Le 15 avril, au moins trois personnes sont mortes et plus d’une centaine ont été blessées dans deux importantes explosions qui se sont produites près de la ligne d’arrivée du marathon de Boston, en plein centre de la ville. Il s’agit du plus grave attentat sur le sol américain depuis les attaques du 11 septembre 2001.
En ce Marathon Monday, le soleil brille sur Boylston Street, dans le quartier chic de Back Bay. C’est un matin de fête à Boston, où 27000 athlètes se sont élancés sur les 42195 kilomètres du parcours qui traversent depuis quarante-quatre ans la capitale du Massachusetts d’ouest en est. Les meilleurs coureurs de la planète ont déjà passé la ligne d’arrivée depuis plus de deux heures. Là, ce sont les sportifs du dimanche qui franchissent la large ligne jaune marquée au sol. Massées des deux côtés de la route, les familles encouragent les amateurs. En ce jour férié du Patriot Day, parents et enfants prennent part à un événement profondément ancré dans la tradition de la ville. Il s’agit de la 117e édition du plus vieux marathon du monde. L’ambiance est bon enfant. Les barrières sont décorées de bleu et les drapeaux flottent au vent. Les officiels en survêtements jaunes prennent soin des concurrents épuisés habillés de fluo. Un spectacle sportif et coloré qui, en quelques secondes, va basculer dans l’horreur. Il est alors 14h50, très exactement 4 heures, 9 minutes et 44 secondes après le départ du marathon, lorsqu’une énorme déflagration retentit.
Scènes de carnage
Le bruit est puissant et strident. Une colonne de fumée grise s’élève. L’explosion a lieu sur le bas-côté, à 30 mètres de la ligne d’arrivée, derrière les barreaux de sécurité où les spectateurs sont massés, devant la devanture du magasin de chaussures de sport Marathon Sports. Elle semble venir du sol. En trois secondes, elle souffle les vitres des bâtiments adjacents. C’est la panique. Certains fuient, d’autres sont à terre, les spectateurs poussent des cris d’effroi. Les marathoniens, soufflés par l’explosion, sont raccompagnés par des officiels. Treize secondes plus tard, près de la ligne d’arrivée, se fait entendre une autre explosion plus sourde. Moins de 100 mètres plus loin, au croisement de Boylston et Exeter Street, en face de la bibliothèque municipale où pullulent les petits restaurants, une déflagration vient de retentir. Les Etats-Unis en sont convaincus, il s’agit d’une attaque visant à faire des victimes.
Les forces de sécurité investissent la fin du parcours, regardent par-dessus les barrières. Ce qu’elles voient est effroyable. Des corps inertes et déchiquetés; certains témoins parlent de lambeaux de peau, de membres sectionnés. Les policiers et les organisateurs se mettent en tête de déplacer les barrières pour laisser passer les secouristes. «La jambe de quelqu’un a volé au-dessus de ma tête», rapporte John Ross, un témoin qui a offert sa ceinture pour faire office de garrot. «C’est le chaos total, des milliers de débris partout, de vitres brisées, il y a beaucoup de sang sur la route, la ligne d’arrivée était extrêmement bondée», explique une journaliste locale. La tente qui servait à accueillir les coureurs à l’arrivée a immédiatement été réquisitionnée par les services de secours, arrivés sur place pour soigner les blessés avant leur évacuation à l’hôpital. Sur Twitter, plusieurs témoins ont posté des photographies effroyables. Les traînées de sang qui ont pénétré la chaussée ne se comptent plus. Certains racontent avoir vu des enfants très gravement brûlés.
Une troisième explosion a eu lieu à la bibliothèque JFK, selon la police, qui a précisé que l’incident semblait «être lié à un feu».
Une organisation terroriste?
Lors de la première conférence de presse post-attaque, le FBI s’est refusé à réagir aux informations de certains médias disant que la police avait retrouvé plusieurs bombes n’ayant pas explosé à Boston.
Au lendemain de l’attentat, l’origine des explosions reste indéterminée. Des premiers témoignages faisaient état de deux colis près du trottoir qui auraient explosé. Les médias américains ont évoqué plusieurs autres engins découverts par les autorités qui les ont désamorcés. Aucune revendication de ces actes n’était parvenue aux autorités américaines 24 heures plus tard.
Alors que, près de douze ans après les attentats du 11 septembre, le pays sous le choc se demandait s’il venait d’être victime d’une nouvelle attaque terroriste, le président américain Barack Obama n’a pas utilisé le mot attentat. Mais s’adressant solennellement aux Américains depuis la Maison-Blanche, il a promis que les auteurs du carnage devraient «rendre des comptes».
«Nous n’avons pas encore toutes les réponses. Nous ne savons pas encore qui a fait ça, ou pourquoi», a-t-il déclaré. «Mais nous trouverons, et ceux qui sont responsables, individus ou groupes, sentiront tout le poids de la justice», a-t-il ajouté. Un haut responsable à la Maison-Blanche, parlant sous le couvert de l’anonymat, a évoqué un «acte terroriste». «N’importe quel événement avec plusieurs engins explosifs – comme il semble que ce soit le cas – est clairement un acte terroriste», a-t-il souligné. «Mais nous ne savons pas qui l’a commis et une enquête exhaustive devra déterminer si cela a été préparé et commis par un groupe terroriste, étranger ou pas».
Selon CNN, les bombes comportaient des morceaux de boulons pour faire un maximum de victimes.D’autres policiers parlent «de clous, de fermetures éclair et de rasoirs». Les hôpitaux de la ville auraient procédé à une dizaine d’amputations. Les deux explosions ont blessé au moins 132 victimes selon un dernier bilan mardi après-midi.
Dès lundi soir, sur la base de plusieurs témoignages, la police de Boston a lancé un avis de recherche concernant un suspect noir ou au teint mat avec un sac à dos noir. Il aurait essayé d’accéder à un lieu sécurisé quelques minutes avant la première explosion. Plusieurs rumeurs et photos circulent depuis plusieurs heures sur les réseaux sociaux sur des terroristes potentiels. Les Etats-Unis sont désormais en état d’alerte. L’Amérique est à nouveau sous le choc.
Julien Abi Ramia
Le plus vieux marathon du monde
La course de Boston, qui fait partie des six marathons mondiaux majeurs, avec les 42195 km de New York, Chicago, Berlin, Londres et Tokyo, n’a jamais connu d’interruption depuis sa première édition. Considéré comme l’un des marathons les plus difficiles, en raison de son parcours accidenté, le marathon de Boston ne peut donner lieu à un record officiel, la ligne d’arrivée étant à une altitude inférieure à celle de la ligne de départ.
Deux pistes privilégiées
Au moins deux pistes sont pour l’heure envisagées par les enquêteurs, ont déclaré des responsables sous le sceau de l’anonymat. L’une d’elles s’appuie sur le jour choisi pour ces explosions: celui du Patriot’s Day, qui correspond aussi au dernier jour pour les déclarations d’impôts – éléments qui tendraient vers la piste d’un attentat commis par des extrémistes de droite américains, comme des militants anti-impôts. L’autre théorie possible serait celle d’un attentat islamiste. Le fait qu’il y ait eu deux explosions quasi simultanées rappelle les «modèles» d’attentats prônés par le magazine Inspire, publication consultable sur Internet qui émane d’al-Qaïda dans la péninsule arabique(AQPA).