L’aventure de Beirut Footsteps, c’est l’envie de redécouvrir la capitale à travers le regard poétique de Marie-Noëlle Fattal. Après avoir publié ses clichés sur les réseaux sociaux, elle les réunit dans un livre à paraître le 23 novembre.
Il serait dommage de limiter ce livre de Marie-Noëlle Fattal à quelques beaux clichés. L’aventure de Beirut Footsteps commence, indirectement, lors de son retour au Liban, il y a 5 ans. Après le déjeuner dominical, elle sillonne les rues de Beyrouth, accompagnée de sa mère et de ses enfants. Citadine dans l’âme, elle prend soin d’immortaliser les endroits qui la charment, son smartphone à la main. Vieilles bâtisses libanaises, maisonnettes colorées, échoppes, jardinets secrets au détour d’une rue, mais aussi des anonymes, animent ses balades urbaines.
«Un jour, alors que nous visitions une exposition au Beirut Art Center, j’apprends que le centre va fermer ses portes. J’ai eu alors envie de partager mes photos de cette ville qui change sur Facebook et Instagram, qui rassemblent aujourd’hui plus de 10 000 followers. «Il y a une communauté qui s’est attachée à cette ville, qui souffre de voir à quel point elle est défigurée. On atteint une phase critique. Encore quelques coups de pioche et il ne restera plus rien. C’est dramatique», déplore-t-elle. Consciente des destructions irraisonnées du patrimoine comme bon nombre de Beyrouthins, Marie-Noëlle Fattal se défend pourtant de toute velléité militante. «A la base, c’est une démarche plutôt poétique». Elle veille à légender chacune de ses photos avec, selon l’inspiration, un vers de Paul Eluard, un autre de Nadia Tueini, ou tout simplement, une pensée positive.
«Parfois, je rêve qu’on protège un quartier, même si ce ne sont pas des maisons patriciennes très belles, pour en faire des maisons d’artistes». «Pourquoi ne penser qu’à exploiter le mètre carré? Mais il faut toujours être optimiste. Il y a plein de gens qui font des choses fabuleuses. C’est d’eux que viendra le salut, plus que de l’institution». Des gens, Marie-Noëlle en a rencontré beaucoup lors de ses promenades dominicales. A commencer par Paul Farah, un chauffeur de taxi amoureux de sa ville comme elle, qui l’emmène découvrir des quartiers encore inexplorés. Ou encore des vendeurs ambulants, des cafetiers, des anonymes parfois, tous fiers de prendre la pose devant son objectif. «Pleins de petits métiers vont disparaître, qui sont liés à une certaine vie de quartier». L’un de ses lieux de prédilection, justement, regorge de personnages hauts en couleurs. «Je ne connaissais par Karm el-Zeytoun, c’est un quartier très populaire qui m’a beaucoup touché. Gemmayzé et Mar Mikhael figurent dans mes favoris, j’aime leur atmosphère jeune, gaie». Elle a aussi découvert le camp d’al-Abyad, au bout de Mar Mikhael, qui abritait les Arméniens à leur arrivée au Liban. Passionnée d’art, elle immortalise aussi les œuvres de street-art qui «embellissent» certains murs de la capitale.
Insubmersible
Sa quête d’esthétisme, cette photographe autodidacte l’assume. «J’ai dû trouver un équilibre, entre céder totalement à l’esthétique et, de temps en temps, choisir de montrer autre chose, des personnes touchées par la pauvreté, ou tout simplement des quartiers pas très beaux. Beyrouth, c’est ça aussi». Ses photos montrent la réalité d’une ville en pleine effervescence, entre patrimoine en perdition et problèmes socioéconomiques. Elle qui voue un véritable amour à Beyrouth confie «savoir pourquoi (elle) aime cette ville, mais il y a plein de choses irrationnelles que je ne saurais expliquer». S’il n’y avait qu’un mot pour la qualifier? «Insubmersible». «Il y a une énergie dans cette ville, dans les gens».
Dans son livre, elle a rassemblé une sélection de clichés afin de «transmettre, garder une trace et de revivre les événements, comme un journal intime de Beyrouth». Et compte bien poursuivre ses pérégrinations beyrouthines, en espèrant toucher les Libanais, notamment ceux de la diaspora. Ce sont ses anciens «moi», dit-elle, elle qui a vécu une majeure partie de sa vie en dehors du Liban.
Jenny Saleh
Signature le 22 novembre, restaurant Liza, rue Doumani à Achrafieh, de 16h à 19h.