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Paul Khalifeh

Les Occidentaux «seuls» face à Poutine!

Avant et pendant la tenue du G8 à Lough Erne, en Irlande du Nord, les médias en Occident et dans les pays arabes alliés faisaient état d’un Vladimir Poutine isolé, presque acculé, en position de faiblesse devant ses partenaires. Cette image était alimentée par les indiscrétions que des dirigeants occidentaux ont laissé filtrer, et sur les déclarations de certains d’entre eux. Le Premier ministre canadien, Stephen Harper, n’avait-il pas parlé d’un sommet à «sept+la Russie»? N’avait-on pas envisagé la publication d’un communiqué auquel Moscou n’adhèrerait pas, en raison des profondes divergences qui l’opposent aux autres pays du club des riches sur le dossier syrien? A des journalistes qui lui demandaient s’il ne se sentait pas «seul», le président russe répondait: «Certains voulaient apparemment que ce soit le cas (…) A aucun moment la Russie n’a défendu seule ses propres approches du règlement du conflit syrien: il y a toujours ceux qui ont des doutes ou des collègues qui veulent creuser davantage».
Le sommet terminé, c’est la stupeur et la consternation. Le quotidien à capitaux saoudiens al-Hayat déplorait un «communiqué fade après l’intransigeance de Poutine»; Reuters titrait que «le G8 esquive le sort d’Assad»; pour Alterinfo, «le G8 a trouvé des ennemis communs aux Syriens»; Pierre Haski, de Rue89, se demande «pourquoi Vladimir Poutine ne cède pas sur la Syrie?»
Mais la vraie question est celle de savoir pourquoi les Occidentaux ont cédé devant la Russie. Car après tout ce tapage médiatique avant le sommet, ils ont baissé le plafond – et le ton – et ont pratiquement adhéré aux thèses de la Russie, pour ne pas dire à ses exigences. En effet, le communiqué final exprime l’attachement du G8 à une solution politique au conflit syrien, à travers la tenue de la conférence de Genève 2 «dès que possible». Comme le souhaite la Russie, l’Iran sera invité à cette conférence. L’annonce en a été faite par le plus farouche opposant à la participation de Téhéran, François Hollande: Rohani, «s’il peut être utile, sera le bienvenu», a déclaré le président français. Le communiqué évite, par ailleurs, d’évoquer le sort du président Bachar el-Assad et ramène à sa juste dimension l’affaire des armes chimiques. Sur cette question, Vladimir Poutine déclare: «Il faut tout vérifier minutieusement. Nous n’avons pas de preuves selon lesquelles le gouvernement syrien a utilisé l’arme chimique et peu de membres du G8 pensent qu’elle a été utilisée par l’armée syrienne».
Le président russe se paye ensuite le luxe de critiquer l’intention de certains pays occidentaux de livrer des armes aux rebelles, tout en réaffirmant la poursuite des livraisons d’armes russes au régime: «Toute livraison d’armes à l’opposition (…) déstabiliserait la situation. Un soldat britannique a été sauvagement assassiné près de sa caserne. De tels criminels sont nombreux dans les rangs de l’opposition? Qu’adviendra-t-il de ces armes ensuite? Elles pourraient se retrouver en Europe. Il y a fourniture et fourniture. Nous fournissons des armes selon des contrats légaux au gouvernement légitime d’Assad. Du point de vue moral et juridique, notre position est irréprochable», a conclu Poutine.
Le plus surprenant dans le communiqué du G8 reste cet appel au régime et à l’opposition à combattre al-Qaïda afin que cette organisation et les autres groupes extrémistes apparentés soient chassés de Syrie.
D’aucuns, dans le monde arabe et ailleurs, ne vont pas manquer de critiquer l’Occident, qui «regarde sans rien faire le régime massacrer son peuple». En réalité, l’Occident fait ce qu’il peut, c’est-à-dire pas grand-chose. Il est temps que ces gens, qui versent des larmes sur le sort du peuple syrien, tout en préconisant la poursuite de la guerre, avec son cortège de morts et de destructions, comprennent que les choses ont changé. Si l’Occident ne fait pas davantage, c’est parce qu’il n’en a plus les moyens. Pierre Haski, de Rue89, écrit: «Même le New York Times, qui avait malencontreusement soutenu l’invasion de l’Irak en 2003, met désormais en garde contre toute idée de s’impliquer dans un nouveau conflit au Proche-Orient: «Comme la plupart des Américains, nous sommes très mal à l’aise avec l’idée d’être entraînés dans une nouvelle guerre au Moyen-Orient. Ceux qui soutiennent une action plus forte n’ont, semble-t-il, rien appris de la décennie passée de guerre en Afghanistan et en Irak, qui a affaibli les Etats-Unis et produit des résultats au mieux ambigus», écrit le journal. Les sondages montrent que 70% des Américains sont hostiles à l’armement des rebelles.
Poutine campe sur ses positions car il analyse avec précision les rapports de force sur la scène internationale. Il sait que l’Occident n’a plus les moyens de dicter sa volonté. Certains Libanais et Arabes, qui ont des convictions figées dans les moules du passé, devraient aussi le comprendre.

Paul Khalifeh

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