Le Liban des années cinquante, particulièrement au cours des mois qui ont précédé les événements sanglants de 1958, avait connu une série de perturbations. Les accrochages entre loyalistes et opposants occupaient la scène locale. Le sujet à l’ordre du jour était alors la probabilité de renouvellement du mandat présidentiel de Camille Chamoun.
Dès le début de 1957, la tension politique grandissait entre le pouvoir et l’opposition. Le Front national s’était élevé contre la décision du pouvoir de prendre certaines mesures concernant les élections: notamment le fait que tout intervenant dans un meeting électoral devait avoir fait acte de candidature.
Le 9 mai, le chef du gouvernement, Sami el-Solh, hospitalisé des suites d’une infection pulmonaire, avait annoncé sa candidature à Beyrouth contre la liste de l’opposition de Abdallah Yafi et Saëb Salam. A sa sortie d’hôpital, des milliers de ses partisans l’escortaient jusqu’à son domicile, alors qu’un meeting autorisé de l’opposition se tenait à Tarik Jdidé où celle-ci, accusant les autorités de susciter des tensions confessionnelles, appelait à la lutte contre toute tentative d’amener une majorité parlementaire docile afin d’amender le texte de la Constitution en vue de la réélection du chef de l’Etat.
Le 30 mai 1957, l’opposition organise une importante manifestation de rue pour protester contre la politique du gouvernement. Ce dernier l’interdit sous prétexte qu’elle ne pouvait pas être pacifique. L’opposition passe outre et elle est accusée de vouloir, en agissant ainsi, renverser le chef de l’Etat.
Les manifestants tentent alors de forcer les barrages des gendarmes. Ces derniers ripostent. De violentes confrontations s’en suivent. Le bilan est très lourd: huit tués et trente blessés dont Saëb Salam et Nassim Majdalani qui avaient pris la tête des manifestants.
Inter-La gifle de Salam
Les forces de l’ordre avaient pour mission d’empêcher les manifestants de se rendre à la rue Fouad 1er, où le grand rassemblement devait avoir lieu. Les manifestants n’ont pas capitulé. Autour du terminus dit de Basta, de violents heurts ont lieu, chaque fois que les manifestants cherchaient à forcer les barrages des gendarmes. Arrivant de son domicile en compagnie de cinquante de ses partisans, Saëb Salam est bloqué sur un barrage. Il tente de passer mais les forces de l’ordre s’y opposent. Salam gifle alors le commandant responsable. Dans l’accrochage, Salam est blessé d’un coup de crosse à la tête.
Un peu plus loin, Nassim Majdalani est arrêté à un barrage à Tarik Jdidé. Les manifestants attaquent les gendarmes qui ripostent. La situation se dégrade et l’armée intervient pour ramener le calme. Réuni d’urgence, le Conseil des ministres donne au commandement de l’armée l’ordre de tirer sans sommation pour disperser les attroupements. Un mandat d’arrêt est lancé contre Salam, pour outrage à un responsable de l’ordre dans l’exercice de ses fonctions.
Un autre facteur entre en ligne après l’annonce par le gouvernement de l’arrestation de deux officiers des services de renseignements syriens. Alors qu’il envisage d’adresser une note de protestation à Damas, les autorités syriennes nient toute ingérence sur la scène libanaise.
L’affaire est confiée à la Cour de justice. Le 24 septembre, le juge d’instruction, Adel Takieddine, requiert, dans son acte d’accusation, les travaux forcés à perpétuité pour Abdallah Yafi, Saëb Salam, Hamid Frangié, Ahmad el-Assaad, Sabri Hamadé et Nassim Majdalani, ainsi que contre Ali Bazzi et Abdallah Machnouk. Il requiert l’arrestation de 391 autres personnes qui seront déférées devant la Cour de justice. Les accusations portent sur des agressions commises dans le but de déclencher une guerre civile confessionnelle. L’hypothèse du complot est retenue, ainsi que des tentatives d’homicide et d’incendies.
L’opposition ne répond pas à l’accusation et se contente de souligner que plusieurs inculpés n’ont pas été interrogés. L’affaire ne va pas plus loin.
Arlette Kassas
N.B: Les informations citées dans cet article sont tirées du Mémorial du Liban: le mandat de Camille Chamoun de Joseph Chami.
Exigences de l’opposition
Avant la manifestation du 30 mai, l’opposition dénonce, dans un télégramme adressé au chef de l’Etat, ce qu’elle appelle une volonté de fausser les résultats des élections pour amener une Chambre docile permettant à l’Autorité d’agir à sa guise. Elle exige la démission du gouvernement et la mise en place d’un cabinet neutre et intègre.