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Nº 3094 du vendredi 5 octobre 2018

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Baldati Madinati. Une plateforme entre administrés et municipalité

Instaurer la transparence entre les municipalités et leurs administrés, c’est le pari lancé par l’Union des municipalités de Jezzine, avec le projet Baldati madinati, lancé par les ONG Sakker el-Dekkene et Arabia GIS, avec le soutien de l’USAID.

Les ONG Sakker el Dekkene et Arabia GIS ont créé une plateforme online interactive, baptisée Baldati Madinati, grâce à laquelle les citoyens peuvent directement discuter avec les élus de l’Union des municipalités de Jezzine (Jezzine, Bkassine, Roum, Qaytouli et Haytoura). Un projet novateur qui relie la municipalité aux citoyens. La deuxième phase du projet s’adressera à la région du Liban-nord, avec une autre union de municipalités autour du Akkar.
L’objectif principal de cette plateforme est de renforcer les pratiques de transparence et de responsabilité citoyenne en faveur de la bonne gouvernance. La plateforme sert de lien entre la municipalité et les citoyens mais garantit également le droit d’accès à l’information et ambitionne de rétablir la confiance entre les deux parties. Les municipalités publient les informations relatives au budget, à l’état de leurs finances, à leurs projets en cours tandis que la société civile peut contrôler le travail municipal. Ce projet a pu voir le jour grâce à l’aide financière délivrée par l’agence américaine pour le développement, l’USAID depuis février 2018. Alors que chaque municipalité gagne en visibilité auprès de ses administrés, de leur côté ceux-ci peuvent poser des questions, suggérer de nouveaux projets ou lancer des pétitions pour se faire entendre des autorités.

Défis techniques
«Avant de mettre en place la plateforme virtuelle pour échanger entre élus et citoyens, à Jezzine, nous avons tout automatisé. Le plus difficile a été le fait d’accepter d’utiliser l’outil informatique et de limiter les interactions humaines. Les employés étaient habitués à se déplacer d’un bureau à l’autre pour toute raison et l’informatisation les a bousculés dans leurs habitudes» commente Khalil Harfouche, président de l’Union des municipalités de Jezzine et maire de Jezzine. C’est son entreprise informatique Code, qui s’est occupée de l’informatisation. «Dans d’autres municipalités, le problème était d’ordre plus technique, comme le manque de ressources humaines pour la gestion adéquate de la plateforme». Par exemple, à Roum, des désaccords autour de la publication d’informations ont suscité des divergences au sein même de l’équipe du conseil municipal.

SMART municipality
«A Jezzine, notre première innovation a concerné l’automatisation informatique des données. Depuis un an et demi, nous avons établi un standard, pour l’émission d’un certificat X par exemple, nous avons estimé qu’il fallait 4 jours, alors dès le 3ème jour, si la procédure n’a pas commencé à circuler entre les services, nous recevons une alerte et nous relançons l’employé retardataire dans sa prestation de services » explique Khalil Harfouche. Plus il y a un volume important de demandes de procédures, plus l’automatisation informatique est intéressante. «A partir de 1 500 habitations ou 4 000 habitants, c’est utile, avec une moyenne de 15 procédures par jour comme c’est le cas de Jezzine actuellement. Les municipalités de Zouk Mikhael et de Zouk Mosbeh communiquent avec nous pour établir leur propre système de «smart municipality». C’est applicable à l’ensemble des municipalités libanaises. Une nouvelle loi municipale exige que le président de la municipalité appose sa signature à toutes les demandes de formalités acceptées. S’il peut le faire de manière informatique, ça facilite encore la procédure» estime-t-il.
La corruption peut agir partout et c’est la meilleure façon de la contrer. «Cette plateforme va permettre de savoir quels élus travaillent correctement et ceux qui abusent de leur pouvoir. La participation des Libanais au processus de décisions publiques est donc plus spontanée, interactive. Dès qu’un citoyen en fait la demande écrite, les collectivités sont tenues de délivrer les documents informatifs demandés, sauf en ce qui concerne la défense nationale, la sécurité intérieure et extérieure de l’Etat ainsi que la vie privée, pour des raisons évidentes. C’est de la démocratie participative.

Contre la corruption
Abdo Medlej, co-fondateur et ex-président de l’ONG Sakker el Dekkeneh, explique «qu’avec l’expérience, nous avons compris que donner plus d’importance aux pouvoirs régionaux aidait à contrer la corruption». «La plateforme va permettre de déceler l’éventuelle mauvaise gestion des ressources, du budget, etc. et permettre aux administrés qui ne sont pas informés des décisions municipales, de l’être pour éventuellement les contester et les empêcher. Si l’on donne plus de pouvoir aux municipalités, le degré de corruption baissera car il sera plus facile de contrôler les décisions», affirme-t-il. A Bkassine, une pétition en ligne sur la plateforme a mis la pression sur les élus locaux.
«C’est quand même un nouveau concept, celui de la bonne gouvernance et de la transparence, encore trop loin des priorités des citoyens. La plupart d’entre eux méconnaissent leurs droits et n’accordent pas d’importance au rôle de la municipalité» explique le directeur de GIS Arabia, Houssam Hassan. «Nous sommes satisfaits même si seulement 15% des citoyens participent sur la plateforme», note-t-il.
L’ex-député Ghassan Moukheiber, présent lors de la conférence de presse, a relevé que «la loi d’accès à l’information a été promulguée en 2017, mais depuis aucune municipalité n’a encore publié le relevé annuel de ses activités. La plateforme peut être un bon outil administratif mais il ne remplace pas les services réels». «Cette plateforme devrait être mise en pratique au ministère de l’Intérieur et même proposée pour un coût modique à l’ensemble des municipalités au Liban dans un désir de développement» conclut-il.

Micheline Abukhater

 

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