à Beyrouth. Aujourd’hui, il en est à son troisième voyage.
Tout a commencé avec le projet Graff me financé par l’Union européenne et organisé par le département des arts plastiques et des arts appliqués de l’Université de Toulouse, le Mirail. «Le concept était d’inviter des artistes étrangers à rencontrer des graffeurs toulousains et français, explique Reso. A partir de là, on m’a proposé de venir participer à l’exposition White Wall et de fil en aiguille, au gré des rencontres, le projet Graff me Lebanon a émergé, avec entre autres, cette exposition présentée à la galerie 169».
L’objectif du projet: favoriser l’émergence de la culture urbaine, renforcer la présence des arts dans les espaces publics et faciliter un dialogue transcendant la diversité culturelle. Au programme, performances de rues, conférence, débat culturel et donc exposition. «Les gens pensent souvent que les graffeurs restent toute leur vie dans la rue, mais l’une des facettes de notre travail se passe en atelier sur
des toiles», note Prime, qui aide à l’organisation. Sur les cimaises, on retrouve les œuvres des artistes européens Katre, Mondé, Reso, Tilt, Zepha, Zeus et des Libanais Ashekman, Eps, Phat2, Physh et Zed. Des noms de plus en plus visibles dans les dédales de la capitale. «Sur les murs de Beyrouth, j’ai dessiné pas mal de graffitis», avoue Reso. Une ville où l’artiste se sent singulièrement bien. «J’aime beaucoup l’état d’esprit des gens, le fait qu’il y a de la vie dans les rues, l’histoire du pays, la beauté de la ville, précise-t-il. Et puis Beyrouth, c’est un grand terrain de jeu, un jeu qu’on ne pratique plus en France. Ici, la culture du graff est récente. Il n’y a pas encore de crainte comme chez nous que les habitants appellent la police. Nous ne sommes pas obligés de nous cacher. Si ça ne plaît pas, on efface, mais notre principal intérêt est que les habitants trouvent les graffitis beaux et décident de les garder».  
Si, selon Prime, une cinquantaine d’étrangers sont déjà venus déposer leurs marques sur les murs de la capitale, le phénomène ne fait que commencer. Car les deux amis, Prime et Reso, épaulés par tous les autres, comptent bien faire parler du Street Art dans les chaumières libanaises. Prochaine étape: «Nous réfléchissons à faire venir les artistes libanais à Toulouse pour qu’ils regardent ce que nous faisons comme graffitis chez nous, informe Reso. D’autre part, cette exposition est appelée à s’exporter partout ailleurs où l’on pourra toucher tous les publics».


Delphine Darmency

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