Comme en 2006, après les terribles frappes de l’armée israélienne sur leurs quartiers, les habitants de Bir el-Abed- Roueiss, dans la banlieue sud, relèvent la tête, après l’attentat le plus meurtrier depuis la fin de la guerre civile.
Ils ne plieront pas devant la terreur. Malgré le choc, le sang et les trop nombreuses victimes, les habitants du quartier de Roueiss-Bir el-Abed, dans la banlieue sud, ne se laisseront pas abattre. C’est en substance, le message que ces Libanais se sont engagés à faire passer, au lendemain de l’attentat qui aura fait 27 morts et quelque 336 blessés jeudi 15 août.
Quelques jours plus tard, le quartier est revenu à la vie. Comme un pied de nez au sort, et surtout aux terroristes qui menacent leur vie. Sur place, les immeubles touchés par l’explosion de la voiture piégée, sont bien évidemment encore visibles, noircis de fumée. Carbonisés. L’odeur de brûlé est encore perceptible par endroits. Mais cela n’empêche pas les habitants de reprendre leur vie. Malgré le désastre et l’ampleur des dégâts. Les gravats, bris de verre et autres traces de l’attentat ont déjà été déblayés. Les destructions provoquées par la voiture piégée sont saisissantes. Parmi les structures les plus endommagées, un immeuble d’habitation de huit étages, à la façade complètement noircie et dont les balcons menacent de s’effondrer. Cinq autres immeubles rappellent encore l’ampleur de la catastrophe et les ravages des flammes. Quelques voitures, carbonisées elles aussi, quand elles ne sont pas complètement écrabouillées, figurent encore sur les côtés de la route de Roueiss, perpendiculaire au boulevard Hadi Nasrallah.
Si l’odeur de la mort est toujours présente, cela n’empêche pas les habitants du quartier de redresser la tête. Ils en ont vu d’autres. Malheureusement. Aux alentours du site de l’explosion, où se trouve le centre Moujamaa Sayyed al-Chouhada, des banderoles ont été déployées. Elles rendent hommage à l’esprit de résistance de la population, qui, malgré le cauchemar, ne veut pas se laisser abattre. Fleurissent à leurs côtés, comme autant d’étendards, des drapeaux verts du mouvement Amal et bien sûr, ceux de leurs cousins du Hezbollah. Sur une banderole est écrit «Jamais nous ne nous laisserons humilier». Le message est clair: les habitants de la banlieue sud ne plieront pas. D’ailleurs, les déclarations des victimes de l’attentat parlent d’elles-mêmes. Hussein, dont l’appartement a été détruit, révèle ne pas avoir peur. «Nous n’avons pas peur, seul Dieu sait s’il y aura d’autres explosions, mais nous tiendrons. Israël n’est pas parvenu à nous abattre, eux non plus n’y arriveront pas». Une telle résistance, malgré le drame, force l’admiration. Plus loin, une femme voilée de noir regarde les immeubles endommagés. Elle aussi a presque tout perdu. Malgré cela, elle refuse toute crainte. «Même si la violence continue et si d’autres bombes explosent dans notre quartier, on tiendra», affirme-t-elle. «Le quartier a été bombardé des dizaines de fois et pourtant, nous sommes toujours là», martèle-t-elle encore. Comme en 2006, après les raids israéliens qui avaient fait de la banlieue sud un champ de ruines, les habitants continuent de croire en leurs chefs.
Le Hezbollah à pied d’œuvre
Comme en 2006, aussi, les travaux de déblayage ont rapidement été engagés. L’association Jihad al-Bina, qui s’était déjà chargée de la reconstruction de la banlieue sud après l’été 2006, est de nouveau sur les lieux. Comme un éternel recommencement. Cette branche du Hezbollah évalue, de nouveau, les dégâts, tout en lançant sa campagne de reconstruction et de réhabilitation des bâtiments endommagés. Les ouvriers chargés de ramasser les gravats, font parfois des découvertes macabres, allongeant la liste des victimes. Les commerces à proximité ont repris leur activité et le quartier grouille de vie, comme si rien ne s’était passé. De jeunes hommes sillonnent les quartiers, chargés de surveiller tout mouvement suspect. Une façon − peut-être dérisoire − pour eux d’empêcher tout nouvel attentat, mais surtout de rassurer les habitants.
La rage de vivre, palpable dans le quartier, s’est transmise aussi par ces images presque surréalistes, qui ont fait la Une de nombreux médias libanais. Celles du mariage de Ali Alaëddine et Fatmé Ajrouch qui ont décidé de célébrer leur mariage, le 18 août dernier, dans le quartier de Roueiss. A l’endroit même où l’explosion d’une voiture piégée a provoqué un carnage. Un choix hautement symbolique pour ces jeunes mariés, décidés à prouver au monde entier que la vie pouvait «vaincre la mort», comme ils l’ont affirmé dans leurs déclarations. En écho, des membres de la société civile sont aussi venus soutenir les habitants de Roueiss Bir-el-Abed par une veillée aux chandelles, lundi. Une belle manière de réitérer leur refus de la violence et de la peur.
Pourtant, malgré tous ces signes de résistance, l’attentat, qui est le deuxième, en l’espace de quelques semaines, perpétré dans la banlieue sud, pourrait bien ne pas être le dernier. La population pourrait encore avoir affaire à des voitures piégées, malgré les barrages de sécurité instaurés dans la banlieue sud par le Hezbollah, comme ce fut le cas en ce funeste jeudi. Il est 18 heures, le 15 août dernier, quand la voiture piégée explose, dans ce quartier grouillant de monde. Certains habitants se promènent dans la rue, effectuant leurs derniers achats avant de rentrer chez eux. D’autres viennent de quitter le travail et se trouvent déjà à leur domicile. Puis le chaos. Des vitres se brisent, des voitures s’enflamment, les immeubles aussi sont gagnés par les flammes, comme autant de prisons macabres retenant leurs locataires. La scène est effroyable, rappelant les heures les plus sombres de la guerre civile. Très vite, les secours sont sur place. Ils essaient de dégager les victimes et d’éteindre les flammes. Il leur faudra de longues heures avant d’y parvenir. Les pompiers s’activent aussi à faire sortir les habitants prisonniers dans leurs appartements. Certains d’entre eux se sont même réfugiés sur les toits de leurs immeubles, dans l’impossibilité de redescendre, bloqués par les flammes.
La bombe était, sans conteste, destinée à faire le plus de victimes possibles. Très vite, aussi, les habitants du quartier, pourtant paniqués et en colère, entourent les secours, tentant d’aider autant qu’ils le peuvent, dans un grand esprit de solidarité, malgré le choc. Les ambulances se succèdent, emmenant morts et blessés dans les différents hôpitaux de la région. De nombreux enfants ont fait les frais de cette voiture meurtrière. Sur place, défilent des cohortes de familles, désespérées, l’œil hagard, recherchant leurs proches. Au lendemain de l’attentat, des corps calcinés seront encore retrouvés, ainsi que des morceaux de corps. Mais malgré le cauchemar, les habitants de la banlieue sud résistent. Comme cette femme, qui cherche ses proches, et qui malgré tout, réitère son allégeance à Hassan Nasrallah. Malgré l’horreur.
Jenny Saleh
L’ADN pour identifier les corps
Etant donné l’état de certains corps, retrouvés complètement calcinés, après l’explosion, la justice libanaise a dû avoir recours aux
analyses d’ADN pour les identifier. Quatorze corps, dont celui d’un Syrien, sur les
27 victimes de l’attentat de Roueiss, ont ainsi été soumis à des examens. Leurs dépouilles ont ensuite été remises à leurs familles, qui ont pu les mettre en terre.