Magazine Le Mensuel

Nº 2900 du vendredi 7 juin 2013

Presse étrangère

Extension du domaine de la lutte

Cette semaine, la presse étrangère lit l’actualité libanaise sous le prisme de la radicalisation des communautés sunnite et chiite, qui se manifeste sur les plans politique et militaire.

Foreign Policy
Mitchell Prothero, le correspondant au Liban du bimestriel américain Foreign Policy, s’est embarqué dans «l’aventure syrienne du Hezbollah». Carnet de route.
J’ai passé la journée avec des combattants sunnites déployés autour d’une petite mosquée de Bab el-Tebbané. Je les avais rencontrés il y a près d’un an. Un dignitaire de la région, qui entretient des liens avec al-Qaïda, m’a expliqué que ce petit commando s’était transformé en un groupuscule jihadiste. Je décide alors de retourner les voir. Les nouveaux drapeaux noirs autour de la mosquée me laissent à penser que le dignitaire avait raison. Les combattants m’ont montré les nouvelles armes qu’ils ont achetées avec l’argent de cheikhs saoudiens et m’ont clairement affirmé qu’ils prenaient part à la révolution syrienne. «Nous ne faisons plus la différence entre le Liban et la Syrie», m’explique le jeune leader du groupe Hajj Mohammad. «Nous vivons sous occupation chiite, comme les Syriens, et nous menons le jihad contre l’Iran et son chien sioniste Bachar el-Assad». On peut difficilement être plus direct.
Avant la véritable bataille de Qoussair, les commandants des brigades Farouk de l’Armée syrienne libre (ASL), qui défendent la ville, m’expliquaient sur Internet que les premières attaques du Hezbollah avaient isolé la ville. «Si le régime et le Hezbollah envoient assez d’hommes, ils prendront probablement la ville. Alors nous avons dit à nos frères qu’ils devaient se battre jusqu’à la mort».
Les premiers jours de la bataille, des dizaines d’enterrements ont eu lieu dans plusieurs villages chiites à travers le Liban, perçant le voile du secret qui entoure habituellement les opérations du parti. Mais il voulait faire connaître au monde le prix de leur sacrifice. Le nombre de morts est étonnant pour un groupe qui a acquis une réputation mystique. Le Hezbollah n’a pas oublié comment faire la guerre, mais il fait face à un rival déterminé, suffisamment armé et ayant l’avantage de mieux connaître le théâtre des opérations.

Libération
Cette semaine, la presse française a fait place belle aux leaders politiques libanais. Libération a publié une tribune de Walid Joumblatt que le leader druze a titrée Sombres présages au Moyen-Orient.
Nous assistons à un retournement de situation au Moyen-Orient: de l’Irak à la Syrie, la tendance est à la dislocation. Ce scénario cauchemardesque accouche d’un conflit d’intérêts au sujet des prochaines lignes de démarcation entre Israël et l’empire persan rampant qui a déjà «atterri» sur le littoral de la Méditerranée par Hezbollah interposé. Autant dire que les frontières tracées par les accords Sykes-Picot de 1916 s’effondrent et que le monde arabe est désormais paralysé par les divisions confessionnelles et ethniques.
Je ne voudrais pas sombrer dans trop de pessimisme, mais force est d’admettre que les beaux jours de l’Andalousie sont révolus, ces jours où juifs et musulmans partageaient une histoire de coexistence, offrant au monde un héritage incomparable. Un nouveau type d’inquisition se fait jour dans les pays arabes: celle de l’intolérance, de l’analphabétisme, du confessionnalisme et du tribalisme, qui est en fait le cycle prédit par Ibn Khaldoun. L’inquisition de la querelle entre sunnites et chiites – née d’un différend politique autour de la succession du prophète Mahomet- est exploitée par le manque et l’incapacité de l’esprit arabe ou musulman à résoudre cette controverse, à se tourner vers l’avenir, le développement et l’éducation, pour mettre en place un marché commun arabe, renforcer l’Etat de droit et le mettre à l’abri de la théocratie médiévale fondée sur des interprétations ahurissantes du Coran.

Le Figaro
Le Figaro publie, lui, une interview de Tammam Salam. Extraits des propos du Premier ministre désigné: «Ce sont les circonstances qui ont imposé cette extension. L’insécurité dans plusieurs régions libanaises ne favorise pas l’organisation du scrutin. La prorogation (du mandat du Parlement) était devenue inéluctable pour éviter le vide institutionnel. C’est vrai que ce n’est pas un signe de bonne santé de la démocratie libanaise, il ne faut pas se voiler la face. Le refus du vide institutionnel est cependant positif».
Sur la formation du gouvernement, Salam rappelle qu’il a «été choisi par 124 députés sur 128, soit à la quasi-unanimité. Malheureusement, immédiatement après, les différents partis ont commencé à me mettre des bâtons dans les roues. Le niveau de méfiance entre les uns et les autres est à son comble. A mon sens, les partis doivent rester à l’extérieur du gouvernement afin d’y préserver un espace de neutralité et de stabilité. D’après les sondages des deux derniers mois, les Libanais sont favorables à plus de 70% à une telle formule. Le moment venu, j’assumerai clairement mes options (c’est-à-dire en composant un cabinet au risque de ne pas obtenir la confiance du Parlement, NDLR)».
Sur la contagion de la crise syrienne, le Premier ministre désigné explique que «le Liban a d’autant plus besoin de se tenir à distance de ce qui se passe en Syrie que la situation y est brûlante. Nous devons à tout prix préserver l’union nationale. Et il est évident que l’implication militaire du Hezbollah ne facilite pas les choses. Ce n’est cependant pas une raison pour baisser les bras. Le président de la République a été clair sur ce point: nous devons convaincre le Hezbollah de ne pas s’enfoncer davantage en Syrie».

Vanguard
Le quotidien nigérian Vanguard revient sur l’arrestation de trois Libanais au Nigeria. Explications. Les trois suspects ont été arrêtés entre le 16 et le 28 mai à Kano, la plus grande ville du nord du pays. Au cours de leur interrogatoire, tous ont admis être des membres du Hezbollah. En perquisitionnant le domicile de l’un des suspects, la police a retrouvé 11 missiles antichars, deux obus de canon 122 mm, 21 lance-roquettes, 17 AK-47 et 11000 balles ainsi que de la dynamite. Le porte-parole militaire de Kano, Ikedichi Iweha, a expliqué que «ces armes devaient servir à viser des intérêts israéliens et occidentaux au Nigeria. Le 16 mai, les services secrets nigérians ont intercepté le dénommé Moustafa Fawaz dans un supermarché de la ville. Son interrogatoire a conduit les autorités à interpeller Abdullah Tahini à l’aéroport de Kano qui avait sur lui 60000 dollars en nature, et Talal Roda, un Libano-Nigérian, qui entreposait chez lui, dans un bunker souterrain, tout cet armement. «Tous ont admis suivre l’entraînement terroriste du Hezbollah», ajoute Iweha. «La possibilité d’un lien avec Boko Haram est à l’étude». Jamais des liens entre la secte islamiste et le Hezbollah n’étaient apparus jusque-là.
Bien que la plupart des musulmans nigérians soient sunnites, existent plusieurs centaines de Nigérians chiites, dont le chef de file est Ibrahim Zakzaky. Iweha a refusé de dire si Zakzaky avait été interrogé, concédant que le mouvement qu’il dirige est considéré comme pacifique.

Julien Abi Ramia
 

New York Times
Terroriste libanais à Chicago
Une brève publiée dans les colonnes du New York Times. Un immigrant libanais a été condamné à 23 ans de prison pour avoir placé un sac à dos qui, pensait-il, contenait une bombe à Chicago. Il a été repéré et piégé en 2010 par des agents d’infiltration qui se sont fait passer pour des terroristes qui préparaient un attentat. Pour justifier la condamnation de Sami Hassoun, 25 ans, le juge a invoqué le spectre du marathon de Boston. La défense de ce boulanger-confiseur de profession l’a dépeint comme un jeune homme crédule, qui a sombré dans le terrorisme à cause de l’alcool.

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